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Coronavirus : pourquoi cédons-nous à la panique ?

Preuve de l'anxiété ambiante : des milliers de masques de protection ont été volés dans des hôpitaux à Paris et Marseille Preuve de l'anxiété ambiante : des milliers de masques de protection ont été volés dans des hôpitaux à Paris et Marseille. [Miguel MEDINA / AFP]

Les foyers de contamination se multiplient en France et le coronavirus prend chaque jour plus de place dans la vie des Français. Ruées dans les supermarchés, limitation des contacts humains, suspicion... Sommes-nous en train de céder à la panique ? Pourquoi l'épidémie nous fait-elle si peur ?

Selon Patrick Rateau, professeur en psychologie sociale à l'université de Nîmes, nous sommes actuellement confrontés à «une peur collective très intense».

Il estime qu'elle repose sur trois caractéristiques principales. Il y a d'abord un fort enjeu, puisque la menace est non seulement «potentiellement mortelle» mais peut aussi «toucher l'ensemble de l'espèce humaine».

Deuxièmement, la situation est marquée par «une faible possibilité d'action». «Nous avons affaire à un virus, l'origine du danger n'est donc ni humaine ni intentionnelle, développe-t-il. En cela, l'épidémie se distingue du terrorisme qui ne fait pas moins peur mais contre lequel on a l'impression d'avoir plus de moyens d'action, qu'ils soient politiques, géostratégiques ou diplomatiques. On ne peut pas tenter de raisonner le coronavirus.»

«La peur entraîne un fort besoin de savoir»

Ce sentiment d'impuissance, particulièrement «anxiogène» nous amène à nous sentir «vulnérables». Ce qui nous amène au troisième point : «le besoin humain de partager une émotion négative, pour se rassurer».

Ici Patrick Rateau pointe l'énorme quantité d'information échangée autour du coronavirus, aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les médias. «La peur entraîne un fort besoin de savoir, explique le professeur en psychologie sociale. Le problème c'est qu'on cherche alors la quantité plutôt que la qualité. On veut l'information, d'où qu'elle vienne, car elle permet d'abaisser le niveau de peur.»

Conséquence : les fake news et les rumeurs apparaissent. En France, le risque est renforcé à cause du «climat actuel de défiance envers les autorités officielles». «On privilégie les voix parallèles, là où l'information n'est pas toujours la bonne», explique le professeur.

Paradoxalement, nous entretenons donc l'anxiété en cherchant à nous rassurer. Pour Patrick Rateau c'est cette peur qui a notamment conduit à la stigmatisation des Français d'origine asiatique puisqu'elle «génère plutôt une pensée simpliste ou automatique qui mène au stéréotype».

La «recherche d'un bouc émissaire» fait partie intégrante du phénomène de l'épidémie selon Norbert Gualde, immunologiste. S'en prendre au groupe désigné compte parmi les «comportements irrationnels» que la panique peut faire naître, comme «ces gens qui dévalisent les surpermarchés ou restent claquemurés chez eux».

Les deux experts s'accordent pour dire que les pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans la gestion de cette peur collective. «Puisque l'impuissance crée l'anxiété, il faut dire quelles sont les actions possibles, commence Patrick Rateau. Savoir qu'il faut se laver les mains, tousser dans son coude... etc, cela redonne une sensation de contrôle.»

De son côté, Norbert Gualde insiste sur le fait qu'il «ne suffit pas de dire aux gens de ne pas s'inquiéter. Il faut aussi leur prouver qu'il n'y a pas de raison de le faire.» Cela commencerait notamment par remettre les chiffres du coronavirus en perspective.

«Il y a de nouveaux décès chaque jour, certes, mais ce n'est finalement pas grand chose au regard du nombre de cas, explique l'immunologiste. L'humanité a connu des épidémies bien pires, comme celle de la grippe espagnole. Il faudrait toujours donner le nombre de patients guéris en même temps que celui des morts».

Le scientifique a l'habitude de dire qu'«un microbe ne fait pas l'épidémie». Pour le Covid-19 il semblerait qu'il en soit de même : le virus fait sa part, la peur se charge du reste.

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