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Wirecard : Tout comprendre au scandale financier qui secoue l'Allemagne

Wirecard est soupçonné d'avoir gonflé artificiellement son bilan comptable pour le rendre plus attractif. Wirecard est soupçonné d'avoir gonflé artificiellement son bilan comptable pour le rendre plus attractif. [Christof STACHE / AFP]

Ce pourrait être l'un des plus gros scandales financiers de ces dernières années. La firme allemande Wirecard, spécialisée dans les services de paiement en ligne, est soupçonnée d'une fraude comptable de près de 2 milliards d'euros. Une affaire qui ne cesse de prendre de l'ampleur en Allemagne depuis qu'elle a éclaté la semaine dernière.

Un trou de 1,9 milliard d'euros dans le bilan de l'entreprise

Le point de départ de toute cette affaire remonte à jeudi dernier. Wirecard, une start-up allemande devenu un prestataire international (6.000 salariés et 26 succursales dans le monde), annonce un nouveau report de la publication de ses comptes de l'année 2019. En cause, une somme de 1,9 milliard d'euros à l'actif de l'entreprise, dont les auditeurs du cabinet EY (Ernst & Young) ne parviennent pas à prouver l'existence réelle, provoquant un effondrement de Wirecard en Bourse (- 62 %).

Dans la nuit de dimanche à lundi, la firme d'Aschheim, près de Munich, dont l'activité consiste à garantir les règlements de transactions effectuées en ligne par des entreprises, finit par avouer que cette somme de près de 2 milliards d'euros, correspondant au quart du bilan de la société, «n'existe très probablement pas». Résultat, un nouveau plongeon à la Bourse de Francfort (-44 %). De 100 euros mercredi dernier, le cours de l'action a dégringolé à 14 euros lundi, avant de remonter légèrement à 17 euros ce mardi. 

Deux banques aux Philippines au centre de l'affaire

Selon la fintech allemande, créée en 1999 et qui compte notamment parmi ses clients Orange, le Crédit agricole, Visa, ou encore Mastercard, ces quelque 2 milliards d'euros étaient censés se trouver sur des comptes appartenant à deux banques aux Philippines, jouant le rôle d'intermédiaire de paiement en Asie pour Wirecard. 

Sauf que ces deux banques, BPI et BDO, ont affirmé dans un communiqué commun n'avoir aucun lien avec Wirecard. La Banque centrale des Philippines, qui a ouvert une enquête, a elle-même assuré que «les fonds manquants ne sont pas entrés dans le système financier». Pour aggraver le tout, l'avocat jouant le rôle d'agent fiduciaire censé superviser aux Philippines la gestion des comptes pour Wirecard, Mark Tolentino, est introuvable. Il pourrait être au cœur du scandale selon le magazine allemand Der Spiegel. 

Démission et arrestation du patron fondateur de la firme

Ce séisme financier a coûté sa place au fondateur et président du directoire de l'entreprise, Markus Braun. L'Autrichien de 51 ans a démissionné vendredi avec effet immédiat.

Il a par la suite été arrêté, a annoncé mardi la justice allemande. Il s'est livré de lui-même aux autorités après le lancement d'un mandat d'arrêt à son encontre pour avoir «gonflé» artificiellement le bilan de l'entreprise de services de paiement en ligne, en vue de le rendre «plus attractif pour les investisseurs et les clients», a indiqué dans un communiqué le parquet de Munich. Il va être libéré contre une caution de 5 millions d'euros, a annoncé la justice allemande ce mardi. 

Vendredi, après l'éclatement de l'affaire, Markus Braun avait tenté de se placer comme la victime de cette malversation. «Pour le moment, il n'est pas exclu que Wirecard soit devenue la victime d'une fraude aux proportions considérables», avait-il précisé dans une vidéo, ajoutant que la société allait «porter plainte contre X». Ce qui ne met pas à l'abri la société d'une possible faillite. Elle tente de négocier actuellement avec les banques le maintien de lignes de crédits d'environ 2 milliards d'euros, décisives pour sa survie. 

Les autorités financières allemandes dans l'œil du cyclone

Ce scandale jette le discrédit sur les autorités de supervision financières allemandes, incapables de voir venir et d'empêcher cette fraude d'une ampleur gigantesque. Au Bundestag, le Parlement allemand, le député d'extrême gauche Fabio De Masi a estimé que le gendarme allemand de la Bourse, la Bafin, devait «changer radicalement sa culture de supervision».

«Il est clair que l'ensemble du système financier allemand s'est couvert de honte», cingle mardi le quotidien Süddeutsche Zeitung. «Entre le superviseur du secteur (Bafin), les agences de notation, les auditeurs, les banques et les sociétés d'investissement, (...) les contrôleurs ont failli à leur tâche», ajoute-t-il. Des critiques d'autant plus vives que la presse n'a cessé dès 2015 d'émettre des doutes sur le modèle économique du prestataire de paiement en ligne bavarois.

Une enquête du Financial Times début 2019 a mis le doigt sur les soupçons de fraude chez Wirecard en Asie. Mais là encore sans conséquences du côté des superviseurs. Le patron de la Bafin, Felix Hufeld, a reconnu que son autorité avait sa part de responsabilité dans cette affaire, reconnaissant qu'elle n'était pas parvenue à «empêcher que cela se produise», mais a refusé de porter seul le chapeau de ce vaste scandale, qui marquera sans nul doute l'histoire financière allemande.

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