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François Forget, planétologue : «la sonde Al-Amal n'est pas juste une démonstration technologique des Emiratis»

La fusée transportant la sonde «Al-Amal» a décollé lundi 20 juillet du Japon. La fusée transportant la sonde «Al-Amal» a décollé lundi 20 juillet du Japon.[Handout / Mitsubishi Heavy Industries / AFP]

La sonde «Al-Amal» («Hope» en anglais, «Espoir» en français), imaginée par les Emirats arabes unis, a décollé lundi 20 juillet du Japon. Elle doit rejoindre l’orbite de Mars d’ici à février 2021 pour y étudier son atmosphère. Pour François Forget, planétologue, seul Européen (et Français) à participer à cette mission, il s'agit d'une véritable prouesse.

A quoi ressemb​le précisément la sonde «Al-Amal» ?

C’est un cube d’un ou deux mètres de côté, soit à peu près la taille d’une voiture. Sur ses côtés; elle a de grands panneaux solaires. Enfin, une grande antenne assure la liaison avec la Terre. 

Quel est le but de sa mission ?

Tout d’abord, cette mission a une vraie ambition scientifique. Ce n’est pas juste une démonstration technologique des Emirats arabes unis, comme a pu le faire l’Inde en 2013, en lançant la sonde Mangalyaan. Les Émiratis veulent contribuer à la recherche sur Mars : la mission va donc étudier son atmosphère et son climat. Ce n’est pas la première mission à le faire, il y a d’ailleurs actuellement six satellites fonctionnels et beaucoup ont des instruments pour mesurer ce qui se passe dans l’atmosphère.

Les instruments utilisés par «Hope» ne sont pas non plus révolutionnaires. Ce qui est vraiment différent dans cette mission, c’est l’orbite à laquelle la sonde va étudier l’atmosphère. Toutes les autres travaillent depuis une orbite basse. La nôtre se met loin de la planète, entre 20.000 et 40.000 kilomètres. Cela permettra d’avoir une vue globale de l’atmosphère de Mars et de l’observer à n’importe quel endroit de la planète et à toutes les heures de la journée. 

La sonde va rester en orbite pendant une année martienne
François Forget, planétologue

Jusqu’à présent, les missions américaines survolaient Mars à la même heure locale, soit 2 heures de l’après-midi ou 2 heures du matin. En conséquence, par exemple, notre connaissance sur ce qui se passe au lever du soleil, est très incomplète. Grâce à «Hope», nous allons pouvoir observer ce qu’il se passe au petit matin.

Un instrument embarqué va permettre d’observer l’exosphère, c’est-à-dire le nuage de molécules qui entoure la planète. Cet outil peut également mesurer «l’échappement», soit la façon dont Mars perd son atmosphère. C’est une donnée très intéressante car il faut savoir qu’il y a encore plusieurs milliards d’années, Mars était très différente d’aujourd’hui : elle ressemblait encore plus à la Terre, il y avait des lacs et des rivières. Son atmosphère était différente et la façon dont les conditions ont changé reste mal comprise. La question sous-jacente est : pourquoi n’a-t-elle pas suivi le destin de la Terre ? 

La sonde va rester en orbite une année martienne, a priori (ce qui équivaut environ à deux ans sur Terre, ndlr). Mais si tout se passe bien, elle pourrait même faire une deuxième année martienne, ce qui serait très intéressant car la météo varie d’une année sur l’autre et l’on pourra comparer les saisons. 

Quel climat règne-t-il sur Mars ?

Mars est une planète désertique et sèche. Le cycle jour-nuit est très marqué : l’après-midi, sous les tropiques, la température de la surface est de 20°C et la nuit, elle passe à -80°C. 

Mars a de nombreux points communs avec la Terre, notamment au niveau de la météo : à la latitude de Paris, il existe des anticyclones et des dépressions ; sous les tropiques, il y a des vents alizés et des vents de moussons. La durée d’un jour martien (le temps que la planète met pour faire un tour sur elle-même) est de 24 heures et 40 minutes. En étudiant Mars, nous apprenons donc beaucoup sur la Terre. 

Envoyer un humain sur Mars ? Il n'y a pas d'impossibilité mais le défi technologique est important
François Forget, planétologue

Deux autres missions martiennes, une chinoise et une américaine, vont partir dans quelques semaines. En quoi Hope diffère-t-elle des deux autres et pourquoi un tel engouement pour cette période de l’année ?

Perseverence, la mission américaine, comprend un robot qui va se poser à la surface de la planète et dont le but est de comprendre l’état de la planète Mars, il y a 4 milliards d’années. Le robot va agir comme un géologue : il va se rendre dans un ancien lac pour étudier les sédiments, rechercher des fossiles et analyser des traces microscopiques. 

La mission chinoise, Tianwen-1, est très ambitieuse puisqu’elle contient un satellite d’observation qui va rester en orbite mais également un atterrisseur. Celui-ci, comme la mission américaine, déposera un robot qui va aller se promener pour étudier les cailloux et la minéralogie de la planète. 

Les trois missions partent dans un laps de temps très restreint car la fenêtre de tir pour Mars l’est tout autant. Il est possible d’envoyer une sonde vers Mars uniquement tous les 26 mois à cause de la géométrie des orbites. Il y a deux ans, il y a eu la mission américaine InSight. Cette année, trois missions sont donc programmées. Dans deux ans, ce sera au tour du robot Exo Mars. Et dans quatre ans, les Japonais ont prévu de lancer une mission.

Est-on en capacité aujourd’hui de faire atterrir un homme sur Mars ? 

Il n’y a pas d’impossibilité, ce n’est pas comme si l’on voulait voyager dans le temps ou rejoindre une autre étoile. Il y a encore de nombreux travaux à faire et d’études à mener car le défi technologique est important. Si l’on dépense l’argent qu’il faut pour payer des ingénieurs, alors oui une mission humaine est envisageable. C’est avant tout un problème de coût et d’investissement. Mais attention car cela fait 50 ans que l’on dit que cela va se faire dans 20 ans. 

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