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«Taxe carbone» aux frontières de l'UE : comment fonctionne le mécanisme adopté pour verdir les importations ?

Eurodéputés et Etats membres ont adopté un mécanisme sans précédent de taxe carbone aux frontière de l'UE. [© Frederick FLORIN/AFP]

Les eurodéputés et les Etats membres se sont mis d'accord ce mardi 13 décembre sur un «mécanisme d'ajustement carbone» aux frontières de l'UE, aussi appelée «taxe carbone». Une mesure inédite, au cœur de la politique écologique de l'UE.

Verdir les importations industrielles en faisant payer les émissions carbones liées à leur production : tel est l'objectif du «mécanisme d'ajustement carbone», adopté ce mardi par l'UE après de longues négociations. Voici comment cela fonctionne et ce qui reste à négocier.

qu'est-ce qu'un «mécanisme d'ajustement carbone» ?

Appelé communément «taxe carbone aux frontières», bien qu'il ne s'agisse pas d'une taxe proprement dite, ce dispositif sans précédent consistera à appliquer aux importations des Vingt-Sept les critères du marché du carbone européen, où les industriels de l'UE sont tenus d'acheter des quotas pour couvrir leurs émissions polluantes.

En pratique, l'importateur devra déclarer les émissions liées au processus de production, et si celles-ci dépassent le standard européen, acquérir un «certificat d'émission» au prix du CO2 dans l'UE. Si un marché carbone existe dans le pays exportateur, il paiera seulement la différence.

«Les importateurs paieront la différence entre le coût du carbone dans le pays de production (moins élevé dans des pays comme la Chine, et nul dans un grand nombre d’Etats) et celui que l’entreprise aurait payé si la marchandise avait été produite dans l’Union européenne», explique le site spécialisé Toute l'Europe.

Les revenus générés par le «mécanisme d'ajustement carbone» (CBAM en anglais) pourraient dépasser 14 milliards d'euros annuels. Ils alimenteront le budget général de l'UE.

quel est l'objectif ?

L'objectif est double : éviter un «dumping écologique» qui verrait les industriels délocaliser leur production hors d'Europe, et encourager les partenaires commerciaux de l'UE à adopter les standards européens.

Ce dispositif «sera un pilier crucial des politiques climatiques européennes (...) pour inciter nos partenaires commerciaux à décarboner leur industrie», a expliqué l'eurodéputé Mohammed Chahim (S&D, sociaux-démocrates).

«Le message à nos industries est clair : inutile de délocaliser car nous avons pris les mesures nécessaires pour éviter les concurrences déloyales» en garantissant «un traitement équitable» entre producteurs européens et marchandises importées, a souligné Pascal Canfin (Renew, libéraux), président de la commission Environnement au Parlement.

quels sont les secteurs concernés ?

Le mécanisme, administré pour l'essentiel de façon centralisée au niveau de l'UE, visera les secteurs jugés les plus polluants (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité), comme le proposait la Commission européenne.

Les eurodéputés ont obtenu d'y ajouter l'hydrogène, certains produits dérivés (boulons...), et Bruxelles devra étudier l'éventuelle extension à la chimie organique et aux polymères (plastiques).

Le dispositif tiendra aussi compte des émissions «indirectes» (générées par l'électricité utilisée pour la production).

quand le mécanisme va-t-il s'appliquer ?

Une période-test commencera dès octobre 2023, durant laquelle les entreprises importatrices devront simplement rapporter leurs obligations.

Le calendrier du démarrage effectif dépendra de pourparlers en fin de semaine sur le reste de la réforme du marché carbone européen.

Commission et Etats défendent une application progressive du mécanisme sur dix ans à partir de 2026. Les eurodéputés, eux, demandent une mise en oeuvre graduelle entre 2027 et 2032.

que vont devenir les «quotas gratuits» d'émission de co2 ?

Actuellement, les industriels européens se voient allouer des quotas gratuits couvrant une partie de leurs émissions, pour soutenir leur compétitivité face aux concurrents étrangers.

A mesure que montera en puissance l'«ajustement aux frontières», les quotas gratuits distribués aux secteurs concernés seront supprimés progressivement.

En traitant à égalité importations et production locale, Bruxelles estime rester dans les clous des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et contrer les accusations de protectionnisme.

Mais le calendrier de suppression des quotas gratuits, âprement discuté, ne sera abordé que vendredi et samedi dans les pourparlers sur la réforme du marché carbone. «La réglementation sur le CBAM ne pourra être formellement adoptée qu'après avoir résolu ces autres éléments», avertit le Conseil européen.

une aide à l'exportation pour les industries européennes ?

Un autre point controversé reste à négocier. Le Parlement veut que les sites industriels européens, sous certaines conditions, continuent de recevoir des allocations gratuites pour leur production destinée aux exportations vers des pays hors-UE.

Les industriels européens s'alarment de voir leurs exportations perdre en compétitivité en raison du prix à payer pour leurs émissions et des lourds investissements pour se décarboner, alors qu'ils pâtissent déjà de la flambée des coûts de l'énergie.

Les Etats restent, eux, réticents à tout «rabais à l'exportation», qui risquent d'être incompatibles avec les règles anti-subventions de l'OMC.

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