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Haut-Karabakh : pourquoi l'Azerbaïdjan a-t-il lancé une offensive militaire sur ce territoire ?

Le ministre des Affaires étrangères du Haut-Karabakh a appelé Bakou au cessez-le-feu et à des négociations quelques heures après le lancement de l'opération militaire. [Karen MINASYAN / AFP]

Ce mardi 19 septembre, l'Azerbaïdjan a lancé une opération militaire dans le Haut-Karabakh. Le pays est en conflit avec l'Arménie depuis des décennies concernant ce territoire enclavé.

Au centre d'un long conflit entre Erevan et Bakou, le Nagorny Karabakh, ou Haut-Karabakh, est aujourd'hui le théâtre d'une nouvelle opération militaire, lancée par l'Azerbaïdjan. Cette enclave du Caucase, à majorité arménienne mais reconnue comme faisant partie du territoire azerbaïdjanais, a déjà été au coeur de deux guerres.

Ce mardi 19 septembre, l'Azerbaïdjan a relancé les combats dans cette région, demandant le retrait «total et inconditionnel» de son adversaire arménien. Les affrontements ont tué au moins deux civils et en ont blessé 23 autres selon les autorités séparatistes arméniennes. Bakou assure de son côté n'avoir visé que des cibles militaires et a signalé le décès de l'un de ses civils à Choucha.

«Plus de 60 positions de combat des forces (séparatistes, ndlr) arméniennes sont désormais sous le contrôle de nos forces armées», a affirmé un porte-parole du ministère de la Défense, Anar Eyvazov, lors d'une conférence de presse. On a appris mardi soir que plus de 7.000 personnes avaient été évacuées de 16 localités des régions d'Askeran, Martakert, Martouni (et) Chouchi dans l'Artsakh, le nom donné par les Arméniens au Nagorny Karabakh.

Le ministère azerbaïdjanais de la Défense a décrit cette offensive comme une «opération antiterroriste» visant à mettre hors d'état de nuire «les positions des forces armées arméniennes», après la mort de six Azerbaïdjanais dans l'explosion de mines sur un chantier routier. Le Nagorny Karabakh est l'une des régions les plus minées d'ex-URSS, et leurs explosions tuent régulièrement. Mais les services de sécurité azerbaïdjanais pensent qu'un groupe de «saboteurs» des séparatistes arméniens a posé ces mines, commettant un acte de «terrorisme».

Bakou accuse également l'armée arménienne d'avoir blessé deux militaires azerbaïdjanais lors de tirs de mortier et d'armes légères dans le nord-est du Karabakh, et d'avoir tiré dans la nuit avec des armes légères vers des positions de l'Azerbaïdjan dans le district de Gadabay, à la frontière entre les deux pays. Selon les autorités azerbaïdjanaises, les séparatistes arméniens auraient aussi visé le système GPS d'un de leurs avions de ligne à l'aide d'interférences radioélectriques.

La diplomatie arménienne, elle, dénonce une «agression à grande échelle» à des fins de «nettoyage ethnique». Erevan a assuré ne pas avoir de troupes au Karabakh, laissant entendre que les forces séparatistes étaient seules face à l'armée azerbaïdjanaise. Le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a par ailleurs appelé l'ONU ainsi que la Russie, garante d'un cessez-le-feu datant de 2020, à agir.

Les séparatistes arméniens affirment que plusieurs villes du Nagorny Karabakh, dont la capitale Stepanakert, sont ciblées par des «tirs intensifs», qui visent aussi des infrastructures civiles. Selon eux, l'armée azerbaïdjanaise essaie d'avancer «en profondeur» dans l'enclave.

Une première guerre dans les années 1990

Le ministre des Affaires étrangères du territoire séparatiste a appelé Bakou au cessez-le-feu et à des négociations quelques heures après le lancement de l'opération. L'Azerbaïdjan a dit être disposé à des pourparlers à condition que «les forces armées arméniennes illégales» hissent «le drapeau blanc» et rendent les armes.

Depuis des mois, les tensions sont à nouveau au plus haut autour du Nagorny Karabakh, qui a changé de mains de multiple fois au cours des siècles. En 1921, bien que déjà peuplée en majorité par des Arméniens, l'enclave avait été rattachée à la république soviétique d'Azerbaïdjan par Staline avec, à partir de 1923, un statut d'autonomie.

Lors de la chute de l'URSS, en 1991, le Nagorny Karabakh a organisé un référendum boycotté par la communauté azerbaïdjanaise, avant de proclamer son indépendance de Bakou, avec le soutien d'Erevan. Une indépendance qui n'a à l'époque été reconnue par aucun Etat membre de l'ONU.

Le territoire a connu sa première guerre peu après, confronté à une escalade des violences, notamment interethniques, au départ de l'armée soviétique. Quelque 30.000 personnes ont perdu la vie au cours de ce conflit du début des années 1990, jusqu'à un cessez-le-feu négocié par Moscou en 1994.

Le blocage du corridor de Latchine

La deuxième guerre de l'histoire du Haut-Karabakh a éclaté à l'automne 2020 et fait 6.500 morts en six semaines. Là encore, elle a pris fin après un accord de cessez-le-feu négocié par la Russie. L'Arménie est sortie perdante de ce conflit puisqu'elle a été contrainte de céder d'importants territoires à l'Azerbaïdjan, notamment la ville de Choucha.

Après cela, les tensions ont repris à la fin de l'année 2022, lorsque l'Azerbaïdjan a installé des points de contrôle puis bloqué la circulation dans le corridor de Latchine, la seule route reliant le Nagorny Karabakh à l'Arménie. Un blocus qui a entraîné de graves pénuries de nourritures et de médicaments dans l'enclave.

Malgré les médiations séparées de l'Union européenne, des Etats-Unis et de la Russie, Erevan et Bakou échouent toujours à s'entendre sur un traité de paix. Ce mardi, l'Azerbaïdjan a assuré avoir informé la Russie et la Turquie de cette opération militaire, mais Moscou a dit n'avoir été prévenue que «quelques minutes» avant l'ouverture des combats.

Le Kremlin a appelé l'Arménie et l'Azerbaïdjan à revenir «à la table des négociations» tandis que la France a demandé «la convocation d'urgence d'une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies».

La ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, a condamné cette opération militaire «avec la plus grande fermeté», la jugeant «illégale, injustifiable, inacceptable». La ministre a dénoncé «l'utilisation d'armes lourdes y compris dans des zones habitées» et souligné que la France tenait «l'Azerbaïdjan responsable du sort des Arméniens du Haut-Karabakh».

Le président du Conseil européen, Charles Michel, a lui aussi estimé que l'Azerbaïdjan devait «immédiatement» cesser son opération. De son côté, le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a fait part de son intention de prendre contact avec les deux parties.

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