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États-Unis : enceinte et emprisonnée, elle accouche seule dans les douches de la prison

Le comté d'Etowah incarcère les femmes enceintes dans l'objectif de protéger leur fœtus [© Luciana / PIXABAY]

Enceinte de deux mois lors de son arrestation en mars 2021, Ashley Caswell fait partie des nombreuses femmes enceintes incarcérées dans le comté d’Etowah, en Alabama, aux Etats-Unis. Elle a accouché seule, debout dans une douche de la prison et sans aucune aide médicale.

Au centre de détention du comté d’Etowah, aux États-Unis, elles sont de plus en plus nombreuses à être emprisonnées au nom de la protection de leur «enfant à naître». Ashley Caswell est l’une d’entre elles. Elle avait été arrêtée en mars 2021, accusée de «mise en danger chimique» de son fœtus à cause de son addiction à la méthamphétamine, a révélé cette semaine The Guardian.

Au cours des sept mois qui ont suivi son incarcération, l’accès régulier aux visites prénatales avaient été refusé à Ashley Caswell. Pourtant, les autorités étaient au courant que sa grossesse était à haut-risque. Elle présentait une hypertension et des frottis anormaux, selon une plainte déposée contre le comté et le bureau du shérif vendredi 13 octobre. Les médicaments psychiatriques qui lui avaient été prescrits lui ont été refusés, et la femme enceinte dormait sur une fine natte posée sur le sol en béton de sa cellule pendant toute sa grossesse, rapporte le média britannique.

Aucune aide médicale lors de l’accouchement

Le jour de son accouchement, pendant 12 heures de travail, le personnel de la prison n'a autorisé que la prise de paracétamol à Ashley Caswell pour soulager sa souffrance. Elle était priée «d’arrêter de crier» et de «faire face à la douleur», accusée de ne pas être «en plein» accouchement, selon la plainte déposée vendredi dernier. Pourtant, la nouvelle mère avait perdu du liquide amniotique et du sang. Seule, debout dans une douche de la prison, elle a finalement réussi à accoucher. Ses avocats ont affirmé qu’elle avait failli se vider de son sang.

Emmenée à l’hôpital, on a diagnostiqué à la jeune mère un décollement du placenta, une condition dans laquelle le placenta se sépare de la paroi de l’utérus. Le fœtus était donc privé d’oxygène. Mme Caswell avait un très grand risque d’accoucher d’un bébé mort-né. Finalement, le nourrisson a survécu, mais sa mère en a immédiatement été séparée.

Après son accouchement en solitaire, Ashley Caswell a perdu connaissance. Le personnel n’a daigné lui apporter une quelconque aide et s’est permis de prendre des photos du nouveau-né sans le consentement de sa mère, ont affirmé ses avocats. Lors de son retour de l’hôpital à la prison, le personnel du centre de détention lui a refusé l’accès au tire-lait et à l’ibuprofène qui lui avaient été prescrits.

«Donner naissance à mon fils sans aucune aide médicale, dans les douches de la prison, a été l’une des expériences les plus terrifiantes de ma vie. Mon corps s’effondrait et personne ne m’écoutait. Personne ne se souciait de moi», a témoigné Ashley Caswell dans un communiqué. «J’ai cru que je perdrais mon bébé, ma vie, et que je ne reverrais jamais mes autres enfants», a-t-elle ajouté.

À l’heure actuelle, la nouvelle maman est incarcérée dans une prison d’État. Elle purge une peine de 15 ans, accusée à plusieurs reprises de mise en danger chimique. Condamnée pour un délit de mise en danger de classe C, il n’est pas nécessaire d’avoir une preuve que son fœtus a été blessé pour être incriminée, mais simplement exposé à des substances.

Les lois anti-avortement poussent à la criminalisation des femmes enceintes

Les associations à but non lucratif Pregnancy Justice et Southern Poverty Law Center se sont emparées de l’affaire et ont mis en cause, à travers une action en justice, les conditions de détention des femmes enceintes dans le comté d’Etowah. Selon les défenseurs des droits de l’homme, le centre de détention multiplie les poursuites judiciaires. Le comté serait le leader national en matière d’arrestation de femmes, sous prétexte de protéger leur fœtus.

Les défenseurs de la cause ont pointé du doigt l’expérience de Mme Caswell, qui met en lumière les mauvais traitements et la négligence qui menacent la vie des femmes enceintes derrière les barreaux. L’affaire met en évidence les conséquences du «mouvement en faveur de la personne fœtale», qui cherche à définir légalement les œufs fécondés, les embryons et les fœtus comme des personnes.

Le concept, inscrit dans des lois anti-avortement de plus en plus nombreuses, a poussé à la surveillance accrue et à la criminalisation des personnes enceintes. Les femmes seraient punies pour l’issue de leur grossesse, ou d’autres actions qui auraient mis en danger leur fœtus, selon la police.

De son côté, le comté d’Etowah a affirmé que les poursuites envers les femmes enceintes ont l’objectif de protéger leur fœtus, ou «l’enfant à naître», comme il à l’habitude de les appeler. «Cette affaire montre que (le comté) fait exactement le contraire», a accusé M. Roth, un des avocats d’Ashley Caswell, qui a estimé que les sévices subis par sa cliente s’apparentaient à de la «torture». En effet, une fois en prison, les femmes qui sont dans le même cas que Mme Caswell sont privées des soins prénatals les plus élémentaires.

L'alabama en tête du taux d'incarcérations de femmes enceintes aux États-unis

Entre 2006 et 2022, l’Alabama a connu le plus grand nombre de cas de criminalisation de la grossesse, a rapporté Pregnancy Justice en 2023. Le groupe a recensé 649 cas dans lesquels des femmes de l’État ont été arrêtées, ou ont subi d’autres conséquences pénales au nom de la protection de leur fœtus ou de la mise en danger de leur grossesse.

En 2019, le personnel du centre de détention avait refusé pendant cinq jours d’emmener une femme à l’hôpital, alors qu’elle avait perdu les eaux prématurément et perdu son bébé. En 2020, une autre femme aurait été forcée d’accoucher seule, sans assistance médicale ni médicaments contre la douleur.

En 2022, le comté d’Etowah a fait l’objet d’une enquête nationale lorsqu’une femme de 23 ans avait été arrêtée lors d’un contrôle routier et avait révélé aux agents de police qu’elle avait fumé de la marijuana deux jours auparavant, le jour où elle avait appris qu’elle était enceinte. La même année, une autre action en justice a allégué que le comté avait arrêté une femme pour «mise en danger chimique», sous prétexte qu’elle exposait son fœtus à des drogues. Il se trouve que la supposée femme enceinte ne l’était pas.

Ces poursuites qui se répètent depuis près de 15 ans s’inscrivent dans le cadre d’une loi de l’Alabama adoptée en 2006, dans le but de protéger les enfants des dangers des laboratoires de méthamphétamine. Depuis, dans tout le pays, les femmes sont de plus en plus souvent emprisonnées en raison de l’issue de leur grossesse, notamment de fausses couches et de mortinaissances, qui signifie le décès d’un bébé après 28 semaines de grossesse, mais avant ou au cours de l’accouchement.

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