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La chronique de Philippe Labro : du son à Bercy, de la lumière au Havre

Philippe Labro.[THOMAS VOLAIRE]

Philippe Labro est écrivain, cinéaste et journaliste. Chaque vendredi, pour Direct Matin, il commente ce qu'il a vu, vécu et observé pendant la semaine. Un bloc-notes subjectif et libre.

 

JEUDI 6 NOVEMBRE

Il est vingt heures et quelques lorsque je retrouve Johnny Hallyday dans sa loge, à Bercy, avant la deuxième représentation des «Vieilles canailles». Il est détendu, fume beaucoup moins qu’avant («J’ai réduit, je suis descendu à dix par jour, pas plus»), a perdu du poids, («Je fais de la salle, de la muscu tous les jours») et évoque avec une voix douce le bonheur que lui procurent ses deux filles, et, naturellement, sa femme, Laeticia.

Le calme règne autour de l’artiste. Mais quand, une quarantaine de minutes plus tard, il va, accompagné d’Eddy Mitchell et Jacques Dutronc, entamer un spectacle très au point, carré, terriblement bien construit, c’est un autre Hallyday qui s’exprime. La voix est puissante, elle monte au-dessus des vingt-cinq cuivres d’un excellent «big band» et quand il livre Le pénitencier ou Gabrielle, on a l’impression de voir un autre homme que celui, presque assagi, qui me recevait dans sa loge.

Le travail accompli avec Eddy et Jacques relève d’un grand professionnalisme. C’est du solide, il y a beaucoup de rythme, les trois artistes ont l’intelligence d’enchaîner leurs vingt-trois tubes sans entracte, sans trop d’interruptions, c’est comme un long ruban sonore de chansons que tout le monde connaît et aime, et qui rappellent les innocentes années 1950, et 1960, avec quelques incursions en 1970.

Mais il ne règne aucune nostalgie autour d’un trio complice, rodé, à l’aise, sachant très bien se distribuer les chansons. Des play-boys de chez Castel à la fille dont les yeux avaient une couleur menthe à l’eau, du rocker et des boogie-woogies à l’ode au quelque chose en nous de Tennessee, du noir qui est noir jusqu’à Paris qui s’éveille à cinq heures, c’est tout un paysage sonore, familier, talentueux, porteur de souvenirs, évocation d’images, réminiscences d’autres concerts ou de nuits sur la route quand on part en tournée, mais cela ne sent jamais la naphtaline.

A les voir, vêtus sobrement, se déplaçant avec leurs dégaines si différentes les unes des autres, le public (ils furent plus de 75 000 en l’espace de six soirées à guichets fermés) en redemanderait : «s’il vous plaît, donnez-nous encore des tubes», du rock, de la mélodie, de la gravité aussi (j’ai redécouvert la voix de Dutronc, la densité de Mitchell).

J’ai rarement vu et entendu, au niveau de la variété française, quelque chose d’aussi réussi et qui donne une apparence d’aisance, de décontraction, voire d’improvisation, alors que tout, en réalité, a été ordonnancé, organisé, répété et rodé. C’est la loi du spectacle : il faut que ça ait l’air simple, alors que c’est compliqué, il faut que ça semble facile, alors que c’est une élaboration très difficile.

 

DIMANCHE 9 NOVEMBRE

Les hasards de mes déplacements font que, ce jour-là, j’ai la chance de passer un après-midi au musée André-Malraux, au Havre, pour le dernier jour de l’exposition des paysages dans l’œuvre de Nicolas de Staël.

Plus de 100 000 visiteurs en l’espace de cinq mois, ce qui, selon les responsables, est un chiffre record pour ce beau musée qu’on appelle le MuMa. Les «cassé-bleu» de Staël, ses ciels, ses nuages, ses mers, les «lumières du Nord et lumière du Sud», de ce peintre français d’origine russe, qui mit fin à ses jours, à Antibes, à l’âge de 41 ans, arrêtent le regard et suscitent l’admiration.

Une foule silencieuse, très diverse, réfléchie et fascinée par les verts, mauves, gris et bleus des formes, se meut, lentement, face à des tableaux d’une beauté inouïe. Staël disait : «Ma peinture est fragile comme l’amour.»

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