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Erwan L'Eléouet : «Le prochain album de Renaud doit redonner un sens à son existence»

Le journaliste et rédacteur en chef de l'émission Un jour, un destin sur France 2 a beaucoup échangé avec David, le frère jumeau de Renaud. [(C) N.Cailleaud pour Direct Matin]

Absent depuis six ans, Renaud serait en train de préparer un nouvel album. Dans l'ouvrage «Renaud, Paradis perdu» (Fayard) à paraître le 23 novembre, le journaliste Erwan L'Eléouet a retracé le parcours de cet artiste fragile et désabusé par la vie. Interview.

Pourquoi avoir consacré cet ouvrage à Renaud ?

Je voulais comprendre pourquoi ce chanteur qui a été si populaire et si aimé par des milliers de Français a décidé de se retirer complètement de la scène. Son dernier album, Molly Malone, composé de reprises de ballades irlandaises, remonte à 2009. Depuis, les fans sont sans nouvelles de lui. Pour écrire ce livre, je me suis beaucoup documenté, et j'ai passé des heures à interroger les proches de ce chanteur et poète à la fois attachant et tourmenté. C’est un personnage fascinant.

Son parcours l’est tout autant…

Il a en effet suivi différentes époques, alternant les moments d’euphorie et de dépression. Cet écorché vif a commencé à chanter au milieu des années 1970, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. Il a ensuite accompagné la génération mitterrandienne dans les années 1980. Il est devenu le porte-drapeau de la jeunesse de l’après-68 qui avait envie de prendre le pouvoir et d’insuffler un vent de nouveauté et de liberté dans la société.

Il acquiert très tôt eu une conscience politique. Quels rapports entretenait-il avec le président François Mitterrand ?

Ils étaient très proches. L’anarchiste qu’est Renaud avait une profonde admiration pour celui qui avait fait gagner la gauche en 1981. Il avait inscrit le nom de Coluche sur un bulletin au premier tour mais il a soutenu François Mitterrand au second tour. Renaud a vécu la victoire du candidat socialiste comme une renaissance. Il a retrouvé en lui une figure paternelle. D’ailleurs, Renaud avouera plus tard qu’il y avait une certaine ressemblance physique entre son père, Olivier Séchan, et François Mitterrand. Il lui a même dédié une chanson baptisée Tonton.

En parcourant votre livre, on réalise que Renaud est nostalgique de son enfance et souffre d’une hypersensibilité…

L’enfance est en effet son paradis perdu. C’est une époque qu’il qualifie lui-même de «douce comme le miel». Il fut très heureux dans cette famille de six enfants, soutenu par des parents aimants. Entre un père intellectuel et une mère issue d’un milieu ouvrier, Renaud est la synthèse de deux mondes. Ce qui ne fut pas toujours simple à gérer. Sa mère a rapidement décelé que Renaud était un être à part, fragile et hypersensible. Elle l’a beaucoup couvé. A l’école, les copains de Renaud se souviennent d’un gamin chétif, d’un petit gringalet. Un physique frêle, certes, mais une incroyable capacité à absorber tout ce qui pouvait le révolter, à sentir et raconter le sentiment humain. Dans ses textes, il a souvent dénoncé les travers de la société (racisme, pauvreté, chômage, etc.) avec, néanmoins, une certaine tendresse pour l’âme humaine et beaucoup d’humour.

Y a-t-il des événements tragiques dont il n’a jamais pu se remettre ?

Outre ses ruptures sentimentales, la mort de ses amis - Coluche, Pierre Desproges et Serge Gainsbourg - l’a beaucoup affecté. Ensemble, ils refaisaient le monde, échangeaient, riaient lors des dîners organisés chez Coluche le dimanche. C’était une période d’émulation intellectuelle qui a nourri son écriture.

Il serait actuellement en studio d’enregistrement. Un nouvel album pourrait-il sortir prochainement ?

Les parties instrumentales ont été enregistrées. Renaud s’est remis à l’écriture et il travaille sa voix très malmenée par l’alcool et le tabac. A une époque, il pouvait fumer jusqu’à trois paquets de cigarettes. L’album pourrait sortir l’année prochaine, en mars, avril ou mai 2016. Lorsque j’ai commencé l’écriture de ce livre en février dernier, jamais je n’aurais pensé qu’il allait revenir. Tout comme David, son frère jumeau, qui était lui aussi très pessimiste. Renaud était dans une telle détresse et un tel désamour de la vie que personne ne pouvait imaginer qu’il reprendrait la plume. Mais en mai, j’ai rencontré son ex-femme Dominique, dont Renaud est resté très proche. Elle m’a annoncé, radieuse, qu’il avait composé huit chansons. C’était inespéré. Ce disque est celui de l’urgence, celui qui redonne un sens à son existence. Il veut prouver à son public et aux autres chanteurs qu’il n’est pas mort.

A quel moment a-t-il décidé de reprendre la plume ?

La tuerie de Charlie Hebdo a été un élément déclencheur. Cabu et Wolinski, qui avaient les mêmes idéaux, étaient ses amis. Il avait même soutenu financièrement le journal satirique pour qu’il puisse paraître de nouveau en 1992. Selon son frère, deux chansons dans l’album seront consacrées aux événements de janvier. Lors de la marche républicaine, le 11 janvier dernier, à laquelle il participait malgré la fatigue, Renaud a  compris qu’il avait encore des combats à mener et des faits à dénoncer. Le succès de la compilation La Bande à Renaud (2014) sur laquelle la jeune génération reprenait ses plus grands tubes lui a également permis de réaliser combien il pouvait manquer à son public.

Ses fans peuvent-ils espérer le revoir sur scène ?

C’est trop tôt pour le dire. Je ne sais pas s’il est assez en forme physiquement pour affronter une tournée.

 

Renaud, Paradis perdu, d’Erwan L’Eléouet, éd. Fayard, 17 euros. A paraître le 23 novembre.

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