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Un vote bleu Marine

Marine Le Pen, le 25 mai 2014[PIERRE ANDRIEU / AFP]

Deux mois après sa percée aux municipales, le Front national s’est imposé hier soir. Une victoire conforme aux récents sondages, mais qui laisse l’UMP dans le doute et le PS dans l’impasse.

 

Il a atteint son objectif. Pour la première fois de son histoire, le Front national est arrivé hier soir en tête lors d’un scrutin organisé sur tout le territoire national.

Il est ainsi le grand vainqueur des élections européennes en France, avec 24 à 25 % des voix, alors qu’il n’avait récolté que 6,34 % en 2009. Le parti frontiste obtiendrait de 23 à 25 sièges au Parlement européen (soit environ un tiers des 74 sièges réservés à la France – sur 751 au total – à Bruxelles). Or, jusqu’ici, le FN ne disposait que de trois eurodéputés.

Galvanisée par ce score, la patronne du parti d’extrême droite, Marine Le Pen, a immédiatement réclamé, sans prononcer le mot, une dissolution, en estimant que le président François Hollande devait «prendre les dispositions qui s’imposent pour que l’Assemblée devienne nationale».

«C’est la première fois dans l’histoire de la Ve République que le Front national est le premier parti de France», s’était félicité un peu plus tôt le vice-président du FN, Florian Philippot, sur TF1.  

 

 

 

L’UMP dépassée, le PS groggy

 

Rétrogradée en 2e position derrière le FN, l’UMP a obtenu hier entre 20 et 21 % des voix, contre 27,88 % lors des dernières élections. Le parti d’opposition pourrait donc espérer entre 18 et 21 sièges, contre 29 actuellement.

«C’est, pour notre famille politique, une grande déception», a admis hier sur TF1 le président du parti, Jean-François Copé. Selon lui, ce résultat est l’expression d’une «exaspération très forte contre la politique conduite» par le président François Hollande. «Quand la gauche est au pouvoir, le FN fait des scores très élevés», a-t-il affirmé.

Alors que cette campagne a été marquée par des tensions internes autour de la vision de l’Europe, le patron de l’UMP a aussi concédé qu’il fallait «méditer la nécessité de se rassembler». Allant encore plus loin, le vice-président du parti, Laurent Wauquiez, a quant à lui déclaré que l’UMP «va avoir besoin d’une profonde reconstruction».

La guerre des chefs, qui a divisé le parti d’opposition depuis le départ de Nicolas Sarkozy en 2012, pourrait donc être relancée, ainsi que le débat sur la «droitisation» du mouvement.

En dépit de ses efforts, le Parti socialiste n’est, lui, pas parvenu à enrayer l’hémorragie des municipales de mars au cours desquelles il avait perdu 155 villes de plus de 9 000 habitants. Le parti de gauche est arrivé troisième avec un score historiquement bas (entre 14 et 15 % des voix). Il disposerait ainsi de 13 sièges, contre 14 auparavant.

 

Moins d’absention qu’en 2009

Moins élevée que prévue, l’abstention, qui a atteint entre 56 % et 58,5 %,contre 59,37 % en 2009, a donc de nouveau joué en sa défaveur. Officieusement, Solférino espérait pourtant égaler ou dépasser légèrement les 16,5 % obtenus il y a cinq ans et qui avaient pourtant été vécus, à l’époque, comme un cataclysme. Ni la tribune de François Hollande au début du mois dans Le Monde, ni l’implication du Premier ministre dans la campagne, n’ont permisde redresser la barre.

«Le moment que nous vivons est un moment grave, très grave pour la France et pour l’Europe», a réagi Manuel Valls. «Ce scrutin est plus qu’une nouvelle alerte, c’est un choc, un séisme», a-t-il insisté.

Pour y faire face, l’Elysée a annoncé que le président Hollande allait réunir ce matin le chef du gouvernement ainsi que plusieurs ministres. La percée du FN constitue «un événement majeur» dont les leçons devront «être tirées», a souligné l’entourage du chef de l’Etat.

 

> PARI GAGNÉ AU CENTRE

Ils l’avaient dit et répété avant le scrutin, ces élections étaient «leur» rendez-vous. Ce premier test au niveau national pour l’alliance entre l’UDI de Jean-Louis Borloo et le Modem de François Bayrou s’est avéré concluant. Avec 10 % des suffrages, leurs listes pointent en 4e position, comme l’avait fait le Modem avec ses 8,46 % en 2009.

Ce scrutin «valide parfaitement notre stratégie», s’est félicité hier Yves Jégo, président par intérim de l’UDI. L’entente, qui revendiquait pendant la campagne être «la seule offre européenne en face de Marine Le Pen», obtient entre 6 et 8 sièges au Parlement européen.

Mais la victoire du parti frontiste a laissé un goût amer à François Bayrou, qui y a vu l’illustration d’une «décomposition de la vie politique française».

 

EELV perd du terrain

De leur côté, les Verts ont accusé le coup. Avec 8,7 % des voix, eux qui avaient pourtant placé des ténors (José Bové, Pascal Durand) à la tête de leurs listes sont bien loin des 16,28 % atteints il y a cinq ans. Et n’obtiennent que 6 sièges, là où ils en espéraient au moins 10.

Derrière eux, le Front de gauche pointe à 6,6 %, un score stable par rapport à 2009 (6,48 %), et peut espérer placer entre 3 et 5 députés européens.

Les souverainistes de Debout la République, qui n’avaient recueilli que 1,77 % des voix il y a cinq ans, se hissent à 3,9 %.

Pour son baptême du feu, le parti de l’économiste Pierre Larrouturou, Nouvelle Donne, enregistre un score conforme à ses objectifs, à 3,1 % et se place devant Nous Citoyens (1,4 %), Lutte ouvrière (1,2 %), Europe Citoyenne et Force Vie (0,5 % chacun) et le NPA (0,4 %).

 

> L’EUROSCEPTICISME EN TÊTE EN EUROPE

 

La France n’est pas une exception au sein de l’Europe. A l’issue d’un scrutin qui a mobilisé 43,11 % des électeurs dans les 28 Etats membres, un constat s’impose : les eurosceptiques sont les vainqueurs. Si bien qu’ils pourraient se voir attribuer près de 130 sièges sur 751. Insuffisant pour obtenir un véritable pouvoir, mais assez pour avoir de l’influence.

Le mouvement a débuté jeudi, au Royaume-Uni, où les résultats des élections locales, organisées en même temps que les européennes, laissaient présager un score historique pour le parti indépendantiste UKIP de Nigel Farage.

Il s’est poursuivi en Grèce, où le parti de la gauche radicale Syriza, mené par Alexis Tsipras, qui a fondé sa campagne sur le rejet des mesures d’austérité, obtiendrait entre 26 et 28 % des voix. Des Grecs qui ont aussi placé le parti néonazi Aube dorée en 3e position avec un score entre 9 % et 10 %.

Au Danemark, le Parti populaire de Morten Messerschmidt (anti-immigration) est arrivé en tête du scrutin avec 23 % des voix.

En Autriche, le parti d’extrême droite FPÖ obtient la 3e place avec 19,9 % des suffrages, obtenant 4 des 18 mandats de députés européens.

Même l’Allemagne a connu une poussée eurosceptique. Si les conservateurs d’Angela Merkel sont arrivés en tête, le nouveau parti anti-euro AFD de Bernd Lucke, créé au printemps 2013, a réalisé un score de 6,5 % qui lui permettrait de faire son entrée au Parlement européen.

Aux Pays-Bas, le parti anti-islam PVV a subi un échec en n’obtenant que 12 % des voix, contre près de 18 % il y a cinq ans, mais il aura tout de même trois députés au Parlement.

Mais il reste pour tous un dernier défi à relever : s’entendre assez pour former un groupe commun. Une tâche des plus complexes puisque, s’ils ont en commun un rejet de l’Europe, ils restent fondamentalement différents.

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