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Thomas Sotto (Europe 1) : "Réveiller les gens, un plaisir"

Thomas Sotto anime la matinale d'Europe 1 suivie par plus de trois millions d'auditeurs Thomas Sotto anime la matinale d'Europe 1 suivie par plus de trois millions d'auditeurs[Marie Etchegoyen - CAPA Pictures - Europe 1]

Il a repris les rênes de la tran­che 6h-9h sur Europe 1 il y a un an. Thomas Sotto a permis à la station d’enregistrer la plus forte progression des matinales de radios généralistes, désormais écoutée par 3 128 000 millions d’auditeurs chaque matin soit 28 000 de plus qu’auparavant. Travailleur, le journaliste place au-dessus de tout la rigueur de l’information qu’il transmet.

 

Votre rentrée était placée sous de bons auspices après vos bons résultats de l’année dernière, s’est-elle bien passée ?

Oui, mais elle est quand même partie sur les chapeaux de roues, à une vitesse 9000, c’était incroyable ! On a quand même commencé avec un remaniement qui n’était pas du tout attendu. Je me disais en rentrant, "bon, il faut remettre les gaz tout doucement", parce que c’est quand même un rythme à reprendre même physiquement la matinale quand on ressort d’un mois et quelques de vacances, à avoir profité de ses soirées et tout ça… Donc là c’est reparti on n’a pas eu le temps de cogiter, mais c’est bien parce que du coup on est tout de suite remis dans le match.

 

Est-ce que vous avez effectué de gros changements ?

Non, il n’y a pas eu de gros changements, il y a eu des ajustements. En fait et c’est une vraie volonté qu’on a eue de garder la trame de cette matinale qu’on a construite l’an dernier et dans laquelle les auditeurs nous ont fait le plaisir de venir de plus en plus nombreux. Donc l’idée c’était justement de ne pas déstabiliser les auditeurs et d’envoyer un signal de continuité. Après il y eu quelques petites nouveautés. Dans notre couple que nous formons les auditeurs et moi, il ne faut pas qu’une lassitude puisse s’installer donc on a un peu retravaillé le 6h-7h avec notamment un Kiosque élargi, le Kiosque d’Europe 1 qui n’est plus seulement ma revue de presse, mais une revue de presse des quotidiens nationaux, des régions de la Une de l’éco et de l’international et on est un peu en chorale. On est plusieurs autour de la table, il y a Eva Roque, il y a Jean Philippe Balasse, Axel de Tarlé, Marion Calais. Donc on est tous ensemble et ça donne un moment d’humeur et j’espère de bonne humeur dès potron-minet. Les autres nouveautés, c’est Franck Ferrand pour une raison très simple – je vais vous raconter le making-of – je me suis acheté un petit appareil qui permet d’écouter de la musique quand on va sous l’eau à la piscine et quand je vais à la piscine j’écoute l’émission de Franck "Au cœur de l’Histoire", parce que j’ai l’impression d’être moins bête – quand on nage on a l’impression de se ramollir le cerveau – et je me suis dit un jour, c’était l’an dernier au printemps : "ce serait formidable que les gens apprennent quelque chose sur l'Histoire dans la matinale". Donc à 6h25 tous les jours il revient sur un événement historique lié à la date du jour. Et tous les jours en 2 minutes 30 on apprend quelque chose. Parmi les autres petites nouveautés, on a un médecin, le Dr Kierzek, qui est fantastique. Un urgentiste qui est avec nous le matin. C’est à peu près les seules nouveautés. Après on a un peu retravaillé le rendez-vous de Caroline Roux. L’essentiel c’était que les auditeurs retrouvent leur maison, la maison où ils se sont sentis bien l’année dernière.

 

Qu’est-ce qui vous plaît dans l’exercice de la matinale ?

C’est d’être au cœur du réacteur. Le matin, on a de l’actualité fraîche. Combiné à la souplesse incroyable de la radio, qui permet une réactivité totale, c’est un grand plaisir. Il y a aussi celui de réveiller les gens, qui n’est pas un plaisir sadique, mais celui de se dire que c’est nous qui leur souhaitons bonne journée et leur racontons ce qu’il se passe à travers le monde.

Le rythme de la matinale est-il difficile à tenir ?

Il est difficile, on ne va pas se raconter d’histoire. C’est un peu contre nature de se lever à 2h30 du matin. J’ai deux nécessités absolues de rigueur dans la vie : c’est la nécessité absolue de rigueur dans l’information et la nécessité de rigueur dans le rythme de vie en semaine - Pas en vacances, parce qu’après je me rattrape… Après c’est quoi l’enseignement au niveau rythme de l’an dernier ? C’est que la matinale ne supporte pas les écarts. Je ne peux pas faire deux dîners dans la semaine et la sieste, il faut la faire, c’est important. Moi qui n’ai jamais fait vraiment de sport dans ma vie, je me demande si je ne me fais pas une vie assez proche de celle des sportifs - j’allais dire de haut niveau mais ce n’est pas très modeste (rires).

 

Est-ce qu’il reste du temps pour la vie de famille ?

Alors j’essaye. C’est vrai que ça reste aussi ma priorité. Je reviens à la radio vers 16h30-17h l’après-midi ce qui me laisse le temps d’aller chercher mon fils à l’école avant et ça j’aime bien parce qu’il y a très peu de papas qui vont chercher leurs enfants à l’école et c’est un vrai moment privilégié. C’est quand même pas le bagne la matinale !

 

Gardez-vous une oreille sur les autres matinales qui livrent une concurrence acharnée ?

Je ne garde pas les oreilles, je garde un œil. Pendant la matinale on m’apporte un petit papier sur lequel il y a le contenu des journaux des autres, RTL et Inter en l’occurrence.

 

L’objectif c’est d’essayer de faire différent ? L’objectif est de passer devant France Inter et RTL ?

L’objectif c’est d’être nous-mêmes. Quand je me fais apporter ce qu’on appelle les écoutes ce n’est pas pour les copier au journal d’après, c’est pour voir si on n’est pas passé à côté de quelque chose, pour essayer d’évaluer "est-ce que ce matin on a été assez attractifs, est-ce qu’on est sur les bons sujets…". Après l’objectif c’est d’être nous-mêmes. C’est ce que je dis tout le temps aux équipes. Les problématiques de concurrence on en parle souvent mais je dis "ne vous embêtez pas avec ça". Soit on est bons et les gens viendront. Soit on n’est pas bons et les gens ne viendront pas. Ce n’est pas parce qu’Inter ou RTL seront bons ou pas bons qu’ils viendront chez nous, ils viendront chez nous parce qu’on sera bons. C’est un regard très professionnel de se dire "faut faire attention…", mais les gens qui écoutent la radio ne raisonnent pas comme nous. Ce qu’il faut, notre seul objectif, c’est tous les matins de réussir à porter une matinale qui doit être bonne. Je leur dis toujours "mais regardons notre couloir". Parce que quand on fait un tour de piste dans un stade si on commence à regarder où est celui dans le couloir de droite, où est celui dans le couloir de gauche, on perd du temps, on se retourne et de toute façon on se fait dépasser.

 

Qu’est-ce qui fait votre patte ? Qu’avez-vous apporté à cette matinale ?

J’ai apporté moi, avec mes qualités et mes défauts. Ce que j’aime beaucoup dans l’exercice que je fais tous les matins c’est que je ne joue pas un rôle. Je suis moi-même, c’est pour cela que je m’y sens particulièrement bien. Après est-ce que les auditeurs le ressentent de la même façon, ça c’est à eux qu’il faut poser la question. J’espère un peu… J’essaie d’être complètement sincère.

 

La nouvelle campagne de la station dit "Europe 1 ou un temps d’avance". ça  veut dire quoi concrètement ?

Avoir un temps d’avance sur l’actualité, être toujours aux premières loges quand il faut et si possible avant les autres. Le temps d’avance ça veut renvoyer une image de modernité, être dans l’air du temps. 

 

Les petits clashes, est-ce que ça alourdit l’ambiance ou est-ce qu’au contraire on s’en amuse ? Quand  Depardieu a brusquement quitté l’émission notamment…

Non ça n’alourdit pas du tout l’ambiance. Pour moi Depardieu ce n’est pas un clash. Depardieu c’était un numéro d’acteur de sa part, je ne pense pas qu’il soit parti fâché. Tapie c’était autre chose. Tapie c’était un moment de vraie tension en studio mais cela n’a aucun impact sur l’ambiance. L’avantage et l‘inconvénient de la matinale c’est que quand on a fini à 9h, on peut se dire "qu’elle était bien, on est content", on peut se dire "qu’elle n’était pas bien, on n’est pas contents…". Mais quoiqu’il arrive, il y a en a une autre qui arrive quelques heures après donc on n’a pas le temps de s’appesantir. Après je vais vous dire, que ce soit Depardieu, Tapie ou qui que ce soit, personne n’est blacklisté à la matinale d’Europe 1. De toute façon je ne peux pas vous dire que je n’ai pas envie d’une matinale avec des points de vue, c’est ce que j’encourage chez Natacha Polony, chez Daniel Cohn-Bendit, Nicolas Barré, Axel de Tarlé… Et après si quelqu’un n’est pas content et bien qu’il vienne le dire, il n’y a pas de souci. 

 

Jean-Jacques Bourdin par exemple (fâché d’être l’objet des sketches de Nicolas Canteloup) ?

S’il veut venir dans l’interview vérité qu’il vienne (rires). Non, je vais vous dire pourquoi je ne l’inviterai pas, c’est pour raison très simple, c’est que je pense que cela n’intéresse pas les gens. Là pour le coup on est dans le microcosme médiatique. Mais si demain il se retrouve au cœur de l’actualité, qu’il vienne, bien sûr.
Jean-Jacques il faut qu’il vienne chez Morandini, c’est plus logique. J’ai quelques principes par rapport à la matinale qui sont de n’exclure personne a priori et de préparer les interviews de tout à chacun exactement de la même manière. Ce n’est pas à moi de décider "lui je veux, lui je ne veux pas…". C’est l’actu qui décide.

 

Comment ça se passe concrètement le matin avant l’émission ? On lit le fil AFP, on décide des invités sur le pouce ou ça c’est préparé la veille ?

Les invités c’est préparé la veille sauf changement lié à l’actualité bien sûr. Le matin je fais ma revue de presse, je lis les journaux, je co-anime la conf. de 4h avec les présentateurs. C’est là qu’on décide et dispatche pour nous éviter les redondances, pour choisir les ouvertures des journaux etc… Ensuite je finis d’écrire mes transitions, je revois un peu mes interviews, et puis l’heure de l’antenne arrive très très vite. Et je reviens donc vers 16h30-17h, et c’est là que je prépare mes interviews de Question qui fâche de 7h15 et L’interview vérité (7h45). Sachant que tout peut bouger au dernier moment.

 

Cela exige une souplesse de tous les instants…

Bien sûr, et moi c’est que j’aime dans le news. C’est ce qui m’excite.

 

C’est de l’adrénaline…

C’est une toxicomanie mais qui n’est pas nuisible pour la santé.

 

Qu’est-ce qui fait un bon intervieweur ?

Je crois qu’un bon intervieweur est un intervieweur qui a travaillé, qui a préparé. Un bon intervieweur est besogneux. J’essaye d’être besogneux. Je prends beaucoup de temps pour préparer mes interviews. Il faut aimer aller dans les coins, non pas pour s’intéresser à l’écume des vagues ou aux choses anecdotiques, mais parce que si on n’est pas allé regarder dans les coins, on ne connaît pas le sujet. Si on ne connaît pas le sujet, on peut se faire balader. Après je pense qu’il faut être pugnace sans être agressif. Je n’aime pas mordre les mollets, je trouve que ce n’est pas nécessaire. Je n’aime pas que les gens partent fâchés. Après je m’en moque sincèrement, mais cela ne plaît pas, pour moi ça n’est pas l’objectif. Je pense qu’aujourd’hui dans l’interview il y a un truc qu’il ne faut pas rechercher, c’est le buzz. La recherche du buzz nous fait un mal fou à tous dans notre métier de journaliste.

 

Regrettez-vous d’avoir quitté Capital ?

Non je n’ai pas de regret. Le regret que j’ai il est affectif parce que j’y ai passé trois années et notamment les deux premières qui étaient vraiment formidables et je sais que si je suis à la tête de la matinale d’Europe 1 c’est aussi grâce à Capital, donc si j’ai des regrets ils sont affectifs. J’ai arrêté parce que je n’avais plus le temps de le faire et moi je suis un besogneux. J’étais Rédacteur en Chef de Capital les deux premières années, je ne pouvais plus l’être pour des raisons matérielles de manque de temps l’année dernière et de fait ça m’amusait moins. J’aime trop cette émission. Elle a besoin d’un présentateur qui soit impliqué ce qui est le cas aujourd’hui. Je pense qu’à un moment il ne faut pas être trop gourmand. Je suis déjà un enfant gâté. Nicolas de Tavernost m’avait proposé de continuer. J’ai réfléchi parce que ce n’est pas facile de quitter Capital, c’est une très belle maison, mais à vouloir se disperser on fait tout mal, et je n’avais pas envie de tomber là-dedans. J’aime bien aller chercher mon petit garçon à l’école aussi… Il faut se laisser des temps de respiration.

 

Au-delà de Capital, est-ce que l’exercice télévisuel vous manque ?

Non pas du tout pour une raison simple c’est que moi ce que j’aime faire à la télé ou à la radio c’est mon métier de journaliste. Et je le fais de manière très pleine, très intense et très prenante. Donc je n’ai pas de frustration, je n’ai pas de manque.
Après je ne crache pas dans la soupe. Je ne suis pas le mec qui dit "je fais de la radio donc je n’aime pas la télé". Je me suis vraiment régalé dans les deux. J’ai une chance inouïe. Je me le répète tous les jours : "je fais partie de je ne sais quel pourcentage de Français qui font le métier qu’ils aiment".

 

Qu’est-ce qui fait la différence entre ces deux médias ?

Il y a quelque chose à la radio qu’on n’a pas en télé c’est une sincérité dans les rapports avec les auditeurs. Il y a une intimité qui se crée – je pense que c’est aussi  lié à l’horaire puisque je m’introduis dans les salles de bain, dans les chambres à coucher – et ça crée un rapport qui est vraiment particulier, qui est vraiment chaleureux. C’est quelque chose qui me touche beaucoup. Le rapport avec les téléspectateurs est très différent je trouve.

 

Vous les visualisez ces gens-là qui vous écoutent depuis leur lit, leur salle de bain ?

Oui bien sûr je les imagine, mais avec beaucoup de pudeur (rires). Il y a un échange même dans les contacts que je peux avoir avec eux dans la rue ou, j’y suis très attentif, dans les messages sur Twitter, et j’aime beaucoup. On a l’impression d’une famille, c’est très agréable.

 

Europe 1 Matin, du lundi au vendredi de 6h à 9h.

 

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