En direct
A suivre

Obésité : bientôt une pilule vibrante pour tromper l’estomac et couper la faim ?

La pilule vibrante stimule certaines cellules de l'estomac, qui envoient un message au cerveau, qui l'interpètre ensuite comme une sensation de satiété, interrompant ainsi la prise alimentaire. [Shriya Srinivasan]

Des scientifiques américains ont mis au point un dispositif vibrant, à avaler, capable de couper la sensation de faim chez des animaux. Un espoir pour limiter la prise alimentaire pathologique chez certaines personnes atteintes d'obésité.

Une simple pilule électronique pour couper la faim. Les personnes qui tentent de perdre du poids peuvent être tentées de se lancer dans des régimes éprouvants, de subir des opérations chirurgicales invasives ou de s’aventurer dans des traitements médicamenteux parfois inefficaces voire potentiellement nocifs.

Fin décembre, une équipe dirigée par Shriya Srinivasan, ingénieur biomédical de l’Université d’Harvard, et Giovanni Traverso, gastro-entérologue et ingénieur biomédical du Massachusetts Institute of Technology, a indiqué avoir mis au point une technique bien moins contraignante et potentiellement moins chère : une simple pilule vibrante, à avaler comme un comprimé. Les résultats ont été publiés dans la revue Science Advances, ce mois de décembre, à l'issue d'expérimentations sur des porcs.

Concrètement, la pilule stimule certaines terminaisons nerveuses des cellules de l’estomac, ce qui a pour conséquence d’induire – dans ces mêmes cellules – une sorte de message proche de celui qui est produit lorsque l’estomac est plein. Très basiquement : «Je suis totalement plein.» En effet, lorsque l’estomac se remplit, la pression qui s’accroit en son sein fait également vibrer les mêmes cellules, et génère donc le message. C’est sur ce principe que fonctionne le ballon gastrique, par exemple.

En cascade, cette information est envoyée vers le cerveau, qui l’interprète comme une sensation de satiété (ne plus avoir faim), et interrompt dès lors la prise alimentaire.

Une quantité de nourriture ingérée réduite de 40%

Dans le détail, la pilule mesure 31 millimètres sur 10 millimètres et est muni d’un petit moteur et d’une batterie. Un bouchon de gel contenu à l’intérieur empêche le moteur de s'allumer lors de l’ingestion. Le gel se dissout ensuite rapidement lorsqu’il entre en contact avec le liquide gastrique, permettant au moteur de commencer à tourner. Lorsque cela se produit, la pilule s’agite pendant une durée moyenne de 38 minutes, soit suffisamment pour couper la faim, d’après les chercheurs.

Ces derniers ont par ailleurs montré que la quantité des hormones impliquées dans l’alimentation suivait, dans le sang, la même tendance qu’après un vrai repas. Les scientifiques ont en effet noté une augmentation du taux sanguin d’insuline, laquelle vise usuellement à réduire la quantité de sucre dans le sang (logique, sachant que la prise alimentaire augmente le taux de sucre dans le sang) ; et ils ont également constaté une diminution du taux sanguin de ghréline, une hormone qui contribue à la sensation de faim.

Les cobayes porcins qui ont avalé la pilule ont ainsi réduit leur prise alimentaire d’environ 40%, par rapport à ceux qui n’avaient ni pris la pilule ni mangé.

Un dispositif sans effet secondaire notable

Enfin, le dispositif a été éliminé naturellement de l’organisme des cobayes, via leurs excréments, après une durée d’environ quatre jours. Les chercheurs n’ont en outre trouvé aucun effet secondaire, que ce soit une éventuelle inflammation de l’estomac, de la diarrhée ou encore des vomissements.

Le procédé n’est néanmoins pas tout à fait opérationnel, notamment pour une raison majeure : il n’a à ce jour pas été expérimenté chez l’humain mais exclusivement chez le porc. Or, comme le souligne Tom Hildebrandt, psychologue clinicien à l'École de médecine Icahn du Mont Sinaï auprès de la revue scientifique Science, personne ne sait si les vibrations du dispositif sont perceptibles, et encore moins à quel point elles peuvent être inconfortables et il apparaît en effet difficile de le demander aux cochons…

Une pilule encore à tester chez l’humain

Le spécialiste, qui étudie les traitements de perte de poids, souligne en outre que les patients obèses deviennent moins sensibles à ce type de vibrations, en raison de la distension de leur estomac, d’où – parfois – leur consommation excessive d’aliments. Une conséquence qui pourrait donc diminuer l’efficacité du traitement comparativement aux personnes non obèses… Lesquelles sont pourtant celles dont le bénéfice serait le plus important.

Allan Geliebter, également psychologue au Mont Sinaï, qui étudie lui aussi l'obésité, va dans le même sens que son collègue : «Les traitements sont de la taille des plus grosses pilules actuellement disponibles», ce qui pourrait compromettre l’observance du traitement. D’autant plus que deux comprimés au minimum seraient nécessaires par jour, toujours selon le spécialiste.

Les créateurs du dispositif expérimental comptent maintenant l’adapter chez le chien, dont le système digestif est plus proche du nôtre. Si cela s’avère concluant, les scientifiques estiment qu’il faudrait patienter encore deux à trois ans avant d’entamer des tests chez l’humain.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités