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Mali : la vie d'un camp français dans le désert

Dernier épisode de notre série consacrée à la force Barkhane, qui devrait bientôt quitter le Mali, remplacée par une force internationale de forces spéciales. Aujourd'hui notre reporter Antoine Estève découvre les secrets d'un camp français isolé, au milieu du désert du Sahara. La vie des soldats est mise à rude épreuve. Comment s'organisent-ils pour récupérer efficacement entre deux missions de combat ?

Le camp français est installé au milieu de ruines. Au pied des montagnes d'Hombori. C'est une zone dangereuse, qui abrite de nombreux groupes terroristes entre Douentza et Gao, à quelques kilomètres de la frontière avec le Burkina-Faso. Les militaires ont établi leur campement au milieu d'un ancien village, des anciennes maisons de terre battue, détruites pendant les combats, dans le désert. Ici, quand les troupes ne sont pas en mission, le temps s’arrête pendant quelques heures.

Des abris de fortune. Du bricolage pour se protéger du sable et du soleil. On n’est jamais loin des véhicules blindés, en cas d’attaque. Et une simple bâche fait office de chambre à coucher. Les lits pliants sont posés à même le sable. Un sac fait office de table de nuit. Un gilet pare-balle plié en deux se transforme en fauteuil. «La bâche en plastique, c'est la vie ! Sans elle, on cuirait sur place. On l'accroche à notre véhicule blindé et ça nous fait une bonne protection contre le soleil et la poussière», explique Ali, un jeune sergent du 126ième Régiment d'Infanterie de Brive, le visage buriné par trois mois d'opérations dans le Sahel.

Au camp

Ces moments de repos au camp, les soldats les utilisent aussi pour préparer leur future mission. Thomas, un brigadier-chef de l'infanterie, vérifie les munitions de son fusil mitrailleur. Il a fait une petite lessive avec du savon de Marseille et un verre d'eau, le linge sèche au vent, sur un câble électrique tendu entre deux blindés. Il remplit ses gourdes d'eau aussi. »C'est important de pouvoir se poser un peu. Les missions s'enchaînent, jour et nuit. Alors quand on a quelques heures, on en profite pour s'occuper de nos affaires personnelles. On mange, on se réhydrate, on soigne les petits bobos», raconte Thomas, les yeux rouges, et cernés.

Lorsqu’ils traquent les terroristes dans le désert, les soldats de la force Barkhane se nourrissent de rations de survie, composées de plats lyophilisés ou en boîtes de conserve. Alors quand ils ont un peu de temps, ils composent des menus avec les restes. Dimitri, soldat d'Infanterie, est assis sur une chaise pliante en face de son binôme Fred. Il mange du riz en sauce dans une bouteille en plastique coupée en deux en guise d'assiette. Il est fier de son menu, concocté avec les restes d'une ration de survie entamée hier soir. «J'ai pris un peu de riz collant, avec du Viandox, des restes de sauce au poulet et un peu de sardine à l'huile. Tout ça mélangé, ça donne un plat presque... euh... Appétissant !»

Mais la principale activité du militaire pendant ses temps de pause, c’est le sport. En dehors des phases de combat, le soldat d’infanterie fait au moins 2h d’exercice par jour. Sous une chaleur accablante. Et aussi étrange que cela puisse paraître, les corps semblent s’adapter. Mike et Sam font des pompes et des tractions à côté de leur paquetage. En sueur, au soleil. La chaleur est accablante cet après-midi. «Un peu de cardio, des pompes, des squats américains, du lever de fonte, Le sport, c'est ce qui nous permet de rester en forme. Et surtout être prêt pour la mission, physiquement au top, toujours. Un militaire heureux, c'est un militaire sportif, et c'est surtout un militaire qui a le sourire», explique Mike, transpirant, entre deux pompes les mains dans le sable, dans un grand éclat de rire.

Cette petite base provisoire est située dans une zone où les groupes armés terroristes sont très présents. Ici, tout le monde est attentif au moindre mouvement dans la montagne toute proche. Pendant que la plupart des militaires se détendent, d’autres surveillent. Un petit mirador en sacs de sables est installé sur le toit d’un immeuble abandonné, à l’arrière du campement, à une cinquantaine de mètres des véhicules blindés. Pierre vient de prendre son tour de garde. Pendant 4 heures il scrute l’horizon, fusil auto-mitrailleur en main. «Si l'ennemi essaie de franchir cette petite barre de montagne, là devant, c'est à moi de le stopper. Je fais un premier tir de sommation. Et s'il progresse, je lui tire dessus sans hésiter. Je me défends, et je défends le camp. Ensuite je donne l'alerte, et une équipe se prépare pour aller à la rencontre des assaillants. Toute cette partie sud-est du camp, c'est moi qui la surveille. Je prends une garde de 3 heures. Il faut être attentif. Tout le temps», confie-t-il.

Des tempêtes à répétition

Le camp est calme. On entend parfois des bribes de discussions. Les familles, le mariage du frangin, la naissance du neveu. Les infos passent par des connexions internet de très courte durée, par satellite ou sur des portables «locaux». Les appels téléphoniques sont très couteux, donc rares. Et souvent, les télécommunications sont interdites pour ne pas risquer d'être intercepté et localisé par l'ennemi.

Le repos des soldats est de courte durée. La météo décide de les contrarier. Le vent se lève et soulève le sable fin, au-dessus du camp, et un nuage de poussière devient très vite étouffant pour tout le monde. «Ras le bol de ces tempêtes de sable. Y'en a tous les jours en ce moment. Le vent nous brûle les bronches, le sable nous pourrit nos affaires. Le meilleur moyen de se protéger, c'est de se mettre un cache-cou sur le visage», explique Didier, les yeux et la bouche écrasée dans une grosse écharpe beige. Le sable pénètre partout. Dans les véhicules, dans les sacs, dans les vêtements. Dans les sous-vêtements.

La tempête dure un peu moins d’une heure. Les militaires redoutent ces coups de vent quotidiens, car ils empêchent tout mouvement, en cas d’attaque du camp. Il est déjà 18h, la nuit va bientôt tomber.

Tout le monde se met au travail, il faut préparer la mission de demain matin. Les officiers appellent leurs seconds pour leur donner les ordres. On installe la carte des montagnes d’Hombori sur le capot d’un pick-up. Le capitaine Socrate explique à ses hommes la complexité de la sortie du lendemain. Aller à la rencontre de villageois harcelés par des terroristes. Les visages sont fermés. Les regards perplexes. Les chefs d'équipes sont attentifs. La nuit tombe sur le camp français. Les soldats préparent leurs lits pliants à même le sable. C'est difficile de se coucher sereinement quand on sait qu'il est quasiment impossible de dormir avec cette chaleur étouffante. Le sommeil sera de courte durée. Il est 21h30. La prochaine mission commence à 5h du matin avec  un réveil des troupes à 3h45.

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