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Crack : les 5 choses à savoir sur cette drogue dure qui fait des ravages à Paris

Le crack est tellement addictif qu'il est quasiment impossible de s'en sortir seul et sans aide. Le crack est tellement addictif qu'il est quasiment impossible de s'en sortir seul et sans aide. [© JOEL SAGET / AFP]

Il est au cœur des conversations et des inquiétudes à Paris : le crack est une drogue dure, particulièrement addictive, et dans laquelle mieux vaut ne jamais sombrer tant il difficile d'en décrocher. Quelle est cette substance ? Quelles sont ses caractéristiques ?

Surnommé la «drogue du pauvre», le crack est apparu en Europe à la fin des années 1980, puis en France dans les années 1990. A l'époque, cet opiacé est vendu quasi-exclusivement à Paris ou en très proche banlieue, mais sa fabrication et sa commercialisation sont aujourd'hui ancrées partout.

une drogue qui SE FUME OU S'INJECTE

Au commencement, il y a la cocaïne : le crack étant un dérivé bon marché de ce psychotrope très puissant. Pour fabriquer le crack, la poudre blanche est diluée avec du bicarbonate de soude ou, plus dangereux encore, avec de l'ammoniaque. Ses effets sont plus puissants mais plus éphémères que ceux de la cocaïne, ce qui pousse les usagers à multiplier les prises. En plus de présenter un fort risque addictif, il entraîne des complications respiratoires, cardiaques et psychiatriques.

Il est vendu sous forme de caillou ou de galette et inhalé grâce à une pipe à crack, ou dans des proportions bien moins importantes injecté. Le caillou coûte environ 15 euros, mais se négocie jusqu'à 5 euros dans les quartiers gangrenés par le trafic, où les vendeurs de crack – appelés les «modous» – n'hésitent pas à demander des faveurs en échange d'une dose, notamment au public féminin.

A Paris, la consommation a donc principalement lieu dans la rue. Seuls les consommateurs qui s'injectent de la drogue – à l'aide d'une seringue donc – peuvent venir consommer dans la salle de consommation à moindres risques (SCMR) de la rue Ambroise Paré, plus communément appelée «salle de shoot». Installée à l'ouverture de cette structure en 2015, la salle d’inhalation – qui permettait de fumer du crack – a quant à elle été fermée lors du premier confinement en mars 2020, et n'a pas rouvert depuis.

Des usagers en très grande déshérence

«Les personnes qui fréquentent assidûment la salle de consommation sont des gens qui ont des problématiques de précarité extrêmement importantes», explique le Dr Thomas Dusouchet, médecin et responsable de l'association Gaïa à Paris.

Celui qui est chargé du bon fonctionnement de la salle de consommation à moindres risques (SCMR) parisienne évoque des parcours chaotiques «de personnes souvent issues de l'Aide sociale à l'enfance (ASE)», résultats «de plusieurs années de vie à la rue» et de tout autant «d'années de consommations à la rue».

Un constat résumé par une étude co-réalisée par l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et l'Inserm, qui souligne que l'essentiel des consommateurs sont des hommes de tout âge en grande précarité et isolés socialement, dont plus des deux tiers sont sans domicile fixe ou hébergés dans une structure sociale.

aucun protocole officiel de prise en charge

Une grande précarité qui rend d'autant plus complexes leur accompagnement et leur suivi. Officiellement, les toxicomanes peuvent être internés de force temporairement sur décision du préfet de police ou d'un médecin, mais uniquement en cas de risque pour autrui ou pour l’ordre public. Une pratique dont l’efficacité à long terme est remise en cause par de nombreux spécialistes.

C'est notamment l'avis du Dr Dusouchet, pour qui le consommateur de crack doit être pris en charge dans sa globalité, c'est-à-dire «en prenant en compte toutes ses problématiques». «Toute personne qui le demande et qui a besoin d’une hospitalisation de sevrage peut être admis à l'hôpital», explique-t-il, mais un sevrage est «voué à l'échec si cette personne ne prépare pas la sortie, au risque de se retrouver à la rue».

Selon lui, il faut d'abord que «la personne soit en capacité de tenir le projet sur la durée», voire même qu'elle suive «un traitement psychiatrique» avant d'être prise en charge médicalement vers le sevrage. Et de maintenir qu'il faut «un accompagnement global plus qu'un arrêt de la consommation». «Mais toute personne qui fait cette demande-là sera accompagnée», assure-t-il.

 deux salles de conso pour toute la france

Plutôt que d'hospitaliser des consommateurs de crack dans des centres de désintoxication, comme le propose la présidente de la région Île-de-France Valérie Pécresse, les spécialistes de la question de l'addictologie plaident donc pour l'ouverture de centres d'accueil pluri-disciplinaires, qui permettraient de proposer un suivi médico-social à chaque consommateur.

Aujourd'hui, il n'existe que deux salles de consommation à moindres risques (SCMR) en France, l'une à Paris, l'autre à Strasbourg. En expérimentation jusqu'en 2022, ces deux structures pourraient bientôt être pérennisées, mais cela ne suffit pour les spécialistes qui plaident pour l'ouverture d'autres salles de consommation, et qui veulent même aller plus loin, favorables à l'ouverture de centres d'accueil de jour ou de haltes de nuit.

En juillet, le ministre de la Santé Olivier Véran s'était lui-même montré ouvert à l'ouverture de nouvelles SCMR. «Dans notre action de réduction des risques liées aux addictions, les dispositifs de consommation supervisée sont un outil dont l'utilité a été confirmée par l'évaluation de l'Inserm [publiée début mai, ndlr]», s'était-il ainsi exprimé.

Mieux, fin septembre, le ministre avait annoncé que l'Etat financerait l'ouverture de lieux d'accueil pour les toxicomanes. «Nous avons entériné des moyens [...] pour pouvoir financer ce type de haltes soin/addiction», avait-il fait savoir, ajoutant qu'il «mettrait à disposition des équipes sanitaires et médico-sociales pour sevrer les consommateurs qui sont aujourd'hui à la rue». Sans pour autant donner de calendrier précis.

LA pérennisation des scmr remise en cause

Plutôt que la pérennisation de ces SCMR dans le droit commun, le gouvernement semble désormais opter pour la poursuite de leur expérimentation jusqu'en 2025, alors que le sujet doit encore être débattu en octobre au parlement. Le dossier ultra-sensible des consommateurs de crack à Paris aurait en effet changé la donne, a fortiori dans un contexte pré-électoral.

Mais pour le Dr Thomas Dusouchet, chargé de la SCMR parisienne, ces salles ne sont «pas l’alpha et l’omega». «S’il suffisait d’avoir un endroit pour consommer pour que tout aille mieux, ça se saurait», ironise-t-il. Pour autant, le médecin assure que l'objectif des salles de consommation tel qu'elles ont été imaginées –c'est-à-dire «d'apaiser la situation sur l'espace public», «de réduire les risques de la consommation» et «d'améliorer la situation des consommateurs» – est rempli.

A Paris par exemple, en 2015, jusqu'à 2.700 personnes venaient chercher du matériel Gare du Nord auprès de l'association Gaïa pour se droguer, dont une partie consommait sur place. Depuis l'ouverture de la SCMR dans ce quartier, plus de 900 consommateurs fréquentent la structure chaque année, soit 50 à 60.000 injections qui n'ont plus lieu sur la voie publique.

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