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Grégoire Hellot (Kurokawa) : "le marché du manga peut encore mûrir auprès du public français"

Grégoire Hellot est le directeur de collection des éditions Kurokawa. Grégoire Hellot est le directeur de collection des éditions Kurokawa.[© Kurokawa]

Voici maintenant dix années que les éditions Kurokawa sont nées en France. Le salon Japan Expo 2015, qui se tient jusqu’à dimanche au parc des expos Paris Nord-Villepinte, est un temps fort pour célébrer cet anniversaire. Directeur de collection depuis les débuts, Grégoire Hellot revient sur cette aventure qui a fait connaître en France les mangas Full Metal Alchemist, Pokémon ou encore Saint Seiya : The Lost Canvas.

 

Après dix années, l’identité de Kurokawa a-t-elle changé ?

Kurokawa est né de la volonté des éditions Univers Poche et de leur PDG Jean-Claude Dubost, qui avaient voulu, au début des années 2000, faire quelque chose de populaire autour du manga. Le but était donc de publier des titres accessibles à tous et d’aller au-delà des simples fans. C’est d’ailleurs une volonté toujours présente aujourd’hui, avec des ouvrages pour enfants et pour adultes. Nous sommes devenus le quatrième éditeur du marché des mangas en France, mais nous publions deux fois moins de titres que les leaders qui en sortent plus de 200 par an. C’est-à-dire qu’on a un rendement au tome qui est beaucoup plus élevé que celui des autres éditeurs. C’est un marché qui est saturé mais qui peut encore mûrir auprès du public français.

 

Avant de devenir directeur de collection, quelles ont été vos influences ?

J’ai 40 ans cette année, donc je suis de la génération Goldorak, Albator et aussi de celle du Club Dorothée. Surtout, j’ai commencé en tant que journaliste spécialisé dans les jeux vidéo et j’étais passionné de pop-culture. Un métier que j’ai quitté en 2003. Jean-Claude Dubost cherchait alors quelqu’un qui parle japonais pour qu’il comprenne ce qu’il achète. C’était mon cas et je suis entré chez Univers Poche.

 

Quel a été le premier manga que vous avez déniché au Japon ?

Le premier -il reste notre plus gros succès de Kurokawa à ce jour-, ce fut Full Metal Alchemist. C’était une vraie porte d’entrée pour le grand public, les amateurs de mangas et les adolescents qui aiment les belles histoires, un peu sombres mais positives quand même. On fête aussi les dix ans de ce manga en France. Nous lançons d’ailleurs Les Chroniques d’Arslan, la dernière œuvre en date de son auteure, Hiromu Arakawa.

 

Comment voyez-vous l’avenir du manga numérique ?

Contrairement à la Corée-du-Sud ou les Etats-Unis, la lecture numérique est encore très faible en France. Une chose doit tout de même être soulignée. Avant, le piratage n’était pas vraiment un problème car les traductions étaient faites rapidement et souvent approximatives… Les fans téléchargeaient un manga illégalement pour suivre les sorties en direct du Japon, mais ils achetaient la version reliée une fois publiée en France.

Désormais, nous sommes à la croisée des chemins, comme au début du MP3. Les gens avaient des iPods mais les majors refusaient de sortir les albums au format MP3 pour vendre leurs disques. C’est comme cela, que les propriétaires de lecteurs audio déçus se sont mis à télécharger, pour rentabliser leur achat. Ceci a précipité l’industrie du disque vers sa chute.

Aujourd’hui, on assiste à la même chose dans le monde de l’édition. Les gens ont acheté des liseuses, des tablettes et ont envie de s’en servir. Et si on ne leur propose pas du contenu, ils iront le chercher eux-mêmes. C’est donc à nous de leur donner les bonnes habitudes de consommation en montrant que l’on peut offrir du contenu plus qualitatif que ne le feraient des pirates. Pour Japan Expo, nous lançons 80 nouveautés dans notre offre numérique, qui représente aujourd’hui un quart de notre catalogue. Nous permettons d’ailleurs de découvrir des séries en vendant le premier tome pour 1,99 euros.

 

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© Hiromu Arakawa / SQUARE ENIX Co. Ltd.

 

Quels sont les trois mangas que vous avez importés en France dont vous êtes le plus fier ?

Le premier, c’est l’arrivée des Pokémon en manga. J’étais personnellement fan du jeu vidéo. Pourtant le manga n’était pas encore paru chez nous. En prenant contact avec l’éditeur japonais, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un problème très complexe de droits d’auteurs qui empêchait cette publication. Il se trouve que mon passé dans le milieu du jeu vidéo m’a servi, puisque je connaissais les concepteurs du jeu. Je suis donc passé directement par eux. Et après près de deux ans de négociations, on a réussi à débloquer cette situation.

Mais j’en suis très fier, car au final la version du manga Pokémon que nous avons publiée est sortie presque un an avant sa parution au Japon. Ce fut d’ailleurs beaucoup de travail, car on découvre comment sont faites les grandes licences pour enfants, avec leurs codes et leur grammaire très précis. Pokémon est d’ailleurs le seul manga dont la traduction étrangère est relue entièrement par la Pokemon company aux Etats-Unis pour ne pas se tromper sur le nom d’un Pokémon ou certaines formulations qui pourraient être mal interprétées par les enfants.

Le second, c’est Silver Spoon. Il s’agit d’un manga de l’auteure de Full Metal Alchemist qui décrit une comédie romantique dans un lycée agricole. Nous nous sommes associés avec le ministère de l’Agriculture pour sa promotion, car les lycées agricoles sont gérés par cet organe. Il s’agit du premier manga japonais validé officiellement par le gouvernement français. Symboliquement, c’est très fort.

Le troisième, c’est d’avoir réussi à éditer la suite des Chevaliers du Zodiaque en France (Saint Seiya : The Lost Canvas). Quand j’étais ado, c’était ma religion. Je ne ratais aucun épisode et avec mes camarades, on avait même inventé un jeu de société sur la série. C’est une des oeuvres qui m’a façonné, culturellement du moins. Si je pouvais remonter le temps pour voir mon moi de 14 ans et lui dire ce que j’ai réussi à faire, je serais aux anges.

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