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Ben Stiller, le comique troupier

Ben Stiller en 2010 sur le tournage du Casse de Central Park[CC/Jiyang Chen]

Depuis plus de vingt ans, Ben Stiller fait rire la planète avec ses comédies potaches. Fils de comédiens bien connus des spectateurs américains, celui qui est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs acteurs comiques de sa génération a connu des débuts difficiles. Retour sur la carrière du roi de l’humour potache.

 

Archives – article publié le mercredi 15 octobre 2008

 

En 1998, une comédie américaine triomphait sur tout le globe. Contre toute attente, un film qui aurait pu ne passer que pour une farce grasse et crue pour adolescents attardés s’imposait en fait comme la comédie de l’année. Rien qu’en France, 3,3 millions de spectateurs chavirent sous la vague d’hilarité déclenchée par ce que l’on appelle vite le phénomène Mary à tout prix, réalisé par les frères Farrelly. Le grand public y découvre un comique encore presque inconnu de ce côté de l’Atlantique. Une petite boule de nerfs aux grimaces désopilantes. Un acteur du nom de Ben Stiller, qui pendant une heure et demie subit les gags les plus régressifs et enchaîne les gaffes les plus humiliantes. Un type qui déploie autant de bonne volonté à laisser son personnage se ridiculiser est forcément attachant. Le public est immédiatement conquis.

 

Vidéo : Ben Stiller dans Marie à tout prix

 

 

Enfant de la balle

Aux Etats-Unis, cela fait déjà quelques années que sévit ce clown moderne qui ne recule devant rien pour faire rire le public, et surtout pas de faire appel à ses émotions les plus primaires en donnant dans la surenchère. Ben Stiller a été formé à la mythique école du Saturday Night Live, un show télévisé new-yorkais où se sont distingués la moitié des humoristes américains, de John Belushi et Dan Aykroyd, dès l’origine, à Will Ferrell plus récemment, en passant par Eddie Murphy, Mike Myers, Adam Sandler, Chris Rock, ou encore Billy Crystal, pour ne citer qu’eux.

Le garçon avait, il est vrai, des prédispositions pour les pitreries. Il est en effet le fils d’un couple de comédiens bien connus des spectateurs américains, Jerry Stiller et Anne Meara. Dès son jeune âge, le petit Benjamin Edward baigne donc dans l’atmosphère des plateaux de tournage. Il rapporte aujourd’hui y avoir vécu un drame, lorsqu’il découvre à dix ans que William Shatner n’est pas réellement le capitaine Kirk, héros de la série Star Trek dont il est fan. Son appréhension précoce de la différence entre fiction et réalité lui donne cependant très vite le goût de la comédie. Avec sa sœur Amy, devenue elle aussi actrice, et des amis, il réalise des petits films en super-8. En 1983, il s’inscrit à l’UCLA pour étudier le cinéma. Il ne finit pas l’année, et rentre à New York pour s’inscrire à des cours de théâtre, décidé à marcher sur les pas de ses parents.

 

Vidéo : Jerry Stiller, le père de Ben Stiller, fut un des piliers de la célèbre sitcom Seinfeld

 

 

Premier pas de comédien

Mais son hérédité ne le prémunit pas des galères que connaissent tous les comédiens débutants. Ben Stiller doit courir les castings et auditions à la recherche de ses premiers cachets. Comme beaucoup, c’est sur les planches de Broadway qu’il fait ses débuts. La pièce est un succès et lui donne l’occasion de dévoiler l’étendue de son répertoire comique, tant au public qu’aux membres de l’équipe. Conforté par le bon accueil qu’il reçoit, il poursuit en réalisant et interprétant un court métrage de dix minutes intitulé The Hustler of Money, qui tourne en dérision des films comme L’arnaqueur (Robert Rossen, 1961) et La couleur de l’argent (Martin Scorsese, 1986).

 

Vidéo : The Hustle of Money, réalisé par Ben Stiller

 

 

C’est grâce à ce petit film qu’il attire l’attention des producteurs du Saturday Night Live, qui lui proposent de le diffuser en 1987, et deux ans plus tard, d’intégrer l’équipe des auteurs de l’émission. Mais frustré de ne pas se voir confier la réalisation d’un sketch, il quitte le programme après seulement cinq numéros. Le comique commence alors à travailler pour la chaîne musicale MTV. Il livre deux séquences humoristiques, Elvis Stories et Back to Brooklyn, qui remportent un succès conséquent, et se voit proposer d’animer un format expérimental, mêlant sketches et clip musicaux. Ce sera le Ben Stiller Show. Celui-ci ne dure que le temps d’une saison. Mais une autre version est transposée sous le même nom sur la chaîne Fox en 1992. Bien qu’encensées par la critique, ces deux émissions ne trouvent pas leur public. Et quand Ben Stiller décroche un Emmy Award pour son travail d’auteur, son show a déjà disparu de l’antenne. Parallèlement, sa notoriété naissante lui offre ses premiers rôles mineurs dans des films de seconde catégorie.

 

Vidéo : Parodie de Die Hard dans le Ben Stiller Show

 

 

Derrière la caméra

Contrairement à certains de ses semblables du 7e art, Ben Stiller s’essaie d’abord à la réalisation avant de s’imposer en tant qu’acteur. Peinant à trouver des rôles adaptés à la démesure de son répertoire comique, il décide en effet de se consacrer à l’écriture et à la réalisation. Sa première tentative derrière la caméra s’avère immédiatement payante. En 1994 sort Reality Bites, traduit en français par Génération 90. Film indépendant à petit budget, cette première tentative se distingue auprès de la critique pour son casting (Ethan Hawke, Winona Ryder, Renée Zellweger encore inconnue, et Ben Stiller lui-même qui campe un second rôle) et la finesse de son écriture. Si le succès en termes de nombre d’entrées est relatif, le film trouve tout de même son public, qui l’érige au rang de film culte au sein du cinéma indépendant.

 

Vidéo : Bande-annonce de Génération 90 (1994)

 

 

Ce coup d’essai permet au jeune cinéaste de gagner le respect et sa légitimité dans l’industrie hollywoodienne, et peu de temps après, on lui confie les rênes d’une production de plus grande ampleur. Sans être un blockbuster, The Cable Guy (Disjoncté) est un projet d’envergure, ne serait-ce que par la présence au casting de Jim Carrey. A la tête d’un budget de 47 millions de dollars, Ben Stiller a donc un nouveau défi à relever. Le bilan se révèle mitigé. Certes, le film génère plus de 100 millions de dollars au box office mondiale, soit trois fois plus de recettes que Reality Bites, mais il fait aussi deux fois moins bien en termes d’entrées que les derniers succès auxquels a participé Jim Carrey, star de Dumb et Dumber, Ace Ventura et The Mask, quelque temps auparavant. Néanmoins, il permet au jeune réalisateur de faire deux rencontres déterminantes, celles d’Owen Wilson et de Jack Black, qui deviendront par la suite deux de ses acolytes les plus fidèles.

 

Vidéo : Disjoncté (1997)

 

 

Après cinq ans de pause, Ben Stiller renoue avec la réalisation pour Zoolander, en 2002. Dans cette satire désopilante, le comique dépeint le monde superficiel et ignorant des top models. Pour la première fois, il cumule son rôle de metteur en scène et celui d’acteur principal. Il incarne un mannequin-vedette livrant une bataille farouche avec un nouveau venu ambitieux (joué par son complice, Owen Wilson) qui cherche à le détrôner de son statut de top model de l’année. Les deux frères ennemis s’affrontent lors de défis-défilés hilarants pour déterminer lequel des deux est le meilleur sur le podium.

 

Vidéo : Ben Stiller dans Zoolander (2002)

 

 

Talent burlesque

En parallèle, la carrière d’acteur de Ben Stiller commence à décoller, notamment grâce à son premier rôle dans le succès indépendant Flirter avec les embrouilles, sorti peu avant Disjoncté. Mais le tournant se profile réellement deux ans plus tard, en 1998, avec Mary à tout prix, qui conquiert le monde entier. L’occasion enfin pour le comédien de lâcher la bride et de trouver un personnage lui permettant de laisser libre cours à ses exagérations hilarantes. En quelques scènes, passées depuis à la postérité, de l’accident de braguette au combat avec un chien hargneux, il s’impose comme l’un des grands comiques populaires de sa génération.  Les drames dans lesquels il apparaît également à cette époque (La méthode zéro, Entre amis et voisins, Permanent Midnight), ne parviennent pas à effacer cette image d’incurable maladroit et de malchanceux attachant. Sa voie est trouvée : s’il est bien une chose pour laquelle il est indéniablement doué, c’est faire le pitre.

 

Vidéo : Ben Stiller dans La Famille Tenenbaum (Wes Anderson, 2001)

 

 

Après des années de métier, Ben Stiller parvient enfin à se ménager sa place au soleil. S’il s’est fait connaître dans l’industrie en tant qu’auteur et metteur en scène, c’est en comédien qu’il accède à la célébrité. Après cette patiente ascension, il s’en donne à cœur joie quand, au tournant du nouveau millénaire, la réussite lui sourit enfin. Fidèle à sa famille cinématographique, il multiplie les projets avec ses amis du «Frat Pack», la confrérie qu’il forme avec ses complices Vince Vaughn, Will Ferrel, Steve Carrell, les frères Luke et Owen Wilson, et Jack Black. Quand Ben Stiller s’engage dans un tournage, que ce soit en tant qu’auteur, producteur, réalisateur, ou comédien, les membres de ce gang du rire, baptisé en hommage au Rat Pack de Frank Sinatra, Dean Martin, Sammy Davis Jr. et consorts, ne sont jamais bien loin.

En 2000, Ben Stiller confirme son succès en s’illustrant face à Robert De Niro dans Mon beau-père et moi. Le film fait lui aussi un carton, et accroît davantage sa place dans le cercle des acteurs les plus «bankables» d’Hollywood. L’acteur a désormais plus que jamais le choix dans les projets auxquels il choisit de s’associer. Privilégiant le plaisir et la dérision, il alterne comédies grand public plus ou moins sensibles (Au nom d’Anna, La famille Tenenbaum, Polly et moi) et délires potaches ouvertement régressifs, avec sa troisième réalisation, Zoolander, puis Starsky et Hutch, Dodgeball, La nuit au musée, ou encore Les femmes de ses rêves, où il retrouve les frères Farelly.

 

Vidéo : Ben Stiller dans Dodgeball (Rawson Marshall Thurber, 2004)

 

 

Voyage au bout … du rire

En 2008, il revient à la réalisation avec Tonnerre sous les tropiques. L’acteur a eu l’idée de ce long métrage en 1987, époque où il jouait un tout petit rôle dans L’empire du soleil de Steven Spielberg. « Tous mes amis acteurs tournaient des films sur la guerre du Viêt- Nam, auxquels ils se préparaient en suivant pendant deux semaines un semblant de stage commando. En interview, ils ne manquaient jamais de souligner la «dureté» et «l’intensité» de cette expérience. Je trouvais leurs propos à mourir de rire car ces prétendus stages n’avaient évidemment qu’un très lointain rapport avec les expériences des soldats sur le terrain », explique-t-il. Deux décennies plus tard, l’aboutissement du projet, Tonnerre sous les tropiques, ne se contente pas de cibler les films de guerre mégalos, mais passe à la moulinette toute l’industrie hollywoodienne, des vedettes capricieuses aux producteurs cyniques. Satire en forme de mise en abyme plutôt que parodie à la Hot Shots!, le long métrage s’ouvre sur de fausses bandes-annonces qui parodient les clichés des films hollywoodiens.

 

Vidéo : les fausses bandes-annonces de Tonnerres sous les tropiques (Ben Stiller, 2008)

 

 

On y découvre Tugg Speedman (Ben Stiller), star de films d’action aux multiples suites, Jeff Portnoy (Jack Black), spécialiste des comédies obèses et pétomanes dans lesquelles il joue tous les personnages (un air de ressemblance avec Eddie Murphy...), ainsi que Kirk Lazarus (Robert Downey Jr.), acteur multi-oscarisé qui s’investit à fond dans ses rôles, jusqu’à faire pigmenter sa peau pour interpréter un soldat afro-américain. Cet inénarrable trio va devoir cohabiter à l’occasion du tournage d’une grosse production sur la guerre du Viêt-Nam. Au cours du tournage, le réalisateur, dans un souci d’authenticité, décide d’utiliser une méthode plus radicale en parachutant ses acteurs dans la jungle, ignorant que celle- ci est contrôlée par les narcotrafiquants...

 

Vidéo : Tom Cruise dans Tonnerres sous les tropiques (Ben Stiller, 2008)

 

 

Dans ce «voyage au bout de l’enfer... du rire», Ben Stiller se fait plaisir, avec son habituel humour trash et naïf qui n’exclut pas la finesse de la caricature. Il peut s’appuyer sur un casting irrésistible, à l’image d’un Robert Downey Jr. qui, le visage grimé, défend ses «frères noirs» et clame des aphorismes absurdes (le déjà culte « Je ne lis pas de scénario, c’est le scénario qui me lit »). Tom Cruise, méconnaissable, offre un autre numéro mémorable en producteur adipeux et odieux.

 

Vidéo : Bande-annonce de La Vie rêvée de Walter Mitty, la cinquième réalisation de Ben Stiller

 

 

Depuis Ben Stiller a joué dans les suites de Mon beau-père et moi et de La Nuit au musée sans pour autant renier les films indépendants (Greenberg et While We’re young de Noah Baumbach). Entretemps il a réalisé son cinquième film en tant que réalisateur, La Vie rêvée de Walter Mitty, adapté d’une nouvelle de James Thurber et dont la sortie est annoncé pour Noël 2013.

 

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