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«Chambre 212» : rencontre avec Vincent Lacoste et Christophe Honoré

Le long-métrage était en compétition en 2019 au 72e Festival de Cannes dans la section «Un certain regard». [© LOIC VENANCE / AFP]

Dans la comédie enjouée «Chambre 212», diffusée ce soir sur Canal+ à 21h, l’acteur Vincent Lacoste retrouve le metteur en scène Christophe Honoré après le drame «Plaire, aimer et courir vite». Rencontre avec deux hommes complices qui n’oublient pas d’où ils viennent.

Prof de droit à la fac, Maria (Chaira Mastroianni, Prix d'interprétation dans la section «Un certain regard» au 72e Festival de Cannes) couche avec ses étudiants aux noms exotiques. Cette femme libre et infidèle quitte son mari Richard (Benjamin Biolay) après vingt ans de mariage pour aller s'installer dans une chambre d'hôtel située juste en face de son appartement. Alors que la neige s'abat sur Paris, Maria profite de ces instants en solo pour faire le point sur sa vie. Pendant cette remise en question, des personnages vont faire leur apparition, à commencer par son époux, rajeuni d'une trentaine d'années (Vincent Lacoste), et son ancienne maîtresse (Camille Cottin).

Pourquoi revenir si vite à la réalisation après «Plaire, aimer et courir vite» sorti en mai 2018 ?

Christophe Honoré : Je ne suis pas convaincu que la patience soit une vertu au cinéma. La difficulté de production de films français aujourd’hui fait que l’on a tendance à penser qu’il faudrait réaliser un film tous les trois ans. Dans les années 1960, Jean-Luc Godard et François Truffaut tournaient trois films par an qui étaient de bien meilleure qualité que certains sortis ces dernières années. Le temps n’a donc rien à voir avec la valeur des films. C’est davantage une manière d’envisager le cinéma. Plus on fait, plus on a envie de faire. Et moi, j’avais très envie de retravailler avec Vincent et de l’unir à Chiara (Mastroianni). «Plaire, aimer et courir vite» était un film douloureux. Avec «Chambre 212», je cherchais un registre de jeu joyeux.

Comment avez-vous réagi quand Christophe vous a contacté ?

Vincent Lacoste : J’espérais retravailler avec lui, mais je ne pensais pas que cela se produirait si vite. Deux mois après la sortie de «Plaire, aimer et courir vite», il m’a appelé pour me proposer ce rôle alors que j’étais en vacances. J’étais ravi d’explorer un nouveau genre avec Christophe. Je voudrais tourner encore plein de films avec lui !  Au début du tournage, j’étais un peu stressé car j’avais peur de le décevoir. Puis j’ai pris mes marques, et j’ai commencé à cabotiner.

Chiara Mastroianni, Vincent Lacoste, Louis Garrel, Ludivine Sagnier… vous êtes très fidèle à vos acteurs. Comment l’expliquez-vous ?

Christophe Honoré : Je fus au contraire très infidèle pour ce film. Si Chiara et Vincent figurent de nouveau au casting, j’ai demandé à Camille Cottin et Benjamin Biolay que je ne connaissais pas. Le terme fidélité ne peut s’appliquer aux acteurs. Les comédiens sont nos outils pour la fabrication d’un film. Et il y a des outils que vous avez mieux en main que d’autres. C’est très égoïste de ma part. Je savais que tous allaient être précis dans l’expression des émotions que j’avais envie de mettre en place dans mon long-métrage.

La patience n'est pas une vertu au cinémaChristophe Honoré

Selon vous, quel est le secret de la longévité d’une relation amoureuse ?

Vincent Lacoste : Je n’en sais rien, il n’y a pas de secret. Mais je n’ai jamais vécu dix ou quinze ans avec quelqu’un… Il faut réussir à s’aimer, tout en continuant à se désirer. Les problèmes dans un couple commencent dès lors que l’on devient une entité. Chacun doit avoir sa propre liberté.

Christophe Honoré : C’est la question même de longévité qui pose problème. J'ai vécu des histoires d’amour d’une nuit qui ont été plus importantes que d’autres qui avaient duré des années. Et puis, il y a le désir. Le désir, c’est une saloperie. Peut-être que l’amour démarre quand on ne ressent plus de désir. Plus jeune, je pensais que les deux étaient liés. Lorsque je n’éprouvais plus de désir, l’histoire était donc terminée. Cette conception a évolué avec le temps. Tout cela est très compliqué. Sans compter la culpabilité de désirer quelqu’un alors que l’on aime quelqu’un d’autre.

«Chambre 212» prend la forme d’un huis clos…

Christophe Honoré : Maria veut s’isoler tout en ayant un regard sur son mari. J’ai donc rapidement eu l’envie de traiter cette histoire de chaque côté de la rue. Ce procédé cinématographique de champ-contrechamp est à l’origine de nombreux films comme «Fenêtre sur cour» (1955) d’Alfred Hitchcock. A partir du moment où l’on regarde quelqu’un à travers une fenêtre, cela ressemble à un écran de cinéma. Je n’avais, par ailleurs, jamais travaillé en studio. Je me suis dit que pour ce 12e film, cela me permettrait peut-être de réinventer ma mise en scène et d’obtenir une autre forme de liberté. J’ai donc choisi de ne pas multiplier les décors.

Dans le générique de fin, on peut lire vos remerciements à de grands réalisateurs. Pourquoi ce clin d'œil ?

Christophe Honoré : C'est beaucoup plus qu'un clin d'œil. J'en ai besoin pour me rappeler pourquoi je suis l’homme derrière la caméra. Je ne veux jamais oublier l’étudiant que j’ai été et qui passait ses journées au cinéma à se forger une éducation grâce à ces cinéastes tant aimés. J’ai l’impression de payer une dette à chaque fois que je réalise un film. C’est important pour moi qu’ils soient présents d’une manière partagée avec le spectateur. Dans «Chambre 212», je rends hommage à Sacha Guitry, Woody Allen ou Alain Resnais à travers ma mise en scène. Je déteste regarder un long-métrage qui n’a rien à voir avec les autres. Je trouve d’une prétention insensée les cinéastes qui présentent leurs films comme s’il s’agissait de l’Immaculée Conception.

Vincent Lacoste : Pour réaliser un bon film, il faut avoir conscience qu’il y en a un tas d’autres qui ont déjà été faits.

Christophe Honoré : Vous venez toujours vous inscrire par rapport à d’autres gens. Aujourd’hui, il y a une amnésie qui a presque une valeur. Comme si le cinéma n’était juste qu’un moyen d’expression. Je fais partie des gens qui pensent que le cinéma est un art. Donc en tant qu’artiste, 80% de mon travail est de réfléchir à cet art, et non pas de délivrer un message.

En dix ans, vous êtes passé d’ado boutonneux dans «Les beaux gosses» de Riad Sattouf à jeune mâle sûr de lui dans «Chambre 212». Cette évolution  vous plaît-elle ?

Vincent Lacoste : J’ai commencé jeune (à 16 ans, ndlr) et donc boutonneux comme tous les ados. Mes rôles ont évolué depuis «Les beaux gosses», et cela me convient…

Christophe Honoré : Tu as eu une succession de rôles à l’ingratitude physique. Cela a influencé la perfection que les gens avaient de toi. Vincent, c’est le Jean Gabin du cinéma français, «Le Film Français» à lui tout seul. C’était le plus jeune sur le tournage et pourtant il avait déjà tourné dans des films à deux millions d’entrées ou avec Gérard Depardieu. A son âge, il a une connaissance incroyable. Cela aurait pu le pourrir s’il n’avait pas eu sa famille.

On sent une grande complicité entre vous deux…

Christophe Honoré : On s’entend bien avec Vincent car on sait d’où l’on vient. Le milieu du cinéma reste aristocratique. On nous laisse venir à la table, mais, un jour, on nous renverra dans les dents nos antécédents sociaux.

Vincent Lacoste : La famille reste très importante pour moi. Je n’ai plus la même vie qu’à mes débuts, mais mes parents m’ont toujours encouragé et sont très heureux de mon parcours.

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