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Anaïs Demoustier, actrice dans «La fille au bracelet» : «Je me remets sans cesse en question»

Le 28 février, elle sera en lice pour le César de la meilleure actrice pour sa performance dans «Alice et le Maire», de Nicolas Pariser. [© Thomas SAMSON / AFP]

La comédienne Anaïs Demoustier incarne une avocate générale véhémente et antipathique dans le drame judiciaire «La fille au bracelet», en salle le 12 février. Un rôle à contre-emploi pour cette jeune femme douce, attachante et pétillante.

Le réalisateur Stéphane Demoustier dresse le tableau du système judiciaire français en s'intéressant à l'histoire fictive de Lise (Mélissa Guers), âgée de 18 ans. Elle est accusée d'avoir assassiné sa meilleure amie, Flora. En attendant son procès, l'adolescente porte un bracelet électronique et suit des cours par correspondance, assignée à résidence chez ses parents (Roschdy Zem et Chiara Mastroinanni).

Laissant constamment la place au doute, «La fille au bracelet» suit les différentes audiences, les plaidories et cela jusqu'au verdict. Dans un huis-clos théâtral, Lise, silencieuse, doit pourtant prouver son innoncence et répondre aux accusations de l'avocate générale (Anaïs Demoustier), plus royaliste que le roi, et le président du tribunal (Pascal-Pierre Garbarini).

Le réalisateur, Stéphane Demoustier, est votre frère. Est-ce différent d’être dirigée par un membre de sa famille ?

Quand je tourne avec un metteur en scène, j’essaie de comprendre son langage et de rentrer dans son univers. Mon frère, je le connais très bien. Tout ce qui était de l’ordre de la rencontre ou de la découverte de l’autre était déjà fait. J’avais l’impression que certaines étapes étaient déjà passées. Il y a eu une grosse économie de mots, il ne m’a dit que peu de choses.

Ressent-on davantage de pression ?

J’avais envie d’être à la hauteur, de ne pas le décevoir. Je ressentais en effet plus de pression, mais comme il s’agissait de mon frère derrière la caméra, et qu’il m’avait confiée ce rôle-là, je me sentais légitime.

Pourtant, il songeait, à l’origine, à confier votre rôle à un acteur d’une soixantaine d’années qui en imposerait par son expérience…

Il a changé d’avis en allant voir des procès devant la cour d’assises. Il s’est aperçu que la fonction de substitut du procureur était très souvent occupée par des jeunes femmes d’une trentaine d’années.

J'ai envisagé ce rôle de procureur de manière chirurgicale.

Avant de passer la robe noire, avez-vous rencontré des magistrats ?

Je me suis rendue à des procès à Bobigny. J’ai rapidement ressenti cette musique un peu étrange qui règne dans les tribunaux. Un ton spécifique qui diffère de celui de la vie. Ce n’est pas la même musicalité que celle des personnes qui parlent dans un café. Je devais trouver cette note, et m’attarder sur le texte qui était précis, juste et bien écrit. J’ai envisagé cela de manière chirurgicale. Et cette robe noire était un appui génial. Il y avait quelque chose de physique dans ce rôle, quelque chose que je n’ai pas souvent éprouvée dans mes précédentes expériences au cinéma. Sans bouger, il fallait que j’arrive à convaincre et que je sois à la hauteur de cette salle de tribunal impressionnante (le tournage s’est déroulé au palais de justice de Nantes imaginé par Jean Nouvel, ndlr). Les jurés n’avaient pas lu le scénario. Ils étaient à l’écoute. Je me suis sentie embarquée comme dans un combat de boxe.

3222463.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx_5e3bf8cdbe783.jpg© Mathieu Ponchel

Est-ce jouissif d’interpréter des personnages aux antipodes de ce que l’on est ?

J’ai toujours joué des personnages qui suscitent de l’empathie auprès du spectateur. Dans «La fille au bracelet» qui est très réaliste dans les faits mais reste du cinéma dans la forme, la femme que j’incarne est antipathique, porte l’accusation, et souhaite compenser son jeune âge en étant souvent trop rigide et véhémente. Elle avance des arguments quasi réactionnaires et attaque l’accusée sur des questions morales et sa liberté sexuelle. C’était excitant à jouer. Ce film parle des problèmes de communication entre différentes générations sans jamais tomber dans la caricature.

Selon vous, l’avocat et l’acteur défendent-ils tous deux une forme d’humanité ?

Il existe de nombreuses similitudes entre ces deux métiers. L’avocat et l’acteur tentent de comprendre le comportement des gens, et de les expliquer à un public, tout en y ajoutant une dose de spectacle et de travestissement. Il y a aussi une ambivalence entre la vérité et le mensonge. Quand on est acteur, on se travestit en essayant de trouver la note juste. Un avocat peut chercher à convaincre en déformant les faits ou en les arrangeant. Il y a de la théâtralité dans leur jeu.

Outre le cinéma, vous aimez la musique. Incarner une chanteuse, ça vous tenterait ?

J’adorerais. Ce serait un bonheur de jouer dans une comédie musicale.

Le 28 février, vous serez en lice pour remporter le César de la meilleure actrice pour «Alice et le Maire» de Nicolas Pariser. Fière de cette nomination ?

Je suis ravie. C’est la cerise sur le gâteau. Quand j’ai tourné mon premier film avec Michael Haneke («Le temps du loup», 2003), la directrice de casting m’avait dit au Festival de Cannes : «Ce sera peut-être le premier et le dernier film que tu fais». J’ai depuis une grande conscience de l’aléatoire de ce métier. Je me remets sans cesse en question. Les César et toutes ces nominations me font réaliser que je suis vraiment en train d’exercer ce métier, et que des gens m’encouragent à continuer.

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