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Les meilleures BD de février

Avec «Le chanteur perdu», Didier Tronchet signe une BD touchante et profondément humaine Avec «Le chanteur perdu», Didier Tronchet signe une BD touchante et profondément humaine

Un chanteur très discret, une femme au pays des impressionnistes, une Anne Frank oubliée, des jeunes femmes en quête d'absolu... Petit tour de pistes de nos coups de coeur de février.

Le chanteur perdu, de Didier Tronchet

Jean, un ancien étudiant en lettres idéaliste et rebelle, est devenu bibliothécaire dans une médiathèque. Alors qu'il est victime d'un burn-out face à la surproduction littéraire, il se met en tête de retrouver Rémy Bé, le chanteur de sa jeunesse et peut-être même de sa vie. La fleur au fusil, Jean s'en va à la rencontre de celui qui a disparu des radars depuis les années 1970. De déconvenues en rencontres touchantes, de Morlaix à une petite île malagache, Jean s'enfonce en même temps à la découverte de lui-même et de ses idéaux perdus.

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© Didier Tronchet / Dupuis

Pourquoi on a aimé :

Dider Tronchet, ancien journaliste au Matin de Paris, n'a pas perdu son goût pour l'investigation et tire cette BD de sa véritable recherche d'un chanteur oublié (avec qui il est, depuis, devenu ami).

Touchante, l'histoire de Rémy Bé, alias Jean-Claude Rémy, se relie à celle de Jean par des ficelles insoupçonnables grâce au talent de conteur de Didier Tronchet qui fait jouer de sa superbe plume sur son dessin tout en sensibilité. Derrière la recherche de Rémy Bé, se cache de nombreux seconds rôles - un garagiste qui continue son métier malgré la mort de son fils dans un accident de la route, un ami de trente ans devenu directeur de l'hôpital de Berk, un chat bien heureux - peut-être tout aussi émouvants que les protagonistes de cette douce histoire située entre la pluie parisienne et l'île paradisiaque du bout du monde, sorte de refuge des âmes solitaires.

Pour ceux qui ne voudraient pas quitter les deux «amis» - et on les devine nombreux -, Didier Tronchet a concocté un livre (La chanson fantôme, éd. Méziguéditeur) disponible en version pdf, racontant cette histoire. Les curieux peuvent aussi admirer les deux véritables amis sur une vidéo Youtube : on y découvre le véritable visage du «chanteur perdu» et sa véritable voix accompagnée de Didier Tronchet à la guitare. Rockn'roll et épicurien.

Le chanteur perdu, de Didier Tronchet, Dupuis, 23 €.

Swan, T. 2 de Nejib

Dans le tome 1, on assistait au débarquement de Swan Manderley et son frère, Scottie, venu à Paris depuis New York afin d'intégrer les prestigieux Beaux Arts. A la fin du premier volume, si lui, a été accepté aux Beaux Arts, elle fait plusieurs rencontres dans ce milieu. Parmi elles, celle d'Edouard Manet qui tombe immédiatement amoureux de cette jolie jeune femme qui possède plus de talent que son propre frère. Alors que ce dernier raccroche les pinceaux de l'école, elle s'y fait accepter sous une identité masculine, les femmes n'ayant, à l'époque, pas accès aux Beaux Arts.

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© Néjib / Gallimard Bande dessinée

Pourquoi on a aimé :

A travers les rencontres et les amitiés de Swan et son frère, c'est avec grande énergie que Néjib croque la vie de ceux qu'on appelait les «rapins», ces peintres débutants qui peuplaient Paris et ses faubourgs à la fin du dix-neuvième siècle, espérant tous posséder reconnaissance, gloire et richesse. Peu de couleurs pour traiter le sort des jeunes impressionnistes, et pourtant ce deuxième tome vibre d'une lumière particulière : celle de la passion pour la peinture d'une jeune femme qui fait tout pour connaître la joie d'apprendre cet art resté interdit pour elle. Cette série permet aussi de découvrir la condition féminine il y a à peine un siècle et demi et comprendre le lent combat des femmes pour se faire accepter autrement que comme un modèle, alors chair fraîche des artistes intégrés au milieu.

Swan, t. 2. Le chanteur espagnol, Gallimard bande dessinée, 20,90€.

Si je reviens un jour, de Stéphanie Trouillard et Thibaut Lambert

En 2010, au lycée Jean de La Fontaine dans le seizième arrondissement de Paris, on vide les armoires. On y trouve alors lettres et photos anciennes. Pendant environ deux ans, une élève juive avait correspondu avec sa professeure de lettres. Sa dernière lettre date de janvier 1944 alors qu'elle vient d'être arrêtée avec toute sa famille par la police française avant d'être déportée à Auschwitz et ne jamais en revenir. Stéphanie Trouillart, journaliste à France 24 en a tiré un web documentaire, adapté désormais en BD.

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© Thibaut Lambert / Stéphanie Trouillard / Des ronds dans l'O

Pourquoi on a aimé :

Si l'histoire de Louise Pikovsky ressemble tristement à celles de tant de jeunes juifs déportés dans les camps de la mort, il est très émouvant de voir renaître son histoire qui aurait pu rester oubliée dans cette armoire à tout jamais. Stéphanie Trouillard a fait renaître cette famille sous le trait doux de Thibaut Lambert dans le cadre d'un devoir de mémoire nécessaire. Si dès les premières pages, le lecteur sait que Louise et sa famille ont été assassinés par les nazis, il ne pourra s'empêcher d'espérer. A la fin du volume, les photos de la famille et les lettres de la jeune fille à sa professeure ont été reproduites dans un souci encore une fois de mémoire. Un joli travail à saluer.

Si je reviens un jour, de Stéphanie Trouillart et Thibaut Lambert, éd. Des ronds dans l'O, 20€.

La nuit est mon royaume, de Claire Fauvel

Nawel, 20 ans, d'origine algéreinne a grandi dans le même immeuble de banlieue qu' Alice, sa meilleure amie. Ensemble, elles créent leur groupe de rock et «montent à Paris» pour leurs études. Confrontée très vite au décalage socio-culturel entre Paris et la banlieue parisienne, Nawel se bat pour réaliser son rêve de musique et l'envie de réussir la pousse à couper les ponts avec sa famille qui ne comprend pas ses envies artistiques. Elle rencontre parallèlement Isak dans un festival de musique «jeunes talents»...

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© Claire Fauvel / Rue de Sèvres

Pourquoi on a aimé :

150 pages à avaler d'un coup comme pour ne jamais finir cette nuit magique. «La nuit est mon royaume» fait partie de ces fictions post-adolescentes qui font replonger immédiatement dans cette période de la vie où tout semble possible. C'est également le cas pour les deux jeunes héroïnes et notamment Nawel et ses envies d'absolu. Le fossé entre la banlieue et la capitale n'est finalement ici qu'un prétexte à un récit beaucoup plus profond sur les limites que chacun possède au fond de lui-même. Entre une mise en scène efficace, des émotions vives et un décor très réaliste, Claire Fauvel («La guerre de Catherine») signe une oeuvre pleine de promesses. Une autrice à suivre.

La nuit est mon royaume, de Claire Fauvel, éd. Rue de Sèvres, 18€.

La naissance en BD, de Lucile Gomez

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© Lucile Gomez / mama éditions

Un recueil de conseils en matière d'accouchement ? Bien plus que ça. Lucile Gomez, autrice de BD et blogueuse, prend la plume et le crayon afin d'informer sur quelque chose de simple et d'archaïque, quelque chose que la médecine moderne a tendance à faire oublier : les femmes sont capables de donner naissance à leur enfant. Au gré d'un dessin ultra dynamique, Lucile Gomez fait le point, dans ce premier tome, sur la physiologie de la femme enceinte et sur ce qui se joue dans son corps, et dans sa tête, au moment de l'accouchement.

Pourquoi on aime :

Lucile Gomez semble avoir une obsession : déculpabiliser la femme et lui faire prendre confiance en elle. Pari réussi. Sans jamais se prendre les pieds dans le débat de la péridurale, l'autrice informe la femme enceinte sur les «super pouvoirs» de son corps et de ses hormones. Pour cela, il faut encore savoir laisser libre cours à la nature. Si la médecine moderne est heureusement là pour sauver les femmes et les bébés de graves pathologies, les femmes restent capables d'accoucher naturellement dans la plupart des cas. Au fil de ces 280 pages emplies d'humour, on comprend à quel point la médecine a «pris le contrôle» sur ce moment, laissant la femme dans une position passive et anxieuse, ne contrôlant plus la naissance et laissant toute la place aux doutes et à la peur. On referme le livre avec une furieuse envie d'être fière d'être femme. Une lecture nécessaire.

La naissance en BD, tome 1. Découvrez vos supers pouvoirs !, Mama éditions, 280 p., 25€.

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