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Judith Godrèche : ce qu’il faut retenir de son audition au Sénat

L'actrice Judith Godrèche a, ce jeudi matin, été entendue dans le cadre solennel du Palais du Luxembourg pour offrir un relais politique à son discours sur le silence entourant les jeunes victimes de violences sexuelles.

Figure de proue du mouvement de dénonciation des violences dans le cinéma depuis qu'elle a porté plainte contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon, pour des violences sexuelles présumées lorsqu'elle était adolescente, l'actrice Judith Godrèche s’est exprimée ce jeudi matin dans le cadre d’une audition sous les ors de la chambre haute du Sénat, devant les parlementaires de la délégation au droit des femmes.

L’actrice a livré un discours vibrant, se faisant l’écho des violences sexuelles dans le milieu du cinéma mais aussi des «4.500» témoignages qu'elle dit avoir recueillis de la part de victimes de violences, depuis un appel qu'elle a lancé sur les réseaux sociaux. 

Au-delà du 7e art, elle a rendu aussi un hommage appuyé au juge Edouard Durand, l'ancien dirigeant de la Ciivise, cette commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, en pleine crise, et plaidé pour protéger les enfants victimes de violences sexuelles. «Cette famille incestueuse du cinéma n'est que le reflet de toutes ces familles» touchées par ces violences, a déclaré Judith Godrèche devant la délégation sénatoriale.

Un silence coupable

L’actrice, qui a déjà incité plusieurs de ses collègues à s'exprimer, comme Anna Mouglalis - qui a accusé les cinéastes Philippe Garrel et Jacques Doillon de l'avoir agressée sexuellement, ou Isild Le Besco qui a dénoncé une «emprise destructrice» et des «violences» de la part de Benoît Jacquot et Jacques Doillon - a entamé son discours en parlant de son besoin d’ancrage «pour faire face à une société qui est dans l’écrasement de la parole». Elle a dénoncé le silence qui entoure les violences sexuelles, pointant du doigt une industrie du cinéma qui sait mais se tait.

«Si je suis venue aujourd’hui c’est pour demander : serait-il possible que les sénateurs, les lois, donnent la possibilité, la chance à Edouard Durand (magistrat et ancien co-président de la Ciivise qui mène un ardent combat pour la protection des victimes, ndlr) d’accomplir son destin héroïque de son vivant ? Ne laissons pas le cinéma s’emparer de l’histoire inachevée du juge Durand. Il sera trop tard pour dire tout le monde savait.»

«Face à vous je ne suis qu’un écho, un boomerang… Camille Kouchner, Adèle Haenel, Vanessa Springora… Tout le monde savait. Pourtant à chaque fois vous perdez nos sacs à dos, ils contenaient nos cahiers secrets.»

«Combien de petites filles et de petits garçons, de petits pieds dans la porte seront nécessaires avant que la société ne réagisse pour toujours ? Afin que nous puissions jouer les rôles de notre vie, sans nous faire voler notre enfance, abusés, frappés ?», a demandé avec gravité la comédienne, qui s’est ensuite adressée à Adele Haenel en ces termes : «Quel aurait été ton destin si la salle des César avait été peuplée de juges Durand ? Quel aurait été mon destin si la Ciivise avait été créée avec lui à sa tête ?»

L’actrice implore une écoute. «J’aimerais qu’une fois par an on pose la question à un enfant : «’As-tu été victime de violence ? Même à une petite Judith isolée sur un tournage. Sur le plateau de tournage il n’y avait pas de Judith. Juste une petite fille que se disputaient des adultes libidineux. Sous les yeux d’autres adultes passifs soumis à la toute-puissance du patriarcat.»

Ecoute et protection

Judith Godrèche a fait valoir la nécessité impérieuse «de tout un système tout autour de la protection des enfants. Et surtout qu’on arrête de ne pas savoir.» «Dans six mois ferez-vous semblant de ne pas m’avoir entendue ? Allez-vous vous emparer de nos histoires ?», a-t-elle supplié avant de faire des demandes très concrètes.

«Je me permets de demander une commission d’enquête contre les violences sexuelles et sexistes dans le cinéma». Elle appelle aussi de ses vœux le retrait à la tête du CNC de Dominique Boutonnat, sur qui pèse «des charges de violences sexuelles». L’actrice demande également la présence d’un référent neutre avec une formation psychologique adéquate et qui ne soit pas rémunéré par la production, afin qu’un enfant ne soit jamais laissé seul ni sur un tournage, ni lors des castings.

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