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Argentine: 10 ans de Kirchnerisme, modèle audacieux et controversé

Cristina Fernandez de Kirchner le 27 avril 2012 à Buenos Aires [Alejandro Pagni / AFP/Archives] Cristina Fernandez de Kirchner le 27 avril 2012 à Buenos Aires [Alejandro Pagni / AFP/Archives]

Le gouvernement argentin célèbre samedi dix ans de présidence du couple Kirchner, une ère marquée par le redressement d'un pays en faillite, les procès de la dictature militaire, l'opposition frontale avec le pouvoir économique et une inflation galopante.

Le 25 mai 2003, Nestor Kirchner prêtait serment et promettait de "sortir l'Argentine de l'enfer", après une décennie néolibérale sous Carlos Menem (1989-1999), cinq présidents démissionnaires en quatre ans (1999-2003) et le séisme de la crise économique de 2001.

Dix ans plus tard, les indicateurs économiques sont flatteurs. La dette colossale est passée de 160% à 40% du PIB, l'industrie moribonde a été relancée, 5 millions d'emplois créés et le chômage de 25 à 8%. Mais le ralentissement de l'économie a progressivement grippé le modèle argentin. La croissance -8,9% en moyenne de 2003 à 2006- a chuté à 1,9% en 2012.

Le publicitaire Fernando Menendez Braga, conseiller du couple, attribue à Nestor et Cristina Kirchner "trois succès majeurs": l'essor économique du pays dont le PIB a doublé de 2003 à 2013, la remise en cause de l'amnistie accordée aux militaires et un nouveau positionnement en Amérique latine.

Après l'amnistie accordée par l'ex-président Menem, procureurs et juges ont reçu le feu vert de Nestor Kirchner pour juger les militaires pour les crimes, enlèvements, tortures commis pendant la dictature (1976-1983). Le plus sanguinaire d'entre eux, l'ex-général Jorge Videla est mort dans sa prison le 17 mai, à l'âge de 87 ans, condamné à la prison à perpétuité pour avoir fait disparaître des milliers d'opposants. 7 à 8.000 selon Videla, 30.000 pour les organisations de défense des droits de l'homme.

Nestor Kirchner le 6 août 2011 à Bogota [Guillermo Legaria / AFP/Archives]
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Nestor Kirchner le 6 août 2011 à Bogota

Aucun autre pays d'Amérique latine, où les dictatures ont sévi dans les années 1970 et 1980, n'est allé aussi loin. Plusieurs centaines de militaires ont été jugés et condamnés par la justice civile.

Au pouvoir, les Kirchner, militants de gauche des années 1970, ont tissé des liens étroits avec le Venezuela d'Hugo Chavez et d'autres Etats latino-américains gouvernés par la gauche (Equateur, Bolivie, Brésil, Cuba).

Alors que dans les années 1990, Buenos Aires suivait les consignes de Washington, la relation avec les Etats-Unis s'est refroidie et le régime Kirchner s'est tourné vers la Chine, principal destinataire de la production de soja, dont l'Argentine est le premier exportateur mondial (81 milliards de dollars en 2012).

Cristina Kirchner a succédé à son mari en 2007. Aujourd'hui elle est bombardée de critiques et les accusations de corruption se multiplient contre des figures de l'entourage des Kirchner, baptisée sphère K (K pour Kirchner) par leurs détracteurs.

Mme Kirchner, surnommée la "Reine Cristina", est taxée de populisme pour avoir acheté les droits de retransmission TV des matches de football. Un investissement onéreux mais une des mesures les plus populaires de sa présidence avec l'allocation attribuée aux mères célibataires. Elle a heurté les marchés en nationalisant tous les fonds de pension et la compagnie pétrolière YPF au détriment du géant espagnol Repsol.

Cristina Fernandez de Kirchner et Hugo Chavez le 1er décembre 2011 [ / Presidencia/AFP/Archives]
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Cristina Fernandez de Kirchner et Hugo Chavez le 1er décembre 2011

Dans sa logique d'interventionnisme de l'Etat dans l'économie, le gouvernement a gelé les prix dans la grande distribution, établi un contrôle des changes pour empêcher la fuite de devises, imposé des mesures protectionnistes ou remis en cause la domination du groupe de médias Clarin qu'elle accuse d'être en situation de monopole.

Sommée par le FMI de publier les chiffres réels de l'inflation (10% officiellement, 25% selon les experts en 2012), la présidente a au contraire adopté une mesure controversée, le gel des prix dans la grande distribution, pour contrer la hausse des prix, qui dépasse les 20% depuis 2010.

Pour le publicitaire Menendez Braga, les Kirchner dérangent car "ils remettent en question les monopoles, l'ordre établi et se préoccupent de la redistribution de la richesse". "La première décennie du XXIe siècle est celle de la plus forte croissance des deux siècles d'histoire de l'Amérique latine. Les Kirchner en ont profité et gagné en popularité", affirme le politologue Rosendo Fraga, opposant au régime.

Réélue en 2011 dès le 1er tour, Cristina Kirchner achèvera son second et dernier mandat en 2015.

Les tensions politiques et économiques qui agitent le pays "sont la preuve que la fin d'un cycle arrive", prédit le sociologue Jorge Giacobbe.

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