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«Face à la crise, les restaurateurs doivent s'adapter et se réinventer», selon le chef Juan Arbelaez

Après des semaines de confinement, le chef d'origine colombienne reprend du service et diversifie ses activités.[© Capture Instagram/J.Arbalaez/Yaya]

Comme de nombreux restaurateurs, le chef Juan Arbelaez s'est lancé dans la vente à emporter et la livraison à domicile en attendant que ses restaurants puissent rouvrir. Baptisé «Yaya To Go», ce service permet de déguster de délicieuses spécialités grecques à la maison.

En ce mois de mai, et alors que les Français profitent des joies du déconfinement, le chef d'origine colombienne invite tous les gastronomes à venir retirer leur commande directement dans l'une des deux adresses Yaya, situées respectivement dans le 19e arrondissement de Paris et à Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis.

Les clients peuvent aussi profiter d'une livraison via Deliveroo. Avec cette offre qu'il vient d'étendre à ses autres restaurants (Levain, Plantxa, Vida), Juan Arbelaez, ancien participant à l'émission culinaire Top Chef, souhaite surmonter la crise qui touche le secteur de la restauration, et garder un lien avec tous ceux qui avaient pour habitude de venir déguster ses recettes.

Comment vivez-vous ce déconfinement ?

Comme tout le monde, je me sens un peu engourdi ! Après avoir été confinés pendant près de deux mois dans le sud de la France, nous sommes rentrés avec ma femme (Laury Thilleman, Miss France 2011, ndlr) la semaine dernière pour reprendre mes activités liées à mes différents restaurants, et proposer de nouvelles offres aux Français qui, pour beaucoup, ont envie de changer leurs habitudes alimentaires. Mais on ne s’est pas ennuyés pendant le confinement. Nous avions la chance d’avoir de l’espace pour faire du sport et de la cuisine. Je me suis amusé les premiers jours à réaliser quelques vidéos pour les partager sur mes réseaux sociaux. Laury m’a appris le montage. J’y ai pris goût, et j’ai découvert une nouvelle facette de mon métier.

Pourquoi se lancer aujourd'hui dans la vente à emporter et la livraison à domicile ?

Nous, restaurateurs, allons être les derniers à être déconfinés. Nous sommes dans la même situation que les théâtres, les cinémas, les discothèques, et tous les lieux de vie où les gens aiment se retrouver. Même s’ils touchent le chômage partiel, nos salariés ne perçoivent qu’une partie de leur revenue, et ont besoin de retravailler. Idem pour les gérants qui n’ont enregistré aucun chiffre d’affaires depuis le mois de mars, mais qui vont devoir, à terme, payer les bailleurs, et cela même si les loyers sont suspendus. Nous ne pouvons pas non plus compter sur les assurances qui se cachent derrière des clauses. En somme, si l’on attend que notre situation s’améliore grâce à un tiers, nous sommes morts. Il faut donc s’adapter avec, par exemple, la vente à emporter et la livraison à domicile. C’est aussi un moyen de rester en contact avec nos clients et de créer du lien. Ce lien social dont nous avons tous manqué pendant des semaines. 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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Quelles sont les formules que vous proposez ?

Nous avons adapté la carte du restaurant pour le service traiteur à emporter. Nous avons réfléchi aux plats que nous aimerions commander si nous étions assis dans notre canapé. Une cuisine à grignoter avec les doigts, des buddhas ou des poke bowls, des nuggets de poulet au kefaligraviera avec leur sauce yaourt aux olives de Kalamata. On retrouve à la carte des pitas à l’agneau ou haloumi pour les végétariens. Les gens peuvent aussi commander de quoi faire un repas pour six personnes par exemple avec des mezzés (tzatziki, tarama…), de la moussaka, et un portokalopita, le gâteau à l’orange par excellence. Une fois à la maison, il ne reste plus qu’à réchauffer.

Outre la partie traiteur, vous développez l'épicerie fine…

On commercialise en effet les produits Kalios comme la tapenade, le halloumi (fromage originaire de Chypre, ndlr), les gressins crétois, les olives ou encore les herbes sauvages, qui viennent s’ajouter à une offre importante de boissons telles que les jus et nectars de La Boissonnerie de Paris, les bières et les vins. Grâce à notre offre caviste, nos clients peuvent choisir une bonne bouteille de vin à un prix accessible comme un Kotsifali de l'île de Crète. Nous avons aussi imaginé des kits pour cuisiner avec ses enfants, son conjoint ou des amis, tout en respectant la distanciation sociale si nécessaire. Avec de la farine, de la levure déshydratée, du sel et des herbes, on humidifie avec un peu d'eau et on obtient notre pita que l’on garnira de poulet et de tzatziki. On peut aussi s'organiser un apéro.

Le restaurant reste un lieu de vie, de partage et d'échange.

La livraison est-elle plus compliquée en raison des gestes barrières ?

Un restaurant est une machine de guerre. Nous avons des réflexes que nous devons adapter aujourd’hui aux nouvelles normes sanitaires. Les équipes sont en train de trouver de nouveaux automatismes. Cela va demander un peu de temps car c’est un gros changement pour tout le monde. Mais je reste confiant. Les premiers retours sont positifs. Que ce soit le livreur ou le client, chacun respecte les consignes comme pour la vente à emporter qui s’effectue toujours à l’extérieur du restaurant.

Êtes-vous inquiet quant à l’avenir de la restauration ?

On ne sait pas à quelle sauce on va être mangés. Nous n’avons pas de date de réouverture. On ne sait pas s’il y aura une deuxième vague ou si l’Etat va nous laisser rouvrir avec une table sur deux et des clients placés à un mètre de distance les uns des autres. L’incertitude génère donc de l’inquiétude. On réfléchit à toutes les options possibles car le restaurant reste avant tout un lieu de vie, de partage et d’échange.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

 

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Et le partage se transmet-il aussi sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram dont vous êtes fan ?

Pendant très longtemps, on a sacralisé la cuisine. Il ne fallait pas mélanger les torchons et les serviettes. En publiant mes recettes sur Instagram, je souhaite montrer que cela est accessible à tous, même si l’on ne dispose pas de four et que l’on n’y connaît rien. La cuisine, c’est comme le vélo. L'apprentissage est parfois long, mais une fois que les techniques sont acquises, on ne les oublie jamais. Chacun peut tenter l’expérience, ajouter un ingrédient, transformer la recette. Je suis là pour les accompagner, et partager mes conseils et mes astuces. Et je crois que cela plaît. J’ai reçu par exemple un nombre incroyable de messages après la publication de ma recette de nuggets, et beaucoup de personnes qui avaient réussi à en préparer chez elles me disaient qu’elles allaient arrêter d’aller en acheter chez «le clown» (Mc Donald's, ndlr). 

Et que pensez-vous justement de ces files d’attente devant les fast-food que l’on a pu voir récemment ?

Les gens n’ont pas attendu le confinement pour manger de la «merde». Mais je pense que la parenthèse que nous venons de vivre a permis à de nombreux Français de prendre conscience qu'il est important de mieux manger et de se tourner vers des petits producteurs. Ils ont aussi eu le temps de cuisiner. Il ne faut pas revenir à ce que nous faisions avant. Cet «après» est une occasion unique de prendre de bons réflexes, d’acheter des produits locaux - quitte à faire un kilomètre de plus -, et de passer deux ou trois heures en cuisine chaque semaine pour préparer de bons petits plats.

Yaya Secrétan, 33, avenue Secrétan, Paris (19e), du lundi au samedi, de 11h30 à 14h30 et de 18h30 à 22h.

Yaya Saint-Ouen, 8, rue de l'Hippodrome, Saint-Ouen (93), du lundi au samedi, de 11h30 à 14h30 et de 18h30 à 22h.

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