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Un an après les émeutes, Amiens-Nord semble apaisé

Une voiture brûlée à Amiens-Nord le 14 août 2012 [Philippe Huguen / AFP/Archives] Une voiture brûlée à Amiens-Nord le 14 août 2012 [Philippe Huguen / AFP/Archives]

Un an après les émeutes qui ont secoué Amiens-Nord, faisant 17 blessés parmi les policiers et de nombreux dégâts matériels, le quartier classé en zone de sécurité prioritaire (ZSP) s'est apaisé et la délinquance y a fortement diminué, se réjouissent les autorités.

Les personnes impliquées dans les affrontements avec les forces de l'ordre, dans la nuit du 13 au 14 août 2012, ont en "majeure partie" été interpellées et "les agitateurs les plus jeunes" ont été placés en centre éducatif fermé, souligne le préfet de la Somme, Jean-François Cordet.

Au total, 27 personnes ont été mises en examen dans le cadre des deux procédures ouvertes par le parquet, l'une concernant les dégradations de bâtiments publics et les violences sur les agents, l'autre les tentatives d'assassinats sur les policiers, après trois vagues d'interpellations en mars, mai et juin, précise le directeur départemental de la sécurité publique (DDSP), Dominique Nectoux.

Les instructions sont toujours en cours, mais "le principal est fait", assure le procureur de la République d'Amiens, Bernard Farret.

Signe de "l'apaisement du quartier", selon M. Nectoux, ces interpellations successives se sont faites sans "réaction ni opposition" des habitants, qui sont revenus "à une relation normale avec la police".

Des CRS déployés à Amiens-Nord après des émeutes, le 15 août 2012 [Philippe Huguen / AFP/Archives]
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Des CRS déployés à Amiens-Nord après des émeutes, le 15 août 2012
 

Les 40 CRS circulant chaque soir depuis les violences resteront "tant que nécessaire", mais dès septembre des patrouilles pédestres seront effectuées par 18 policiers de la DDSP pour "rétablir la présence quotidienne de la sécurité publique" alors qu'on "nous a fait le reproche pendant les émeutes de ne plus avoir de policiers dans les quartiers", une "réalité", insiste le préfet.

Recul de 39% des violences urbaines

La "présence accrue" de CRS a permis d'obtenir des "résultats significatifs" dans la ZSP, dont la création avait été annoncée par le ministre de l'Intérieur Manuel Valls dix jours avant les heurts, relève M. Cordet. Les faits de violences urbaines ont reculé de 39% entre le 15 août 2012 et le 31 juillet 2013 par rapport à la même période en 2011 et 2012, les incendies de véhicules ont diminué de 24% et les feux de poubelles de 59%.

Alors que dans certaines parties d'Amiens-Nord, les services publics ne pouvaient intervenir après 11H00, "aujourd'hui, les médecins, les postiers peuvent se déplacer sans être agressés", après la sécurisation des toits des bâtiments, des entrées d'immeubles et le placement "dans des lieux plus stratégiques" des caméras de vidéosurveillance, se félicite le préfet.

Place du Colvert, un centre commercial aux boutiques vieillissantes, les riverains hésitent à s'exprimer mais reconnaissent à demi-mots que la situation s'est améliorée. "Impeccable", répète un septuagénaire qui vit depuis 40 ans dans le quartier, évoquant notamment des "parties de domino" sur la place le soir et le marché qui fait le plein le dimanche. "Les jeunes sont en prison et c'est redevenu presque normal", ajoute-t-il.

"Il y a une amélioration très sensible et une certaine efficacité des forces de police. Mais au-delà, il y a quand même un manque d'humain, d'éducateurs", regrette Georges Vetrino, responsable associatif implanté de longue date à Amiens-Nord.

Des résidents d'Amiens-Nord interpellent le ministre de l'Intérieur Manuel Valls en visite après des émeutes le 14 août 2012 [Philippe Huguen / AFP/Archives]
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Des résidents d'Amiens-Nord interpellent le ministre de l'Intérieur Manuel Valls en visite après des émeutes le 14 août 2012
 

Déplorant une "énième politique sécuritaire", Vincent Aguano, de l'association amiénoise d'éducation aux médias Carmen, considère que "le sentiment d'exclusion reste très fort" au sein de la population et que "pour l'instant, la colère (est) un petit peu sous couvercle".

En août 2012, une opération de police à proximité d'une cérémonie d'hommage à un jeune tué quelques jours plus tôt dans un accident de moto avait servi de détonateur aux violences, et une nouvelle explosion "peut survenir à tout moment", selon M. Vetrino.

"Il ne faut pas être dupes. Un certain nombre d'individus n'attendent que ça, trouver un prétexte pour créer des tensions mais aujourd'hui ils entraînent moins facilement le quartier avec eux", observe M. Nectoux.

Pour "éviter la récidive", la préfecture va prochainement mettre en place un "plan de prévention de la délinquance" axé vers la jeunesse.

"Sans perspectives, sans transformation assez radicale sur l'éducation, l'insertion professionnelle, l'accompagnement des personnes qui sont en détention, sans transformation de la prise en charge globale dans les quartiers, la situation va continuer à empirer comme c'est le cas depuis 25 ans", objecte M. Aguano.

Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls au côté de policiers à Amiens-Nord, classé zone de sécurité prioritaire, le 5 avril 2013 [Philippe Huguen / AFP/Archives]
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Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls au côté de policiers à Amiens-Nord, classé zone de sécurité prioritaire, le 5 avril 2013
 

Pour lui, comme pour Georges Vetrino, le "nettoyage" du quartier Fafet-Brossolette, en pleine rénovation urbaine lors des émeutes, d'où elles sont parties, et désormais vidé de ses habitants, explique en grande partie ce calme relatif, mais la délinquance gagne Balzac et la place du Colvert, jusque là "relativement épargnés", estiment-ils.

Alors que dans la ZSP, où vivent 25.000 personnes, un habitant sur trois a moins de 20 ans et le chômage touche un jeune sur deux, Pôle emploi qui avait disparu d'Amiens-Nord a été convaincu par la mairie de revenir même si "ça va prendre beaucoup de temps", affirme Emilie Thérouin, adjointe à la sécurité, qui met en avant la "remobilisation autour de l'emploi".

Les cinq premiers emplois francs, destinés à favoriser l'embauche des jeunes et annoncés par le ministre de la Ville François Lamy à Amiens le 20 août 2012, y ont été signés le 24 juillet.

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