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Débarquement: entre Sainte-Mère-Eglise et ses vétérans, un lien "charnel"

Des vétérans de la Seconde Guerre mondiale lors des cérémonies d'anniversaire du Débarquement à Sainte-Mere-Eglise, en Normandie, le 5 juin 2014 [Guillaume Souvant / AFP] Des vétérans de la Seconde Guerre mondiale lors des cérémonies d'anniversaire du Débarquement à Sainte-Mere-Eglise, en Normandie, le 5 juin 2014 [Guillaume Souvant / AFP]

Soixante-dix ans après le parachutage de plus de 13.300 Américains au dessus et autour de Sainte-Mère-Eglise, et le Débarquement des alliés sur la côte, les habitants de ce village normand gardent des liens étroits avec leurs libérateurs américains, qu'ils accueillent encore chez eux pour les commémorations.

"Je trouve que c'est un dû. C'est pas grand chose, un petit geste", explique Maryvonne, 77 ans, qui accueille chez elle pendant quatre jours Joseph Morettini - arrivé comme il l'a brièvement raconté à l'AFP "dans un arbre" le 6 juin 1944 - et six membres de sa famille.

"Mon fils et ma belle-fille font le taxi, les emmènent au cimetière américain de Colleville. Moi, je fais la popote", poursuit cette retraitée installée à Picauville et qui avait déjà reçu M. Morettini pour le 50e anniversaire du Débarquement.

Entre temps, "nos enfants ont gardé contact", explique la Normande.

Et pour les Américains, "c'est un honneur, un privilège d'être si bien reçus", dit spontanément Sharon Morettini, la belle-fille du vétéran.

Alain Ashley, 65 ans, héberge, lui, Curtis Isaac Philipps, qui a débarqué à Utah beach en juin 1944, "tous les ans depuis 10 ans", à Orglandes. "Il fait partie de la famille". "Sans ces gens-là, on ne serait pas libres", souligne M. Ashley.

"C'est mon chauffeur", dit en rigolant M. Philipps. "Ici je me sens chez moi", ajoute l'ancien combattant.

Hommage aux parachutistes américains à l'église de Sainte-Mere-Eglise en Normandie, pour commémorer le "D Day", le 31 mai 2014 [Charly Triballeau / AFP]
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Hommage aux parachutistes américains à l'église de Sainte-Mere-Eglise en Normandie, pour commémorer le "D Day", le 31 mai 2014

Yvette Renaud accueille deux vétérans. Avec son mari, Henri-Jean, elle a reçu chez elle au moins une vingtaine de vétérans ces dernières décennies.

"Certains (décédés depuis) étaient devenus des amis. Ils venaient à n'importe quelle époque de l'année, pour un anniversaire, le mariage de ma fille par exemple. Et nous allions les voir aux Etats-Unis, en Floride", explique Mme Renaud dont le mari est le fils de celui qui était maire de Sainte-Mère-Eglise en 1944.

Tous ces "couples franco-américains" étaient jeudi soir à l'inauguration d'une nouvelle salle du musée Airborne sur l'histoire des parachutistes américains. Une structure qui espère "contribuer à consolider le lien du sang versé par les Américains sur le sol normand", selon les termes du président du musée et conseiller départemental Marc Lefèvre.

- "Une chaleur incroyable" -

"Personne ici n'a oublié les 14.000 croix blanches" des cimetières américains provisoires et le chagrin des familles qui venaient s'y recueillir jusqu'en 1948, date à laquelle les corps ont été transférés, a ajouté l'élu au cours d'une de ces nombreuses cérémonies qui ont animé le village pavoisé, bondé jeudi de touristes mais aussi de Normands.

Des acteurs reconstituent des scènes de la Seconde Guerre mondiale à Sainte-Mere-Eglise, en Normandie, en vue des cérémonies d'anniversaire du Débarquement, le 2 juin 2014 [Charly Triballeau / AFP]
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Des acteurs reconstituent des scènes de la Seconde Guerre mondiale à Sainte-Mere-Eglise, en Normandie, en vue des cérémonies d'anniversaire du Débarquement, le 2 juin 2014

"Cela a créé un lien très charnel avec les Américains", se souvient M. Renaud qui va bientôt avoir 80 ans.

Dans les années 60, "ils arrivaient à 200 ou 300. Y avait pas de structures hôtelières. Il y avait une chaleur incroyable à travers les coups de calva et de café. Quand ils rentraient dans un café et qu'ils demandaient combien ils devaient, les gens étaient très humiliés qu'on leur pose la question", poursuit M. Renaud.

Le fils de l'ancien maire s'interroge toutefois sur l'avenir de cette relation normando-américaine.

"Ce lien est fort mais je me demande personnellement ce qu'il va devenir. Je vois, là, les gens vont serrer la main aux vétérans, les remercier. Mais quand ils ne seront plus là, que faire? On va pas aller embrasser le fils ou le petit-fils. Ca va plus être le même rapport, il va falloir tout réinventer".

Aujourd'hui, les vétérans, qui ont souvent plus de 90 ans, ne sont plus que quelques dizaines à loger chez l'habitant. L'hôtel est mieux adapté. En 1984 encore, 200 familles de Sainte-Mère et des environs avaient accueilli chez elles des vétérans.

Cependant, certains Normands ont commencé à recevoir les descendants des anciens combattants décédés, comme Annick Marie, 58 ans pour qui cet accueil est une évidence: "J'accueille le fils d'un vétéran. Pour le devoir de mémoire. Ma belle-mère le faisait".

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