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Procès Bonnemaison: la loi Leonetti sur la fin de vie au centre des débats

Le député Jean Leonetti lors de son arrivée à la Cour d'Assises de Pau, le 17 juin 2014 [Gaizka Iroz / AFP] Le député Jean Leonetti lors de son arrivée à la Cour d'Assises de Pau, le 17 juin 2014 [Gaizka Iroz / AFP]

Le député Jean Leonetti a défendu mardi devant la cour d'assises, à Pau, la loi sur la fin de vie portant son nom, alors que la défense du docteur Nicolas Bonnemaison, poursuivi pour l'empoisonnement de sept patients, a tenté de mettre en exergue sa difficile mise en pratique.

Interrogé par le président, l'accusation et la défense, Jean Leonetti a longuement tenté d'expliquer les principes de la loi du 22 avril 2005, mal connue des médecins et censée réglementer les droits des malades à l'article de la mort.

Ainsi, le président Michel le Maître lui a demandé s'il était obligatoire de consulter d'autres médecins en cas de décision de sédation pour des patients en phase terminale, un acte pouvant entraîner la mort.

Le député a répondu que le principe de "collégialité" (une obligation en cas d'arrêt d'un traitement, ndlr) n'était pas stipulé s'agissant de l'administration d'une substance visant à soulager le patient et pouvant avoir la mort comme effet secondaire.

Il a cependant estimé que M. Bonnemaison, qui assume ses actes depuis le début en les expliquant par sa volonté d'abréger les souffrances de ces malades, avait violé le droit pénal. "Il a donné la mort à des malades qui ne le demandaient pas (...) il a choisi l'illégalité, la transgression", a-t-il ajouté.

L'ancien docteur Nicolas Bonnemaison (d) arrivant au tribunal de Pau le 17 juin 2014 en compagnie de sa femme, Julie [Gaizka Iroz / AFP]
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L'ancien docteur Nicolas Bonnemaison (d) arrivant au tribunal de Pau le 17 juin 2014 en compagnie de sa femme, Julie

Pour M. Leonetti, en agissant ainsi, l'urgentiste a pratiqué une médecine qui n'a plus cours, datant d'une époque où les soins palliatifs étaient rares, une médecine "ayant du mal à résister à sa toute puissance" et exercée de manière solitaire.

"Aujourd'hui la médecine a changé", a-t-il dit en soulignant aussi l'importance du travail en équipe dans les hôpitaux: "Si on fait ça tout seul, un jour on fait une erreur".

Il a toutefois reconnu que face à un patient inconscient on touchait à une "limite". "On manque d'éléments objectifs pour savoir à quelles doses donner l'antalgique", a-t-il affirmé.

"Je ne me considère pas comme un médecin tout puissant", ou "au-dessus des lois", mais comme un médecin "qui essaie de faire le plus humainement son travail". "J'ai eu recours à ce qui me paraissait la moins mauvaise solution", a répondu Nicolas Bonnemaison, qui comparaît jusqu'au 27 juin.

- 'Une bonne loi si on a le temps' -

Il avait plus tôt dans la matinée reçu le soutien d'un confrère, le docteur Michel André, ancien anesthésiste, directeur d'hôpital à Bordeaux, pour qui la réalité quotidienne ne s’accommode pas toujours des préconisations de la loi.

"Lorsque les malades sont déjà dans un processus de mort", les médecins se trouvent dans une "zone médicale mal définie, une zone de non droit", a-t-il dit. Or la loi Leonetti n'est pas allée "jusqu'au bout" et ne tient pas compte de ces patients. Elle concerne les patients "conscients qui peuvent exprimer leur volonté".

Les sept malades étaient "tous dans le coma", et "leur décès était imminent", a rappelé Nicolas Bonnemaison.

"La loi Leonetti est une bonne loi dans la mesure où on a du temps", si le patient est conscient et quand les médecins peuvent se concerter à propos du traitement. "Ce qui n'est pas le cas dans les Unités d'hospitalisation de courte durée (UHCD)", comme celle dans laquelle travaillait Nicolas Bonnemaison, selon le Dr Michel André.

Le praticien a appelé de ses vœux une "loi Leonetti 2" clarifiant la question des malades dans l'incapacité de donner leur avis sur leur état.

Cette loi "peu de gens la connaissent, peu de gens l'appliquent", a-t-il reconnu avant de rappeler qu'il avait été lui-même formé il y a 35 ans à "injecter des cocktails lithiques" comprenant "un sédatif, un antalgique et parfois un curare", substance que M. Bonnemaison aurait aussi administrée.

"Cela se passe encore aujourd'hui", a-t-il dit avant de rappeler à la barre ce que disaient alors les professeurs de médecine: "Vous avez le devoir de le faire, mais l'interdiction de vous faire prendre!"

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