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Le frelon asiatique, envahisseur bien installé après 10 ans, reste une menace

Des frelons asiatiques, le 5 août 2014 à Saint-Paul-les-Dax, dans les Landes [Jean-Pierre Muller / AFP] Des frelons asiatiques, le 5 août 2014 à Saint-Paul-les-Dax, dans les Landes [Jean-Pierre Muller / AFP]

Dix ans après son installation dans le Sud-Ouest, le frelon asiatique s'est largement disséminé et "explose" désormais en France, malgré de vaines contre-attaques, mais il n'est pas invincible pour autant, des études ont permis de découvrir son pire ennemi, un parasite qui agit "façon Alien".

A la moitié de l'été, les colonies approchent de leur apogée, la traque des nids de frelons asiatiques bat son plein dans les régions, toujours plus nombreuses à subir sa présence.

Le Vespa Velutina Nigrithorax s'est implanté en 2004, introduit en Lot-et-Garonne par hasard, dans des poteries importées de Chine.

"J'en trouve partout: abris de jardin, boîtes à lettres, calandres de voitures, arrosoirs...", raconte Etienne Roumailhac, chasseur de frelons dans les Landes, proche du surmenage avec aujourd'hui plus d'une demi-douzaine d'interventions par jour.

"Le frelon devient très urbain. 80% de mes interventions sont en milieu urbain ou péri-urbain", dit-il, "cela explose".

M. Roumailhac a innové, en utilisant des drones pour déloger les nids, qui peuvent atteindre atteindre 60-70 cm de long et nicher jusqu'à 20 m dans les arbres. Mais le drone, comme il le sait, n'est "pas la solution": trop compliqué à manier dans les branches, trop délicat de voler en zone urbaine. L'arme de choix reste la canne téléscopique équipée d'un insecticide.

D'autres ont eu des résultats remarqués à l'instar de Francis Ithurburu, apiculteur amateur à Biscarosse (Landes), qui utilise de jeunes poulets friands de frelons asiatiques, proie charnue de choix.

- Une avance de 60-70 km par an -

Un apiculteur tient un nid de frelons asiatiques le 18 août 2009  près de Parempuyre dans le sud-ouest de la France [Jean-Pierre Muller / AFP/Archives]
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Un apiculteur tient un nid de frelons asiatiques le 18 août 2009 près de Parempuyre dans le sud-ouest de la France

Car Nigrithorax est devenu ennemi public: classé en 2012 "espèce exotique, envahissante et nuisible à l'apiculture", justifiant une dérogation fin 2013 pour l'usage du controversé dioxyde de soufre.

Pourtant le frelon se porte au mieux. Il a colonisé plus de 60% du territoire, a été signalé en Espagne, au Portugal, en Italie, ponctuellement en Belgique. Que ce soit via "bourgeonnement" classique -- un front progressant de 60-70 km par an -- ou par "sauts de puce", aidé fortuitement par l'homme.

Pour la communauté scientifique, le frelon asiatique est en "phase d'explosion", au détriment d'espèces autochtones; une phase par laquelle passe toute "espèce invasive quand elle trouve un environnement adéquat".

"Il est bien implanté, il est en train d'entraîner des problèmes", résume Eric Darrouzet, biologiste à l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte de Tours (Indre-et-Loire). Et pas seulement pour l'abeille domestique, qui constitue une partie de son menu (jusqu'à 50-60%).

Prédateur, le frelon est adaptable, se nourrit de toutes sortes d'insectes, guêpes, diptères, coléoptères, des pollinisateurs sauvages. "Donc il peut survivre quasiment partout".

"On a énormément parlé de l'impact du frelon sur l'abeille et oublié un peu de s'intéresser à son impact sur la biodiversité, le reste de l'entomofaune", relève Franck Muller, chargé de recherches "frelon" au Museum d'Histoire naturelle.

Avec des titres parfois alarmistes, "il s'est créé quelque chose dans l'inconscient collectif qui n'a pas été très bon, amenant à des décisions absurdes" comme le piégeage généralisé de printemps (avec décoctions sucrées dans une bouteille), à l'efficacité douteuse sur les reines et qui surtout décime d'autres spécimens "non-ciblés", dans un rapport de 1 à 100 voire 1.000, poursuit le chercheur.

- Un "Alien" pour ennemi -

Espèce invasive introduite par l'homme, Nigrithorax est susceptible, certes de décourager des apiculteurs amateurs (les professionnels sont bien moins affectés), mais surtout de perturber l'écosystème. "Or, quand on le modifie, c'est rarement en bien...", relève Eric Darrouzet.

Pour un peu, on en oublierait presque que Vespa Velutina est une "espèce passionnante", un "merveilleux bâtisseur" de nids à tous niveaux, un talent rare, mais peut-être aussi vulnérable.

Ainsi l'IRBI travaille sur un parasitoïde découvert en 2013, issu d'une petite mouche, Conops Vesicularis, qui pond des oeufs sur l'abdomen des reines de frelons, un hôte que la larve dévore de l'intérieur à l'éclosion, "à la façon du film +Alien+, c'est le principe", explique Eric Darrouzet, qui a publié sur le sujet dans la revue Apidologie.

"On se rend compte que la nature se met en place, l'environnement se défend, le frelon commence à se trouver des prédateurs", relève Etienne Roumailhac.

La Vesicularis, futur "soldat" au service d'une lutte contre le frelon asiatique? "J'en doute, si c'est pour libérer dans la nature un parasite qui tuerait les autres aussi. J'ai davantage confiance dans les progrès du piégeage", estime-t-on à l'IRBI, où l'on teste aussi un modèle inédit de piège 100% sélectif -- tuant les frelons asiatiques uniquement -- qui pourrait être prêt pour 2015.

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