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Maud Fontenoy : «les océans sont des géants aux pieds d'argile»

Maud Fontenoy veut alerter les jeunes sur la fragilité des océans Maud Fontenoy veut alerter les jeunes sur la fragilité des océans. [©Riccardo Tinelli]

Un plaidoyer pour la mer. La navigatrice Maud Fontenoy, publie le 6 juin «Les mers et les océans pour les Nuls», un livre pédagogique avec un but : accélérer la prise de conscience sur la fragilité des océans, alors que les scientifiques continuent de s’alarmer.

D’où vient ce choix de faire un livre «pour les nuls» sur les mers et les océans ?

C’est la continuité de mon travail depuis vingt ans et de ce que je fais dans le cadre de ma fondation pour éduquer la jeune génération. J’ai passé plus de temps de ma vie sur les océans que sur terre. J’ai malheureusement pu constater de mes propres yeux la pollution des océans, la montée et l’acidification des eaux. Aujourd’hui on se rend compte que les océans sont des géants aux pieds d’argile dans lesquels on a pensé qu’on pouvait rejeter tout et n’importe quoi. On est en train d’étouffer la source de la vie. Car, il y a 4 milliards d’années, la vie est née dans les océans.

Sentez-vous une vraie prise de conscience sur le sujet en France ?

Oui, on s’est rendu compte qu’il y a eu un point de bascule lorsque Donald Trump a décidé de sortir des accords de Paris. On est passé d’une mobilisation de lanceurs d’alertes, d’experts à une mobilisation globale, prise en main par les familles. Les femmes se sentent notamment porteuses de ce combat à travers leur famille ou leurs enfants : quelle nourriture je vais manger ? Est-ce que je vais encore faire un enfant ? Dans quel état est la mer s'ils vont se baigner ? Il y a une volonté de changer les choses aujourd’hui.

Et pour ceux qui veulent s'activer, vous donnez des conseils pour faire des gestes au quotidien.

Quand on comprend que la moitié de l’oxygène que l’on respire ne vient pas des forêts mais des océans, qu’il y a plus de 22 000 médicaments qui viennent du milieu marin, que c’est un potentiel énergétique ou qu'il y a près de 3 milliards de personnes qui ne mangeraient pas de protéines sans la mer, on a envie d’agir. Après, agir, c’est comprendre que nos actions, qu’on soit proche de la mer ou non, n’importe où, ont un impact. Lorsque l'on utilise un produit d’entretien qui dégrade l’environnement, il rejoint un jour les océans, donc les poissons et cela se retrouve dans vos sushis. La crème solaire dégrade énormément avec les filtres chimiques, il faut donc en prendre des bios. Et surtout, bannir l’huile solaire, qui crée une pellicule en surface de l’eau et empêche la photosynthèse. Il y a des choses que l’on peut faire au quotidien dans nos vies. Celui qui gère le foyer a donc un gros moyen d’action. 

Dans ce livre vous appelez notamment à limiter la consommation de poissons ?

Cela tient à un problème de pêche illégale, de gens qui font n’importe quoi sur les mers et qui ne vont jamais arrêter parce que s'il y a des traités pour les fonds marins, il n'y a rien sur les colonnes d’eau (entre le fond de la mer et la surface, ndlr). Ces dernières sont à 60% sans juridiction, donc on peut y prélever ce que l’on veut. Il faut une régulation internationale sur la haute mer. Après, ce problème peut être désamorcé par chacun d’entre nous, et je donne dans le livre des tableaux pour choisir les poissons plus ou moins menacés, ceux qui sont de saison… Le but n’est pas d'arrêter de manger du poisson, c’est de le manger mieux. Par exemple, quand on prend du poisson d’élevage, il faut choisir du labellisé. Il y a une démarche à repenser, mais l’on voit bien que les stocks de poisson, quand ils sont gérés durablement, assurent un rendement. C’est lorsque l'on prélève de façon anarchique que c’est un problème, car s’il y a plus de plastiques que de poissons dans la mer en 2050, c’est l’humanité qui sera touchée.

Il y a quelques jours, vous avez été chargée d'une mission par le gouvernement pour mobiliser les plus jeunes. 

Cela fait très longtemps que ma fondation travaille avec le gouvernement, et là, il a décidé de me confier la mission, bénévole, de réinstaurer les classes de mer. C'est un sujet que je pousse depuis des années et qui me tient à coeur. Car si j'ai eu la chance de grandir près de la mer, ce n'est pas le cas de tout le monde. Et il s’avère que Jean-Michel Blanquer a pris le sujet à bras le corps et m’a confié cette mission, en privilégiant dans un premier temps les quartiers moins favorisés pour essayer de faire découvrir la mer, le milieu marin et ses enjeux au plus de classes possibles.

Quels seront vos moyens d'action ?

Je n'ai pas encore d'ordre d'idées concernant le budget, mais naturellement le ministère va aider des classes, on va essayer de trouver des partenaires… Je vais faire en sorte, avec la détermination qui est la mienne et que j’ai pu mettre en oeuvre dans mes traversées à la rame, que cela voit le jour et que cela soit un grand succès. Mais déjà, si c’est porté par le ministre politiquement, c’est très positif.

Cela veut dire que vous vous rapprochez du gouvernement (elle est élue Les Républicains depuis 2015, ndlr) ?

Non, cette mission est apolitique. La politique j’y ai gouté et c’est un milieu très difficile. Il y a plus de requins dans ce milieu que dans l’océan. C’est vrai qu’a une époque j’ai soutenu, pour des raisons très personnelles, Nicolas Sarkozy, qui avait aidé un de mes enfants très malade. Mais dès qu’on est politisé, on vous fait dire un peu n’importe quoi... J'ai souffert de cela, du côté clivant, du côté attaque. Je trouve cela tellement dérisoire face à l’urgence, face au combat qui est le mien depuis toujours. Parce que quand on traverse un océan et qu’on voit un continent de plastique ou un frigo entre deux eaux, on ne peut pas rester les bras ballants. Donc moi, mon combat, c’est celui que je mène avec mes livres, ma fondation, nos programmes éducatifs et c’est de ça dont je suis la plus fière parce que ce sont des actions concrètes, et l’on voit des résultats.

«Les mers et les océans pour les nuls», First Editions, 22,95 euros

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