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Régime sans gluten : pour qui est-il vital et pourquoi ?

[a.joly]

Du 5 au 7 septembre 2019 s'est tenu à Paris le 18e symposium international de la maladie cœliaque, l’occasion de faire le point sur les avancées et de battre en brèche les idées reçues.

Le colloque réunit tous les deux ans les plus grands spécialistes de cette pathologie qui demeure aujourd’hui méconnue du grand public alors qu’elle touche 1% de la population mondiale, soit environ 600.000 personnes rien qu’en France.

La maladie cœliaque, alias intolérance au gluten (à ne pas confondre avec l’allergie), est la plus fréquente des intolérances alimentaires. Le gluten provient notamment du blé, de l’orge, et du seigle, des céréales qui, sous diverses appellations, entrent dans la composition de très nombreux produits (alimentaires mais aussi de médicaments et de cosmétiques), une quasi omniprésence qui rend l’alimentation, et plus généralement la vie quotidienne des malades, très difficiles.

Des prédisposition génétiques

On ne sait pas encore pourquoi la maladie cœliaque se déclenche chez certains individus, mais on sait qu’elle se manifeste chez des sujets prédisposés génétiquement. Elle endommage la muqueuse intestinale, provoquant diverses manifestations cliniques : des symptômes classiques de malabsorption intestinale comme les vomissements, les diarrhées… Mais aussi des symptômes extra-intestinaux (retard de croissance, anémie, perte de masse osseuse… La liste exhaustive est longue comme une vie sans pain…). Troubles neurologiques, rhumatologiques, dermatologiques… Les symptômes peuvent énormément différer d’un patient à l’autre, et il existe en outre des formes silencieuses de la maladie, ce qui complique d’autant plus le diagnostic.

Sur les 1% de la population mondiale touchés par la maladie, seuls 20% sont diagnostiqués. Ce sous-diagnostic, l’impact social chez les patients contraints de suivre un régime strict et à vie sans gluten (régime qui demeure actuellement le seul «traitement» disponible), et le caractère auto-immun de l’intolérance au gluten en font un sujet d’exploration scientifique aussi dense que passionnant en même temps qu’une question majeure de santé publique, l’urgence étant aussi de la dissocier de la vraie/fausse «mode» du sans gluten à laquelle elle est trop souvent réduite.

Des complications qui peuvent être graves

Sans régime strict sans gluten, les malades s’exposent notamment à une déminéralisation des os, d’autres maladies auto-immunes ou encore des tumeurs de l’intestin.

A noter que chez les apparentés au premier degré, le risque est de 10% de développer la maladie cœliaque, même sans symptômes. Il y a aussi un fort risque chez les diabétiques de type 1. La maladie cœliaque est parfois associée à d’autres maladies auto-immunes comme les maladies de la thyroïde. Souvent associée elle aussi, la dermatite herpétiforme répond quant à elle bien au régime sans gluten.

La complication la plus grave est le lymphome. A noter que quand la maladie est diagnostiquée dans l'enfance, il n'est pas observé de risque augmenté de cancer, probablement en raison de l'initiation précoce d'un régime sans gluten.

600 000 personnes atteintes de maladie cœliaque en France, et vous ?

Nombre de patients se plaignent d’avoir eu à rencontrer plusieurs médecins avant que l’un d’entre eux ne pense à effectuer un diagnostic pour la maladie cœliaque, laissant à penser qu'une meilleure formation du corps médical sur le sujet pourrait améliorer le taux jusqu'à maintenant très peu élevé du diagnostic. 

Ce dernier se fait par prise de sang. Si la sérologie est évocatrice, on procède à une biopsie de l’intestin grêle pour voir s’il y a une atrophie villositaire. A noter que cette biopsie tend à se raréfier chez les enfants si les taux évocateurs de la maladie dans le sang sont très supérieurs à la normale.

Actuellement le seul test remboursé par la sécurité sociale est le test anti-transglutaminase, mais il existe maintenant des auto-tests à faire chez soi. En cas de positif, ces nouveaux tests au doigt doivent toutefois être ensuite confirmés avec une prise de sang précise le Professeur Christophe Cellier, gastro-entérologue à l’hôpital George Pompidou, qui souhaite par ailleurs alerter sur les autres tests qui pullulent depuis plusieurs années et qu’il juge inutiles voire dangereux. Il s’agit des IgG ou test d’intolérance qui «malgré leur coût fournissent des informations scientifiquement erronées et n’ont aucun intérêt dans le cas de la maladie cœliaque».

Le régime sans gluten, unique «traitement» possible à ce jour

Si diverses thérapies sont actuellement à l’étude (enzymes, vaccinothérapies, anticorps…), les cœliaques qui rêvent de pouvoir retrouver l’insouciance alimentaire ne pourront malheureusement pas se passer demain de leur régime. Des médicaments à l’essai pourraient toutefois dans un futur assez proche les préserver des effets néfastes d’une consommation accidentelle de gluten, bête noire des malades qui affecte leur vie sociale, mais le régime resterait pour eux obligatoire. Dans leur difficulté ils peuvent compter sur l’AFDIAG (l'Association Française des Intolérants Au Gluten) qui joue un rôle important pour l’éducation thérapeutique et pour le suivi car l’observance du régime est très difficile.

attention aux idées reçues et aux fake news

L’intérêt pour la nourriture sans gluten, promue aussi par certains sportifs à l’instar du tennisman Novak Djokovic, a accru la curiosité du grand public pour la question de l’impact du gluten sur la santé. Selon les explications du Professeur Cellier, aucun bénéfice significatif en termes de performance sportive n’aurait à ce jour été démontré scientifiquement.

De nombreux sites internet vantent les vertus d’un régime sans gluten, notamment dans le cadre de l’autisme or, là encore, le Professeur Cellier affirme qu’aucun bénéfice n’a encore été démontré. Idem pour la maladie de Crohn et les rectocolites hémorragiques. Le Professeur met aussi en garde contre certains conseils émanant de médecines alternatives telles que la naturopathie sur des régimes sans gluten à commencer ou à arrêter. Il faut se méfier dit-il, car «les fake news ne sont pas l’apanage de la politique, elles sont nombreuses et sont même devenues un business aux Etats-Unis».

une hypersensibilité qui pourrait être liée au gluten mais encore très mal connue

A ne pas confondre avec la maladie cœliaque, l’hypersensibilité au gluten présente des symptômes digestifs et non-digestifs qui disparaissent avec un régime sans gluten. La prévalence n’est pas connue et il n’y a pas encore d’étude réelle sur le sujet explique le Professeur Cellier. «On ne sait pas si les troubles sont dus uniquement au gluten, à des composants contenus dans le blé comme des insecticides ou aux Fodmaps… Les manifestations cliniques sont semblables à la maladie cœliaque ou à l’intestin irritable, avec parfois une dermatite, une fatigue, des maux de tête, de l’anxiété… Le diagnostic passe d’abord par l’élimination de la piste cœliaque car l’hypersensibilité au gluten non-cœliaque ne présente pas de marqueurs biologiques ni de facteur génétique».

Contrairement à la maladie cœliaque, l’hypersensibilité au gluten n’entraîne pas de complications, mais si le régime améliore les symptômes, il est alors requis. Il ne fera cependant pas l’objet d’un remboursement de la part de la sécurité sociale. Le remboursement - infime au regard du coût extrêmement élevé des produits sans gluten et de surcroît complexe à obtenir - reste réservé à la maladie cœliaque.

Des cas d’hypersensibles se voient parfois proposer ensuite une réintroduction du gluten, car contrairement aux cœliaques celle-ci ne présenterait pas de danger pour eux.

L’importance de la reconnaissance 

Toute trace même infime de gluten peut réactiver la maladie chez le cœliaque. Cette contrainte a un impact fort sur la vie sociale et la psychologie. Il est demandé aux proches d’accompagner au mieux les malades en faisant preuve de compréhension et d’écoute, ainsi qu’aux industriels et professionnels de la restauration de bien notifier la présence de gluten dans les préparations et de tout mettre en œuvre pour éviter les contaminations croisées. Le logo épi de blé barré de l’AFDIAG est d’une grande aide pour se repérer dans la jungle des étiquettes.

En dehors de la présence du logo rouge officiel, il est indispensable de toujours bien lire jusqu’au bout la liste des ingrédients, car il n’est pas rare de trouver la présence de «traces de gluten», parfois même sur des produits se vantant d’être «sans gluten». Un «piège» dont se passeraient bien les malades.

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