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Tout savoir sur l'affaire Gabriel Matzneff

C'est l'affaire qui agite le monde littéraire depuis plusieurs jours. L'éditrice Vanessa Springora dénonce dans «Le Consentement» (à paraître le 2 janvier) sa relation avec l'écrivain Gabriel Matzneff, alors qu'elle était âgée de 14 ans et lui de 50.

QUI EST GABRIEL MATZNEFF ?

Gabriel Matzneff est un écrivain, aujourd'hui âgé de 83 ans, né à Neuilly-sur-Seine d'une famille issue de l'émigration russe provoquée par la révolution de 1917. 

En 1974, il publie un essai, «Les Moins de seize ans», dans lequel il expose son appétit sexuel pour les mineurs de dix à seize ans. Un attrait et des expériences qu'il décrira de long en large dans ses journaux intimes, qu'il fera publier. Ainsi dans «Mes amours décomposés», il écrit dans la préface : «Je suis capable de constance : j'ai été très longtemps fidèle à Francesca, qui avait quinze ans quand je suis devenu son amant en 1973, et à Vanessa (Springora, ndlr) qui en avait quatorze lorsqu'en 1986 je suis devenu le sien».

A l'époque, même s'il passe pour un écrivain «sulfureux», Matzneff a pignon sur rue à la télévision : il s'étend sur les plateaux télé («Apostrophes», «Tout le monde en parle») sur sa passion des petites filles et des petits garçons. Il existe alors un courant pro-pédophilie soutenu par de nombreux intellectuels prestigieux. 

En 1990 lors de l'un de ses passages sur Apostrophes, seule Denise Bombardier, une journaliste canadienne, le tance : «Moi, Monsieur Mazneff me semble pitoyable. Ce que je ne comprends pas c'est que, dans ce pays (la France, ndlr), la littérature serve d'alibi à ce genre de confidences». 

QUI EST VANESSA SPRINGORA ?

Vanessa Springora est aujourd'hui directrice des éditions Julliard. A 14 ans, elle tombe amoureuse de Gabriel Matzneff, homme de lettres de 50 ans, adoubé par le milieu culturel de l'époque. Malgré la différence d'âge, Springora et Matzneff ont des relations sexuelles.

L'auteure décrit aujourd'hui dans son livre «le processus de manipulation psychique» dont elle estime avoir été victime, du fait de son jeune âge, ainsi que la complexité de la notion de consentement sexuel.

«Comment admettre qu'on a été abusé, quand on ne peut nier avoir été consentant? Quand on a ressenti du désir pour cet adulte qui s'est empressé d'en profiter? Pendant des années, je me débattrai moi aussi avec cette notion de victime», écrit-elle ainsi dans son ouvrage autobiographique. 

Pourquoi n'a-t-il jamais été inquiété par la justice ?

En France, la majorité sexuelle est fixée à 15 ans. En dessous de cet âge, toute relation sexuelle avec un majeur équivaut à une «atteinte sexuelle». Pourtant Gabriel Matzneff a souvent évoqué des relations sexuelles avec des mineurs de douze ans voire moins. 

L'auteure du livre, Vanessa Springora, n'a jamais porté plainte contre Matzneff. Ni aucun autre de ses très jeunes amants. Certains pensent qu'il était protégé par son statut d'écrivain comme Pierre Lassus, psychothérapeute interrogé par le Parisien : «Dans un de ses journaux, il racontait qu'il s'envoyait un garçon qui sortait du collège avec son cartable, et qu'il n'y avait rien de plus jouissif. N'importe qui de banal eût été convoqué pour une information judiciaire après de tels écrits. (…) Il était protégé par le milieu intellectuel, la doxa qui disait que c'était bien d'initier les enfants à la sexualité » estime-t-il.

En 1977, Gabriel Matzneff publie une tribune dans Le Monde qui apporte son soutien à trois personnes inculpées pour avoir eu des relations sexuelles avec des adolescents de 13 ou 14 ans. «Les enfants n'ont pas été victimes de la moindre violence. (...) il y a une disproportion manifeste, d'une part, entre la qualification de "crime" qui justifie une telle sévérité, et la nature des faits reprochés», écrivait-il dans ce texte signé par plusieurs grands intellectuels de l'époque : Louis Aragon, Roland Barthes, Simone de Beauvoir, Gilles Deleuze, Jean-Paul Sartre et Jack Lang.

Quels sont les réactions publiques à cette affaire ?

Bernard Pivot, qui en tant que présentateur de l'émission «Apostrophes» a plusieurs fois invité Matzneff sur son plateau, a réagi à la polémique sur Twitter : «Dans les années 70 et 80, la littérature passait avant la morale ; aujourd'hui, la morale passe avant la littérature. Moralement, c'est un progrès. Nous sommes plus ou moins les produits intellectuels et moraux d'un pays et, surtout, d'une époque.» 

De nombreuses personnalités de la culture soutiennent encore aujourd'hui Gabriel Matzneff, comme Frédéric Beigbeder et Franz-Olivier Giesbert dans cet article du Monde.

Le ministre de la Culture, Franck Riester, a apporté son soutien «à toutes les victimes qui ont le courage de briser le silence». «Le centre national du livre verse à certains écrivains une allocation pour compenser les difficultés financières liées au grand âge ou à la maladie. Gabriel Matzneff en est bénéficiaire. J’ai demandé au CNL de me fournir toutes les précisions sur cette situation. Je prendrai mes responsabilités», a-t-il également ajouté sur Twitter.

Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes estime que la qualité d'écrivain de Gabriel Matzneff ne doit pas être une excuse à son passé de pédophile. Elle s'est exprimée sur le réseau social américain.

Dans un message écrit au Parisien, le principal intéressé, aujourd'hui âgé de 83 ans, dénonce «de si injustes et excessives attaques» et évoque «la beauté de l'amour que nous vécûmes, Vanessa et moi».

Il avait également jugé l'ouvrage «hostile, méchant, dénigrant, destiné à nuire» auprès de l'Obs.

 

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