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Temps de trajet, pollution, mortalité… Que changeraient les 110km/h sur l’autoroute ?

Cette proposition est accueillie avec hostilité de la part des Français, qui la rejettent à 74 %, selon un sondage. [Photo d'illustration / ROMAIN LAFABREGUE / AFP].

Alors qu'Emmanuel Macron reçoit, ce lundi 29 juin, les 150 membres de la Convention citoyenne sur le climat, une proposition parmi les 149 émises par cette assemblée inédite a déjà été très commentée : celle d'abaisser à 110 km/h la vitesse maximale sur les autoroutes, contre 130 km/h aujourd'hui. Mais concrètement, quelles seraient les conséquences d'une telle mesure ?

Une réduction non négligeable des gaz à effet de serre

C'est mécanique. Réduire la vitesse des véhicules permet de limiter les émissions des gaz à effet de serre (GES). Une donnée loin d'être dérisoire lorsqu'en France les transports sont le secteur qui en émettent le plus (29,4 % du total des GES émis chaque année).

Dans ce contexte, les membres de la Convention citoyenne pour le climat estiment qu'une réduction de 20 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes pourrait faire diminuer de 20 % en moyenne les émissions de GES sur ces axes routiers très fréquentés. De même, les émissions de particules fines et l'ozone pourraient baisser de l'ordre de 10 %, ce qui réduirait le nombre de décès prématurés liés à la pollution de l'air, estimés à 48.000 chaque année en France.

Une mortalité routière réduite

En dehors des vies potentiellement sauvées par un air de meilleure qualité, d'autres existences pourraient elles aussi être épargnées tout simplement parce que des accidents seraient évités. 

En effet, selon une étude du Commissariat général au développement durable de 2018 (un organisme placé sous l'égide du ministère de la Transition écologique et solidaire, NDLR) le passage aux 110km/h sur les autoroutes pourrait éviter chaque année 22 morts, 198 hospitalisations lourdes, ainsi que 1.852 blessés légers, rien que sur ces seuls axes routiers.

La mesure éviterait en outre à 13 personnes en moyenne de mourir chaque année sur les axes secondaires. Autant de vies sauvées et de familles préservées pour un bénéfice économique pour la collectivité évalué à 149 millions d'euros par an, toujours selon cette étude. 

Pour rappel, d'après la Sécurité routière, dans un bilan publié le 2 juin dernier, ce sont 3.244 personnes qui, en 2019, ont perdu la vie sur les routes de France métropolitaine, soit quatre personnes de moins (-0,1 %) qu'en 2018. Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs s'échinent à vouloir faire passer le nombre de victimes sous le seuil symbolique des 2.000 morts par an, sans succès jusqu'à présent.

Du carburant économisé, des bouchons moins nombreux

Autre avantage soulevé par les défenseurs de la mesure, une réduction de 20 km/h de la vitesse maximale autorisée sur l'autoroute, conviendrait à mettre moins de carburant dans le réservoir et donc à alléger les finances des usagers.

Les membres de la Convention citoyenne sur le climat avancent même un chiffre : 1,40 euros économisés tous les 100 km. 

Au global, toujours selon le Commissariat général au développement durable, une vitesse réduite de 20 km/h sur l'autoroute représente ainsi une économie totale de 360 millions d'euros par an, mais aussi une baisse de 5,12 % de la consommation de carburant.

De la même manière, un abaissement de la vitesse permettrait de fluidifier le trafic autoroutier, et donc de diminuer les bouchons. Par ailleurs, les nuisances sonores seraient elles aussi moins importantes si cette mesure venait à être appliquée.

Des temps de trajet allongés

Mais si les avantages sont nombreux, plusieurs freins à la mise en place de cette mesure sont eux aussi avancés. A commencer par la relative perte de temps pour les automobilistes qui passeraient plus de temps dans leur véhicule.

De l'aveu même de la Convention, la limitation de la vitesse maximale autorisée sur les autoroutes rallongerait en effet les trajets de quatre à huit minutes en moyenne par heure.

Par exemple, alors qu'un trajet Lyon-Grenoble dure en moyenne une heure et seize minutes à 130 km/h, il faudrait compter une heure et vingt-quatre minutes avec une vitesse abaissée à 110 km/h.

Et suivant la maxime populaire qui veut que le temps soit de l'argent, «si vous augmentez le temps de transport, vous bouleversez tout : les salariés qui se rendent au travail, les entreprises de transports, les parents qui ne pourront plus chercher leurs enfants à l'école à l'heure…», affirme Pierre Chasseray, le délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, sollicité par le quotidien Ouest-France. 

Ce que le Commissariat général au développement durable semble d'ailleurs bien valider. Car en comparant les avantages collectifs liés à l'accidentologie aux économies de carburant et à la diminution de la pollution, ce n'est pas, au global, un bénéfice qui se dessine, mais une facture totale de 550 millions d'euros. Un chiffre principalement dû à la perte de temps.

Certains défenseurs de l'environnement émettent néanmoins des doutes quant à cette estimation, notamment au regard des bouchons évités qui, disent-ils, sont difficiles à évaluer précisément. 

Un risque politique et social loin d'être négligeable

Dernier point, et non des moindres, la limitation de la vitesse à 110 km/h sur l’autoroute est loin d'être dénuée de risques principalement politiques et sociaux.

La mesure peine en effet à convaincre les Français déjà échaudés par l'échec des 80 km/h. Selon un sondage réalisé les 24 et 25 juin derniers pour Le Figaro et franceinfo, ils la rejettent ainsi massivement, à 74 %.

Pour rappel, cette réduction de la vitesse, de 130 km/h à 110km/h, n'avait d'ailleurs été adoptée par la Convention citoyenne qu'à 60 % des voix, contre environ 90 % pour le reste des autres mesures.

Dans un contexte social ultra-sensible, mettre en place cette mesure pourrait aussi donner un second souffle au mouvement des gilets jaunes qui, selon certains observateurs, trouve partiellement son origine dans le passage aux 80 km/h.

Si le gouvernement a depuis fait marche arrière, la colère gronde toujours et pourrait s'enflammer de nouveau. Sans parler du fait qu'il faudrait à nouveau changer la signalétique sur les routes et braquer à nouveau les élus locaux. Une facture qui pourrait, le cas échéant, très vite monter puisque rien qu'un simple panneau vaut environ 200 euros. 

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