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Attentats de janvier 2015 : ce qu’il faut savoir sur le procès qui commence ce mercredi

Ce mercredi 2 septembre s'ouvre le procès des attentats de janvier 2015. La cour d'assises spéciale, qui siège d'ordinaire dans le palais de justice de l'île de la Cité, doit juger jusqu'au 10 novembre quatorze accusés, soupçonnés à des degrés divers de soutien logistique aux terroristes, auteurs des attaques qui ont fait 17 morts et terrorisé la France.

En janvier 2015, les frères Chérif et Saïd Kouachi et Amédy Coulibaly prenaient pour cibles la liberté de la presse, l'Etat et la communauté juive et abattaient au total 17 personnes, dont des piliers du journal satirique Charlie Hebdo, trois policiers ainsi que l'employé et des clients d'un magasin casher.

Un procès filmé

Sur sollicitation du parquet national antiterroriste (Pnat), le premier président de la cour d'appel de Paris a autorisé l'enregistrement de ce procès «historique». Dans son ordonnance du 30 juin, il souligne que les attaques ayant visé la rédaction de Charlie Hebdo, des policiers et le magasin Hyper Cacher «ont été les premières d'une série d'actions à caractère terroriste dans les mois qui ont suivi et qui ont endeuillé la France».

Par «le retentissement et l'émotion qu'ils ont engendrés», les attentats de janvier 2015 ont «largement dépassé les frontières» et «profondément marqué l'histoire du terrorisme national et international», selon l'ordonnance.

Les images ne sont pas diffusées en direct et sont conservées par les Archives nationales. La communication et la diffusion des enregistrements sont réglementées et ne peuvent intervenir qu'une fois la décision devenue définitive (après éventuels appel et cassation). Après cinquante ans, la reproduction et la diffusion sont libres.

Qui va être jugé ?

Les accusations les plus lourdes pèsent sur Ali Riza Polat et Mohamed Belhoucine, tous deux poursuivis pour «complicité» de crimes terroristes et encourant la réclusion criminelle à perpétuité. Mais seul Ali Riza Polat, un Franco-Turc de 35 ans, prendra place dans le box, Mohamed Belhoucine faisant l'objet d'un mandat d'arrêt.

En détention depuis mars 2015, Polat, qui avait rencontré Amédy Coulibaly dans une cité de Grigny (Essonne), apparaît «à tous les stades de la préparation» des attentats, selon les juges antiterroristes. Il est notamment soupçonné d'avoir aidé Coulibaly à se procurer l'arsenal utilisé dans les attaques de l'Hyper Cacher et de Montrouge, mais aussi celle de Charlie Hebdo, commise par les frères Kouachi. Juste après les sanglantes attaques, il avait tenté à plusieurs reprises de quitter la France, et notamment de se rendre en Syrie.

Également accusé de «complicité», Mohamed Belhoucine, ancien étudiant de l'école des mines et considéré comme le mentor d'Amédy Coulibaly avec lequel il a séjourné en prison, est soupçonné d'être l'auteur du serment d'allégeance à Daesh lu par Coulibaly dans une vidéo de revendication. Il lui aurait également ouvert le canal de communication avec un commanditaire.

Début janvier 2015, il a rejoint, avec son frère Mehdi et Hayat Boumedienne, la compagne de Coulibaly, la zone irako-syrienne. Son décès n'a pas été «officiellement démontré» selon les juges tout comme celui de son frère.

Également jugé par défaut, Mehdi Belhoucine, ancien étudiant en ingénierie mécanique, est, lui, accusé d'avoir «exfiltré» Hayat Boumedienne, juste avant les attentats, vers la Syrie, où elle a intégré Daesh.

Visés par des mandats d'arrêt, tous deux sont renvoyés pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle» et encourent vingt ans de réclusion. Hayat Boumedienne est également poursuivie pour «financement du terrorisme», pour avoir participé à des escroqueries aux véhicules afin de financer les projets terroristes d'Amédy Coulibaly, qu'elle a épousé religieusement en 2008.

Hayat Boumedienne, donnée il y a encore quelques mois pour morte, est depuis fin avril visée par une nouvelle enquête antiterroriste, une détenue du camp syrien d'Al-Hol ayant affirmé qu'elle était encore en vie en octobre 2019.

Outre Mohamed Belhoucine, deux autres accusés, Nezar Pastor Alwatik et Amar Ramdani, ont été incarcérés par le passé avec Coulibaly à Villepinte (Seine-Saint-Denis), et étaient affectés comme lui à la buanderie de la maison d'arrêt.

Pour les juges, ils ne pouvaient ignorer, comme d'autres proches du jihadiste renvoyés à leurs côtés, les «convictions islamistes radicales» d'Amédy Coulibaly et son adhésion à l'idéologie de Daesh. Ils seront jugés pour «association de malfaiteurs terroriste criminelle». Les investigations ont révélé de très nombreux contacts téléphoniques entre Coulibaly et ses ex-codétenus, ainsi que des rencontres physiques juste avant les attaques.

L'ADN de Nezar Pastor Alwatik a en outre été retrouvé sur deux armes découvertes dans un logement loué par Coulibaly et à l'intérieur d'un gant saisi à l'Hyper Cacher. Amar Ramdani est, lui, soupçonné d'avoir fait l'intermédiaire entre Coulibaly et Saïd Makhlouf, dont l'ADN a été mis en évidence sur la lanière d'un taser en possession du jihadiste dans l'épicerie casher.

Ramdani et Makhlouf s'étaient rendus plusieurs fois fin 2014 en région lilloise, d'où proviennent les armes de Coulibaly. Là-bas, ils avaient rencontré Mohamed Fares, interpellé dans ce volet armes après avoir été désigné fin 2017 dans un courrier anonyme. Selon les investigations, Fares est en lien avec deux des armes qui étaient en possession de Coulibaly, dont un fusil d'assaut.

Abdelaziz Abbad et Miguel Martinez, qui vivaient et travaillaient à Charleville-Mézières (Ardennes), d'où sont originaires les femmes des frères Kouachi, sont eux accusés d'avoir recherché des armes pour Saïd Kouachi. En lien avec Ali Riza Polat, ils s'étaient adressés à Metin Karasular et s'étaient rendus dans son garage, à Charleroi, en Belgique. Une liste recensant les prix de munitions et de détonateurs, rédigée par Polat selon une expertise, a été retrouvée dans ce garage. Metin Karasular a par ailleurs acheté à Amédy Coulibaly une Mini Cooper immatriculée au nom d'Hayat Boumedienne. 

Plusieurs déplacements entre la France et la Belgique fin 2014-début 2015, relatifs selon les enquêteurs au transport d'armes et auxquels aurait également participé Michel Catino, un ami de longue date de Metin Karasular, ont été mis au jour par la téléphonie.

Un autre accusé, Willy Prevost, a fait état d'un transport d'armes plus ancien entre Charleroi et Grigny (Essonne), dès août 2014. Willy Prevost, qui a grandi au côté de Coulibaly à Grigny, a été l'un des premiers suspects interpellés dans ce dossier, après la découverte de son ADN dans la Renault utilisée par Coulibaly pour se rendre à l'Hyper Cacher. Il a aussi reconnu avoir enlevé le traqueur GPS de la moto de l'attaque de Montrouge. Il a également acheté pour Coulibaly trois gilets tactiques, deux couteaux et un taser, accompagné d'un ami, Christophe Raumel.

La qualification terroriste a été abandonnée à l'encontre de Christophe Raumel, qui comparaîtra libre pour «association de malfaiteurs» simple. Il encourt dix ans de prison pour ce délit.

Les attentes des vicitmes

Otages d'Amédy Coulibaly et des frères Kouachi le 9 janvier 2015, Alain Couanon et Michel Catalano seront mercredi à l'ouverture du procès des attentats. Le premier par «curiosité», le second pour «tourner la page» de cinq ans de «boule au ventre» quotidienne.

Ils y seront partie civile, cinq ans après cette journée où ils se sont «vu mourir plusieurs fois» face à ces assaillants surarmés et terrifiants de «calme» et de «détermination».

«Ce n'est pas le procès de l'assassin, mais de ses complices présumés, c'est pas la même chose que si c'était quelqu'un que j'avais vu», a confié Alain Couanon, un ancien ambassadeur, entré dans l'Hyper Cacher «pour acheter du houmous» juste avant Amédy Coulibaly, qui tuera quatre clients.

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