En direct
A suivre

Lubrizol, un an après : entre inquiétudes sanitaires et exigences de sécurité

Le démantèlement de la zone touchée par l'incendie a pris fin au début du mois de septembre 2020.[Lou BENOIST / AFP]

Lubrizol. Pour l'ensemble des Français, ce nom est désormais étroitement lié au 26 septembre 2019, le jour où près de 10.000 tonnes de produits chimiques ont brûlé sur ce site de Rouen classé Seveso. Un an après, les habitants demandent toujours que les conséquences à long terme de la catastrophe soient éclaircies et surtout, exigent que des mesures soient prises pour que cela n'arrive plus jamais.

Depuis l'incendie, l'usine Lubrizol, située à cheval sur la commune de Petit-Quevilly et Rouen, ne s'est pas faite oubliée. La zone brûlée, incluant le site voisin de Normandie Logistique, a fait l'objet de travaux de nettoyage et de démantèlement conséquents, qui ont coûté quelque 20 millions d'euros.

Il a fallu nettoyer les voiries, déblayer les décombres et assainir les bassins, ce qui a nécessité l'intervention de scaphandriers. Près de 3.000 tonnes de déchets ont été évacuées. Les fûts les plus délicats, potentiellement dangereux, ont été dégagés en premier lieu, entre octobre 2019 et janvier 2020. Puis des fûts vides, de la ferraille et des boues composées de cendres, de restes d'hydrocarbure calcinés et de sable, ajouté pour les pelleter plus facilement.

Le tout dernier fût a été sorti du site le 3 septembre dernier, alors que le démantèlement avait commencé en juin. Dorénavant, Lubrizol dispose de deux mois pour faire un diagnostic du sol qui devrait être traité s'il s'avère pollué.

Les conséquences sanitaires et environnementales de la catastrophe sont encore incertaines. Le 27 février 2020, le fabricant d'additifs pour huiles de moteurs a été mis en examen pour «déversement de substances nuisibles» et pour des manquements dans l'exploitation de son usine ayant porté une «atteinte grave» à l'environnement.

Une odeur insupportable

Inquiets à l'idée d'avoir respiré le nuage de fumée noire de 22 km de long formé par l'incendie, les habitants alentours ont aussi été très incommodés par les odeurs d'hydrocarbure, jusqu'à récemment. La maire de Petit-Quevilly, Charlotte Goujon, a indiqué que le dernier épisode de gêne s'est produit le 13 août dernier, lors des «dix jours d'alerte rouge canicule».

«Les gens essayaient tant bien que mal d'aérer leurs habitations pour essayer d'avoir un peu de fraicheur mais c'était impossible parce que les odeurs étaient très très fortement présentes», explique l'édile.

De manière générale, les riverains restent très marqués par l'incendie. Une école a notamment constaté le déménagement d'une dizaine de familles, parties à cause de la proximité de l'entreprise. Une quinzaine d'autres, propriétaires, déplorent de ne pas pouvoir partir parce que leur maison «ne vaut plus rien».

La colère est telle que le collectif unitaire de Lubrizol, regroupant des syndicats et des associations de victimes et de défense de l'environnement, appelle à une manifestation pour le premier anniversaire de l'incendie, samedi 26 septembre. Il réclame notamment des mesures de sécurité plus contraignantes pour les sites Seveso, des sanctions «exemplaires» pour les industriels et un suivi médical à long terme des populations.

Le ressentiment des victimes est également dirigé contre l'Etat, épinglé par une commission d'enquête sénatoriale qui a dénoncé, le 5 juin 2020, un suivi sanitaire «à la fois tardif et incomplet» et des «angles morts inacceptables» dans la prévention des risques industriels en France.

Hier, les ministres de la Transition écologique et de l'Intérieur, Barbara Pompili et Gérald Darmanin, se sont rendus sur place afin de présenter les grands axes du plan d'actions du gouvernement, destiné à renforcer la protection des populations contre ce genre d'accidents.

Il consiste principalement à renforcer les mesures de prévention, notamment en améliorant les conditions de stockage des produits dangereux, en augmentant la disponibilité des moyens d'extinction d'incendie et en encadrant la préparation à la gestion de crise.

Concernant les conséquences à long terme de ce genre de catastrophes, le gouvernement vise l'amélioration des analyses sanitaires et environnementales qui devront être plus rapides, plus efficaces et exposées au grand public de manière plus transparente.

Les ministres ont également annoncé le déploiement, d'ici à 2022, d'un outil d'alerte par téléphone mobile, permettant d'informer la population en temps réel grâce à l'envoi massif et rapide de messages prioritaires par rapport aux communications traditionnelles. L'ensemble du territoire national sera couvert par ce dispositif qui ne nécessitera aucune installation spécifique sur les téléphones des Français.

Des contrôles plus nombreux

Cette volonté de faire preuve de plus de clarté et de pédagogie implique également de rendre publics les résultats des contrôles des sites classés d'ici 2022. D'ailleurs, ces interventions seront plus nombreuses : il est prévu que le nombre annuel d'inspections augmente de 50% d'ici à la fin du quinquennat, passant de 18.000 à 25.000. Pour faire face à ces nouvelles exigences, 50 postes d'inspecteurs seront ouverts.

Pour le député PS de Seine-Maritime Christophe Bouillon, «ce n'est pas avec 50 postes qu'on atteindra l'objectif». Il rappelle que le rapport de la mission parlementaire parle de 200 effectifs temps plein supplémentaires, tandis que la commission d'enquête du Sénat préconisait un «plan de montée en charge pluri-annuel» des effectifs.

Christophe Bouillon estime que pour les contrôles soient suivis d'effets, il faut créer un «gendarme», une autorité indépendante de contrôle des sites Seveso, sur le modèle de l'autorité de sûreté nucléaire (ASN). Une proposition qui, semble-t-il, n'a pas été retenue dans le plan d'actions du gouvernement.

Retrouvez toute l'actualité sur Lubrizol ICI

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités