Le mot était presque banni du vocabulaire des Français, depuis plusieurs mois. Mais, désormais, l’idée d’un reconfinement se répand, à mesure que les cas de coronavirus se multiplient. Le terme occupe les esprits, y compris les plus brillants.
Deux prix Nobel d’économie, Esther Duflo et Abhijit Banerjee, ont suggéré récemment «un confinement pour la période de l’Avent, du 1er au 20 décembre», afin d’éviter une vague de contaminations liée aux rassemblements des fêtes de fin d’année. Pas question, a alors répondu Olivier Véran. Mais, s’il refuse de «faire des plans sur la comète», le ministre de la Santé évoque, quand même, un «état d’urgence sanitaire localisé» qui «peut aller jusqu’à des mesures de confinement».
[#COVID19] Il nous faut donc, pour chaque territoire et en concertation avec les élus locaux, les préfets et les Agences régionales de santé, prendre les mesures adaptées, celles qui permettront de poursuivre la vie économique, culturelle et sociale pic.twitter.com/mgIuIZTFnJ
— Ministère des Solidarités et de la Santé (@MinSoliSante) September 23, 2020
Les propos d’Olivier Véran rappellent ceux de Jean Castex, sur le plateau de «Vous avez la parole» sur France 2, le 24 septembre. «Si nous n’agissons pas, on pourrait se retrouver dans une situation proche de celle du printemps (…) Ça pourrait vouloir dire reconfinement», avertissait le Premier ministre.
Une telle décision dépend notamment du nombre de lits disponibles, surtout dans les services de réanimation. Or, le point épidémiologique national de Santé publique France du 24 septembre, fait état d’une «augmentation exponentielle des admissions en réanimation». La zone d’alerte concerne 69 départements et les grandes villes telles que Paris ou Lyon sont même en zone d’alerte renforcée, voire maximale pour Marseille.
Sept médecins réclament donc des mesures sanitaires «drastiques» dans une tribune publiée dans le Journal du dimanche (JDD). Bruno Megarbane, chef du service réanimation du CHU Lariboisière à Paris et signataire, explique : «Ce deuxième pic s’annonce à l’entrée de la saison froide, avec tous les problèmes de santé qui vont avec. En temps normal, les hôpitaux sont déjà en flux tendu à cette période. Si, en plus, les patients Covid sont trop nombreux, il faudra sans doute réduire l’offre de soins pour faire face».
Nous avons appris du virus et nous nous sommes organisés pour pouvoir mobiliser jusqu’à 12 000 lits de réanimation. Mais cette mobilisation demande de déprogrammer d'autres soins. Nous devons tous l'avoir en tête et l’éviter au maximum, pour la santé des Français. #LeGrandJury
— Olivier Véran (@olivierveran) September 27, 2020
Un tel engorgement des services hospitaliers serait alors propice à un reconfinement, auquel les Français semblent s’être préparés. Dans un sondage du JDD, 72% des interrogés se disent prêts à respecter un reconfinement d’au moins quinze jours.
Selon cette enquête, l’idée reste toutefois rejetée par les partisans du RN, de LFI et de l’UDI, ainsi que par les catégories modestes, les non-diplômés et les artisans et commerçants. L’argument économique est source d’inquiétude pour 86% des Français interrogés.
Le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a récemment estimé que le reconfinement mènerait à un «effondrement de l’économie». Il redoute une «génération Covid» sacrifiée, victime du chômage et de la «casse sociale».
Avec les récentes restrictions concernant les bars, restaurants et salles de sport, le gouvernement tente justement d’éviter le reconfinement. Bruno Megarbane pense aussi qu’il ne doit être envisager qu’en «dernier recours». Selon lui, l’épidémie peut régresser si «plus de 85% des Français appliquent strictement les gestes barrières et l’isolement des cas contacts». Autrement dit : «c’est entre nos mains».