En direct
A suivre

Manifestations contre la loi sécurité globale : pourquoi assiste-t-on à des violences chaque samedi ?

Forces de l'ordre et casseurs se sont encore affrontés samedi 5 décembre.[Anne-Christine POUJOULAT / AFP]

Vitrines explosées, voitures calcinées, barricades dans les rues et policiers agressés au cocktail Molotov. Les manifestations contre la loi sur la sécurité globale plongent Paris, et dans une moindre mesure certaines autres villes françaises, dans un déchaînement de violences depuis deux samedis. De quoi s’inquiéter du retour d’une habitude amplifiée durant la période gilets jaunes ?

Les images de commerces ravagés ou d’agences bancaires vandalisées ont logiquement fait écho aux week-ends noirs connus de la fin 2018 à l’automne 2019. Ils avaient été marqués par des samedis opposant des casseurs, souvent issus des «black bloc» (mais pas seulement), aux forces de l’ordre.

Le risque pour le gouvernement est donc grand de voir le mouvement né de l’opposition à la loi sur la sécurité globale, et plus précisément son article 24, se transformer petit à petit en rendez-vous hebdomadaire. D’autant que le contexte social s’y prête. «La société est divisée, elle se polarise entre différents camps et l’idée de trouver un consensus entre tous disparaît», analyse ainsi Cédric Mas, président de l’institut Action Résilience. «La tension est là, et depuis longtemps. Les gilets jaunes étaient déjà les successeurs de mouvements comme Nuit debout ou contre la loi travail (2016). A chaque fois, de nouvelles protestations s’agrègent et se nourrissent des précédentes».

«une colère et une haine réciproque entre manifestants et policiers»

Le problème, selon lui, est que cet «empilement de la colère, avec des personnes de moins en moins modérées», se heurte à un cul-de-sac. Les manifestants ne se sentent pas écoutés et, puisqu’ils s’estiment légitimes en défendant, selon eux, la cause juste, ils multiplient les actions. En face, les forces de l’ordre sont utilisées pour défendre le pouvoir, plutôt que pour servir d’entre-deux, le temps que le dialogue se fasse.

«Les policiers ne font plus du maintien de l’ordre, mais du rétablissement de l’ordre. On les a mis dans une position où ils sont obligatoirement dans un camp, faisant des manifestants des ennemis». Le problème étant que les choses se sont désormais tellement dégradées qu’il existe «une colère et une haine réciproque entre manifestants et policiers». Ces derniers ne pourraient plus surveiller tranquillement un cortège, sans être pris à partie ou agressés.

«l’impasse tactique» des fins de manifestation

Reste le problème des casseurs et des black bloc, qui n’ont pas hésité samedi à jeter des cocktails Molotov sur les forces de l’ordre ou à utiliser sur eux des lasers aveuglants, dont les effets peuvent être irréversibles. Des éléments rendant impossibles un retour à l’apaisement. «Des gens sont juste là pour créer le chaos, pour casser du flic», reconnaît Cédric Mas. «Mais des casseurs, il y en a toujours eu», reprend-il. «Ce qu’il faut comprendre aujourd’hui, c’est pourquoi les manifestants, et parfois même des groupes de journalistes, leur servent de protection». Et de pointer «l’impasse tactique» dans laquelle se trouvent les forces de l’ordre, pour gérer les fins de manifestation. Lors de ces moments critiques, l’impossible communication entre les deux «camps» se traduit le plus souvent en agressions envers les policiers et actes de vandalisme d’un côté, et jets de gaz lacrymogène et interventions musclées sans discernement de l’autre, estime-t-il.

Reste que de telles confrontations risqueraient bien de se multiplier semaines après semaines autour de la loi sur la sécurité globale, accumulant sans cesse les rancœurs et faisant le lit des futurs affrontements lors de prochains conflits sociaux. Un cercle vicieux dont il semble bien difficile de sortir.

Retrouvez toute l'actualité concernant les manifestations ICI

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités