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Reconfinement : faut-il fermer les écoles ?

Depuis la fin du premier confinement, la France fait figure d'exception en refusant de fermer à nouveau les écoles, afin de limiter les décrochages scolaires et les conséquences psychologiques. Mais ces derniers jours, le pays fait face à une inquiétante augmentation des cas dans les établissements scolaires.

En une semaine, le nombre de contaminations chez les élèves est passé de 9.000 à plus de 15.000. Au total, 80 établissements scolaires (63 écoles, 11 collèges et 6 lycées) et plus de 2.000 classes sont fermés en raison de cas confirmés, soit 0,4% des classes en France. Début mars, un peu plus de 500 structures étaient fermées. Ce chiffre a donc été multiplié par quatre en trois semaines.

Quant au taux d'incidence, il ne cesse d’augmenter depuis le début du mois de mars. Chez les enfants âgés de moins de 10 ans, il est passé de 91 à 167 nouveaux cas pour 100.000 habitants, en sachant que le seuil d’alerte fixé par les autorités sanitaires est de 50. Et pour la tranche d'âge des 10-19 ans, il s’élève à 388 pour 100.000 jeunes, contre 250 il y a deux semaines.

Si on se penche sur les régions les plus touchées et actuellement confinées, comme par exemple l'Ile-de-France, les indicateurs sont encore plus préoccupants. Au 24 mars, dans la région, le taux d’incidence affiche 685 cas pour 100.000 adolescents, tandis qu’il frôle la barre des 500 dans les Hauts-de-France (483).

Malgré ces données, la plupart des experts s'accordent à dire que la fermeture des écoles ne s’impose pas, à l'image de l’épidémiologiste Martin Blachier. «Si on regarde les tendances, on a atteint un pic des contaminations à la fin de la semaine dernière», confirme-t-il.

«on peut contrôler l’épidémie sans fermer les écoles»

Toutefois, les mesures prises récemment pour freiner l’épidémie dans les départements les plus touchés «vont être efficaces». «Elles peuvent suffire à passer en phase décroissante, et tout particulièrement en Ile-de-France, où il y a eu un exode».

Selon le spécialiste, «on peut largement contrôler l’épidémie sans fermer les écoles. Je ne vois pas pourquoi on devrait les fermer aujourd’hui, alors qu’on ne l'a pas fait en novembre, quand il y avait une vague beaucoup plus violente», souligne-t-il.

De plus, «on ne va pas prendre une telle décision avant même d’avoir pu observer l’impact des mesures qui viennent d’être mises en place. Il faut se calmer et analyser les chiffres en ayant un peu plus de recul», poursuit le Dr Blachier, qui explique que cette dynamique n’est pas liée au variant britannique, mais à un relâchement dans les comportements.

Quant à l'hypothèse d'un avancement des vacances scolaires, «c’est tout ce qu’il ne faut pas faire» si on veut limiter la propagation du virus, estime-t-il. Et pour cause, «c’est justement cela qui a probablement poussé la vague épidémique en février».

Pour Jean-François Toussaint, professeur de physiologie à l'Université de Paris, ces chiffres ne justifient pas non plus la fermeture des écoles. «Si on a une hausse du nombre de cas positifs dans les écoles c’est parce que le nombre de tests réalisés chaque jour ne cesse d’augmenter.»

«les jeunes ne sont pas concernés par la mortalité»

Et on ne peut pas fermer les établissements en se basant uniquement sur cet indicateur. Ce n’est pas le nombre de contamination, mais le nombre de décès et de jeunes admis en réanimation qu’il faut prendre en compte, «c’est la principale clé de lecture pour analyser la gravité de la situation».

Or, «on n’a pas de critères de sévérité chez l’enfant et les adolescents. Il n’y pas d’effets majeurs dans les réanimations et ce ne sont pas les jeunes qui sont concernés par la mortalité.» Que ce soit de manière nationale ou territorialisée, «ce n’est pas en faisant cela que l’on va stopper l’épidémie et régler le problème de l’organisation des soins et de la tension hospitalière. C’est un faux débat.»

Sans compter qu’en obligeant les élèves à étudier à la maison, «il y aurait des conséquences psychologiques très graves sur les enfants et les adolescents», déjà fragilisés par cette crise sanitaire qui dure depuis plus d’un an. Quant aux enseignants, ils vont pouvoir se faire vacciner contre le Covid-19 à partir de la mi-avril, a annoncé le gouvernement, et «la solution elle est là», ajoute le spécialiste.

D'autre part, une étude de l’Institut Pasteur montre que les instituteurs sont moins à risque que la population générale, note l'épidémiologiste Judith Mueller, «certainement car ils respectent rigoureusement le protocole sanitaire sur leur lieu de travail, mais c’est une donnée très importante».

«La situation est inquiétante, mais la question que l’on doit se poser, c’est "qu’est-ce que cela va apporter ?". Et la fermeture des écoles n’aura probablement pas un effet assez important sur la courbe épidémique», explique l'experte, professeure à l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP).

Selon elle, «il existe d’autres options qui seraient plus efficaces que la fermeture totale des écoles comme le durcissement du protocole dans les cantines, principal lieu de contamination, ou encore diviser toutes les classes en deux groupes».

«la dernière mesure à prendre»

Dans la situation actuelle, pense lui-aussi le professeur de pédiatrie et infectiologie à l’hôpital intercommunal de Créteil Robert Cohen, «fermer les écoles c’est la dernière mesure à prendre». Si on instaure un confinement strict, comme en mars 2020, «avec un immense programme de vaccination, bien sûr qu’il faudra la prendre», mais pour l’heure, insiste-t-il, «pour nous c’est la dernière variable d’ajustement».

Dominique Costagliola, membre de l'Académie des sciences et directrice de recherche à l'Inserm, y est au contraire favorable. «Si on ne fait pas quelque chose dans les lycées, voire dans les collèges, on va dans le mur», a-t-elle assuré auprès de LCI ce jeudi 25 mars.

«Dans beaucoup des écoles, les personnels sont eux-mêmes cas contact et/ou positifs et ne peuvent pas venir. Et comme il n’y a pas toujours de remplaçants, on est obligés de brasser les classes», ajoute la professeur, qui estime que la situation est «vraiment absolument incompatible avec le variant anglais», jugé plus contagieux que le virus initial.

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