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Crack à Paris : l'impossible choix des emplacements pour accueillir de nouvelles «salles de shoot»

Les Parisiens se mobilisent contre l'ouverture de salles d'accueil pour les toxicomanes. Les Parisiens se mobilisent contre l'ouverture de salles d'accueil pour les toxicomanes. [© THOMAS COEX / AFP]

Pendant que la situation se dégrade de jour en jour autour des Jardins d'Eole (18e) à cause de la présence en masse de toxicomanes en errance, la mobilisation des riverains ne désemplit pas dans les quartiers où la maire de Paris, Anne Hidalgo, a proposé d'ouvrir des salles d'accueil et de repos. Pourtant, l'urgence de trouver une solution se fait sentir.

«Les évacuations, qui calment les riverains mais mettent à feu et à sang un quartier voisin, ce n'est plus possible», s'est ainsi exprimée l'adjointe à la mairie de Paris chargée de la santé, Anne Souyris, dans le JDD ce week-end. Et si celle qui accompagne Anne Hidalgo dans la gestion de ce dossier épineux s'est dite «satisfaite» de l'accord du Premier ministre Jean Castex pour «la création de nouveaux lieux dédiés à l'accueil et au repos» à destination des toxicomanes, elle a néanmoins admis qu'il faudrait «faire de la pédagogie» pour faire accepter ce projet.

Le problème insoluble de l'emplacement

Et le principal problème reste l'emplacement de ces nouveaux lieux d'accueil. Car même le riverain qui milite pour l'accueil de ces consommateurs de crack en grande déshérence ne sera pas forcément ravi d'apprendre que l'une de ces salles ouvre en bas de chez lui, ou près de l'école de son enfant. En réfléchissant ainsi, le problème est insoluble car Paris est une ville ultrarésidentielle, parsemée de 760 écoles et 822 crèches. La seule et unique salle de consommation à moindres risques (SCMR) parisienne, située rue Ambroise Paré (10e), se trouve par exemple à moins de 400 mètres d'une école maternelle et primaire.

Ce week-end encore, plusieurs mobilisations de riverains ont eu lieu à Paris, sur les Grands Boulevards (10e) notamment, où la municipalité a identifié deux lieux «en sous-sol» – qui pourraient faire office «de lieux d'accueil de nuit» – pour accueillir les toxicomanes. Même les riverains de la rue Pelleport – qui ont obtenu satisfaction avec l'abandon du projet d'implantation d'une nouvelle salle de consommation à moindres risques (SCMR) au 172 de la rue – ne semblent pas rassurés pour autant, craignant qu'une nouvelle soit trouvée rapidement.

un centre d'accueil à Bonne Nouvelle

Les élus restent pourtant déterminés, et font bloc autour d'Anne Hidalgo, afin d'identifier tous les sites disponibles dans lesquels pourraient ouvrir rapidement ces salles d'accueil. Cet été, ils ont donc identifié «près de 35 emplacements» pour n'en retenir que 5 (dont celui de la rue Pelleport désormais écarté). Dans le 10e, deux sites ont été identifiés dont l'un d'entre eux pourrait ouvrir très prochainement, «proche de la station Bonne Nouvelle» selon la maire de l'arrondissement, Alexandra Cordebard.

Dans un courrier adressé à ses administrés ce week-end, l'élue socialiste a justement voulu faire de la pédagogie, expliquant qu'il était «envisagé d'y accueillir un dispositif médical et social de prise en charge des usagers de crack déjà présents dans le quartier, aussi bien en surface que sur les lignes 8 et 9 du métro». Elle se veut aussi rassurante : non, aucune nouvelle «salle de shoot» n'ouvrira dans le 10e, mais oui, il faut «agir et trouver des solutions coordonnées». «Le choix qui s'offre à nous est simple : laissons-nous des hommes et femmes en souffrance errer dans nos quartiers [...] ou bien décidons-nous d'inventer de nouveaux outils pour les accueillir ?», a-t-elle écrit.

Un discours officiel qui cache une autre réalité : celle du manque de transparence et de communication de la part de la mairie de Paris, confrontée au mécontentement des élus d'opposition et des riverains qui apprennent tout «par voie de presse». Même la lettre de la maire Anne Hidalgo adressée au Premier ministre Jean Castex au sujet des «4 solutions» a «fuité», selon son équipe, et «n'aurait jamais dû sortir». Pire, avant que le chef du gouvernement dise non au projet d'accueillir des toxicomanes dans l'ancienne école de la rue Pelleport (20e), personne ne savait exactement ce qu'était le projet.

Une parole politique qu'il convient en effet «d'unifier», souligne une proche d'Anne Hidalgo, qui espère que l'Etat daignera se mettre rapidement autour de la table pour avancer sur le sujet. Ça suffit, selon elle, «d'accuser la maire de Paris de faire empirer la situation [...] sur des compétences de sécurité, de santé et de réduction des risques qui relèvent exclusivement du domaine de l’Etat». A voir si le feu vert du gouvernement va maintenant faire accélérer les choses. L'adjointe à la santé Anne Souyris garde espoir : «Nous avançons enfin vers une solution pérenne».

Les Jardins d'Eole abandonnés ?

En attendant, la situation est toujours aussi tendue depuis l'évacuation fin juin dernier des Jardins d'Eole (18e). Tous les jours, les toxicomanes s'installent et campent le long de ce jardin public, rue d'Aubervilliers et rue Riquet, rendant infernale la vie des habitants du quartier. Récemment, le maire du 19e, François Dagnaud, a demandé une nouvelle évacuation du site au préfet de région. Même à la préfecture de police de Paris, on juge «urgent d'évacuer les toxicomanes qui s'y rassemblent car la situation actuelle ne pourra pas tenir jusqu'à la mise en place de salles de prise en charge».

Quant aux riverains des Jardins d'Eole, ils continuent de manifester inlassablement, tous les mercredis soirs. «Il y a du trafic de drogue 24h/24h 7j/7j sur le pont Riquet. Deals, prostitutions, agressions, zone de non-droit... Nous avons signalé ces faits à plusieurs reprise mais rien n'est fait», déplore le collectif Stop Crack Eole, qui réclame «en urgence l'évacuation des toxicomanes». «S'il y a une évacuation du jardin d'Eole et rien derrière, c'est l'échec assuré», avait pourtant prévenu Anne Souyris, en juin dernier.

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