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L'édito d'Eugénie Bastié : «Cessons de stigmatiser la Pologne !»

Dans son édito de ce 13 octobre, Eugénie Bastié, journaliste au Figaro, revient sur les relations tendues entre la Pologne et l'Union Européenne.

Pour Nathalie Loiseau, la Pologne est sortie de l’ordre juridique européen. Le journal Le Monde s’alarme dans un édito d’une attaque contre les «valeurs fondamentales de l’état de droit». Décision « gravissime » selon le secrétaire d’état Clément Beaune. La Commission envisage de geler des transferts financiers dans le cadre du plan de relance post-Covid. Tous ces commentateurs font mine de s’affoler d’un retour des heures sombres, alors que la décision polonaise n’a rien d’inédit.

Comme le rappelait Jean-Eric Schoettl dans le Figaro hier, la cour allemande de Karlsrhue a fait la même chose en mai 2020 en affirmant la supériorité de la loi allemande sur le droit européen lorsque celui-ci outrepasse les traités ne matière budgétaire. Les différences de réaction envers l’Allemagne et la Pologne montrent bien le mépris dans lequel l’Europe de l’Ouest tient les petites nations d’Europe de l’Est. Celles-ci pourtant ne sont pas anti-européistes : au contraire, elles sont rejointes avec joie l’Europe après des décennies d’impérialisme soviétique : ce n’est pas aujourd’hui pour se voir imposer une autre forme d’impérialisme, cette fois-ci juridique. Elles veulent rester maitresses de leur destin et souveraines.  Et ce n’est pas la fuite en avant punitive qui permettra de contrer cette aspiration.

A quelques mois de la présidentielle, cette décision polonaise vient mettre au cœur du débat une question décisive : la marge de manœuvre des gouvernements nationaux face à des normes supranationales qui brandissent des principes moraux désincarnés et ne prêtent aucunement attention à la réalité charnelle des états nations.  Ce que le président polonais Kaczynski appelle « l'impossibilisme légal », c’est-à-dire le désarmement de l’état par des cours suprêmes qui ne sont pas le réceptacle de la volonté populaire.

Ce resserrement de la capacité d’agir est notamment patent sur la question migratoire. D’ailleurs en France pas moins de six candidats à la présidentielle proposent un référendum sur l’immigration, qui permettrait précisément d’échapper à cette tenaille. Parmi eux, Michel Barnier, le candidat LR européiste repenti  a pourtant critiqué lui aussi la Pologne, affirmant : « Le Conseil européen doit demander aux polonais: oui ou non, voulez-vous rester dans l'UE ? »

Et ce alors qu’il vient de proposer dans le cadre de la primaire un bouclier constitutionnel qui permettrait d’affirmer la supériorité du droit national sur le traité européen en matière migratoire. Soit exactement ce qu’ont décidé les juges polonais ! Souverainiste en France, européiste pour les autres ? On le voit, la décision polonaise met en lumière les contradictions de la droite française qui n’ose pas sortir des clous imposés par Bruxelles. Le rapport entre action politique et état de droit sera au cœur du débat de la présidentielle.

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