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Affaire Orpea : ce qu'il faut retenir du rapport d'enquête rendu public ce mardi

Image d'illustration prise dans un Ehpad à Mauriac. Nourriture jugée «insuffisante», documents financiers qualifié d'«insincères»... La liste des torts reprochés au groupe Orpea est longue. [© Thierry ZOCCOLAN / AFP]

Un pavé de 500 pages. Finalement rendu public ce mardi 5 avril par le gouvernement, le rapport d'enquête sur Orpea révèle les lourds dysfonctionnements qui existent au sein de ce groupe privé d'Ehpad, mis en cause par le livre-enquête Les Fossoyeurs.

Nourriture jugée «insuffisante», documents financiers qualifié d'«insincères», excédents budgétaires dégagés sur les dotations publiques... La liste des torts reprochés au groupe Orpea est longue, selon ce rapport commandé en février aux inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) et désormais disponible sur le site du ministère de la Santé.

la Priorité donnée à la performance financière

Selon les inspecteurs de l'Igas et de l'IGF, «le dépassement de la capacité d’accueil autorisée» a été identifié «dans 11 % des EHPAD du groupe en 2019». Et ce, notamment parce que le «pilotage» des établissements du groupe Orpea «donne la priorité à la performance financière» plutôt qu'à des critères de qualité.

Une performance financière qui se matérialise, selon le rapport, «par une pression continue» sur «les directeurs d'établissement(s). Concrètement, ces derniers reçoivent des «consignes explicites visant à ne pas remplacer tous les postes dans des EHPAD pourtant en situation d’occupation maximale».

Autre exemple : celui du manque de nourriture. Selon les inspecteurs, «les grammages utilisés par les cuisiniers des EHPAD Orpea sont significativement en-deçà des recommandations de références pour les personnes âgées pour les aliments protéiques», et ce, «jusqu’à 42 % pour la viande», souligne le rapport.

Un «sous-calibrage pour un nombre significatif d’aliments» qui «peut suggérer des apports énergétiques insuffisants pour les résidents», peut-on lire dans le rapport. De son côté, Orpea a répondu que les menus étaient «élaborés par une nutritionniste et un gériatre» et que le grammage seul «ne permettait pas d'apprécier les apports totaux en protéines et calories».

Pour autant, la situation est qualifiée de «plus favorable au niveau des matériels». Les inspecteurs n'ayant par exemple «pas constaté de rationnement sur les protections hygiéniques, contrairement à ce que Victor Castanet avait relevé dans son livre-enquête Les Fossoyeurs (Ed. Fayard).

Des documents financiers «insincères»

Sur le plan comptable, «les documents financiers obligatoires transmis aux tutelles par les Ehpad sont insincères» et ne respectent pas la réglementation, selon le rapport.

Sur la période 2017-2020, Orpea a ainsi dégagé 20,1 millions d'euros d'excédent sur les dotations versées par les pouvoirs publics pour prendre en charge les soins et la dépendance de ses résidents âgés.

Or, comme le pointe le rapport, seuls 6,8 millions d'euros sur ces 20,1 millions d'excédent «ont été effectivement dépensés par Orpea conformément au code de l’action sociale et des familles». «Le reste ayant servi à des dépenses non-conformes ou à la constitution d’excédents».

Pire, ces excédents «ne font l'objet d'aucun suivi comptable précis», si bien qu'une partie pourrait, «le cas échéant», avoir été «distribuée aux actionnaires», selon les inspecteurs.

En outre, sur la même période, l'entreprise a irrégulièrement imputé sur le forfait «soins» 50,6 millions d'euros de dépenses, selon l'Igas et l'IGF. Plus de la moitié de cette somme concerne la rémunération des auxiliaires de vie «faisant fonction» d'aides-soignantes, alors même qu'elles n'ont pas de diplôme pour exercer ce métier.

«Une grande majorité d’établissements (90,7 % en 2021) s’est vu donner sur les exercices 2017 à 2021 un objectif de dépenses sur les forfaits soins et dépendance inférieur aux recettes prévisionnelles, et a donc prévu un excédent, dès le budget prévisionnel, sur les financements publics», dénonce le rapport, pour qui Orpea organise ainsi «la mise en réserve d’une partie des forfaits soins reçus par les EHPAD».

En réponse, le groupe Orpea assure que cette pratique ne relève pas d'une «stratégie délibérée d'optimisation des fonds publics» mais traduit la «réalité complexe» de l'ensemble du secteur, confronté à d'importantes difficultés de recrutement. Sur les 50,6 millions d'euros mis en cause par les auteurs de l'inspection, 46 millions ont été correctement comptabilisés d'après Orpea, qui reconnaît néanmoins «des erreurs à hauteur du solde» de 4,6 millions d'euros. Soit 0,3 % des dotations «soin et dépendance» perçues.

Des commissions octroyées par les fournisseurs

Le rapport confirme, par ailleurs, ce qu'avait révélé Victor Castanet sur des «commissions» octroyées à Orpea par ses fournisseurs. «La requalification des commissions perçues sur les achats en remises de fin d’années (RFA) confirmerait en outre la remontée dans le compte de résultats du groupe de 13 à 18 millions d'euros de fonds publics initialement destinés à couvrir les dépenses de soins et de dépendance des EHPAD sur la période 2017-2020», souligne le rapport.

Des montants «indûment remontés dans le compte de résultat d'Orpea» selon les inspecteurs, qui ont découvert que le groupe conservait cet argent sur ses comptes bancaires, alors que les fournitures étaient intégralement financées par de l'argent public. Pour Orpa, ces remises sont présentées comme le prix payé par les fournisseurs pour des «prestations de service», mais les inspecteurs estiment «douteux» le contenu de ces prestations.

Enfin, et de manière générale, les auteurs du rapport mettent en cause l'organisation très centralisée du groupe, qui laisse une très faible marge de manœuvre aux directeurs d'établissements. Même le signalement aux autorités des «événements indésirables graves» est par exemple filtré par le siège de l'entreprise, pointent du doigt les inspecteurs.

Parmi les faits les plus notables, l'on compte tout de même «la présence d'une arme à feu dans la chambre d'un défunt», «une disparition de bijoux» ou encore «une chute ayant donné lieu à un dépôt de plainte». Autant d'«événements indésirables graves» passés sous silence par Orpea.

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