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Le père de la saga Final Fantasy, Hironobu Sakaguchi, revient sur sa carrière et ses envies

CNEWS a rencontré Hironobu Sakaguchi au festival Magic, qui s'est déroulé à Monaco fin février. [© Nicolas Cailleaud/CNEWS]

Hironobu Sakaguchi, père de la saga Final Fantasy et du récent Fantasian, s'est confié à CNEWS autour de sa carrière et de ses envies. Une véritble légende venue fin février à Monaco, dans le cadre du festival de pop culture Magic.

Hironobu Sakaguchi compte parmi les grands noms de l'industrie du gaming. Tout juste âgé de 60 ans, le démiurge derrière la création de la saga Final Fantasy était l'un des presitigieux invités du festival Magic à Monaco fin février dernier. CNEWS l'a rencontré avant cet évènement afin de revenir sur sa carrière qu'il a commencée dès 1983, à une époque où tout semblait permis pour les créateurs.

Vous faites partie de cette première génération qui a développé des jeux vidéo au Japon. Il n'y avait à cette époque personne pour vous former, ni partager une expérience. Quels souvenirs en gardez-vous ?

Hironobu Sakaguchi : Il est vrai qu'à cette époque je n'avais pas de «senpai», c'est-à-dire d'aîné, et nous n'étions qu'entre personnes du même âge (j'avais 20 ans). Nous étions une dizaine de personnes de la même génération chez Squaresoft (devenu depuis Square Enix). 

L'aspect positif de cette époque, c'est qu'il n'y avait personne pour nous gronder, ni pour nous faire de remontrances. Par exemple, quand on était bloqué sur quelque chose, on se disait «allez, on fait un tournoi de jeux !», alors on se regroupait et puis on jouait... Il y avait cette grande liberté. C'était un peu une ambiance étudiante.

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© Nicolas Cailleaud/CNEWS

Avec le recul, aujourd'hui, comment voyez-vous cette industrie ? Y a-t-il autant de liberté qu'à vos débuts selon vous ?

Effectivement depuis quarante ans, le milieu du jeu vidéo a beaucoup grandi. Mais il faut garder en tête que ça reste du divertissement et si en tant que créateur, on n'a pas toujours le même enthousiasme, ni la même envie de créer, je crois que les joueurs le ressentent. Donc, plus on garde cet enthousiasme, plus on arrive à se nourrir de ça. Je pense que je suis toujours dans le même état d'esprit, je garde ces mêmes émotions. Même si parfois c'est difficile.

C'était vraiment un choc culturel et je ne dormais plus.Hironobu Sakaguchi

Je crois savoir que vous étiez très fan de RPG européens et américains lorsque vous étiez jeune ? Est-ce vrai ? Et à quels jeux jouiez-vous dans votre jeunesse juste avant de commencer à travailler pour Squaresoft ?

Le premier contact que j'ai eu avec les jeux vidéo, c'était avec l'ordinateur Apple II. Mais je n'avais pas assez d'argent pour en acheter un vrai. Et il se trouve qu'à Akihabara [NDR le quartier branché nouvelles technologie de Tokyo], il y avait un Apple II pirate. Je l'ai acheté. Il faut savoir que c'était un appareil à bidouiller soi-même et sur cette machine, j'ai joué sur Wizardry et Ultima 2. En fait, quand j'y ai joué, je me suis pris une claque. C'était vraiment un choc culturel et je ne dormais plus. Et ça a vraiment été ça qui a eu un gros impact sur moi.

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© Nicolas Cailleaud/CNEWS

Vous faites partie des grands noms du jeu vidéo, mais peu de gens savent que vous souhaitiez devenir musicien avant de vous lancer dans la création de jeu. Qu'est-ce qui vous a fait basculer dans l'industrie naissante des jeux vidéo à cette époque ?

En fait, j'ai arrêté la musique parce que je me suis simplement dit que je n'avais pas forcément le talent pour. Quand j'avais une vingtaine d'années, j'avais un pote de fac, Hiromichi Tanaka, avec qui par la suite j'ai continué à travailler dans les jeux vidéo. Et bien il faut savoir qu'à l'époque, j'avais un appartement d'étudiant mais je n'avais pas de baignoire. Et j'allais régulièrement chez lui pour lui emprunter sa baignoire et prendre des bains. Mais c'est aussi chez lui que j'ai découvert l'Apple II et c'est là que mon destin a basculé.

[La traductrice Sahé Cibot précise qu'au Japon, le bain est un rite habituel. «Tous les soirs on prend un bain pour se délasser de la journée. Donc ne pas prendre de bain, peut créer du stress.»]

Quel souvenir le plus précieux gardez-vous de votre travail chez Square Enix ?

Il y a forcément beaucoup de souvenirs, des bons comme des mauvais. Mais si je devais en garder un plus que d'autres, ce serait ma rencontre avec Nasir Gebelli, qui était un développeur de jeux de shooting 3D. Et j'ai pu travailler avec lui pour développer le tout premier Final Fantasy (photo ci-dessous).

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© Square Enix

Vous avez toujours eu la volonté d’innover dans vos jeux et le récent Fantasian sur Apple Arcade en témoigne. Comment travaillez-vous lorsque vous décidez du concept d’un jeu ? Pensez-vous d’abord à une idée de gameplay, une direction artistique particulière, ou bien est-ce d’abord l’histoire qui prime et le reste vient ensuite ?

Alors quand il s'agit d'un tout premier jeu, qu'il ne s'agit pas d'une suite, je commence toujours par développer l'aspect visuel. Puis, je me penche surtout sur la manière dont les personnages vont se déplacer et comment les joueurs les manipulent. Ensuite, je travaille sur le scénario. En revanche, quand on est dans la logique d'une série et que je me penche sur un deuxième jeu, je vais travailler davantage l'univers et le scénario. De là, je vais parfois retravailler certains visuels et certains déplacements.

Si je devais créer quelque chose avec la réalité augmentée (...) il s'agirait de créer peut-être quelque chose de vraiment nouveau.Hironobu Sakaguchi

Vous avez touché à tous les types de plates-formes (smartphones, consoles, PC) pour développer vos jeux. Êtes-vous intéressé par la réalité virtuelle ou encore la réalité augmentée pour de prochains titres ?

Bien sûr, je me suis intéressé très tôt à la VR. J'ai même acheté des casques pour jouer et expérimenter. Pour ce qui est de la réalité augmentée, il y n'a pas encore de hardware puissant ni vraiment de jeux, mais finalement c'est presque cette technologie qui m'intéresse le plus. Si je devais créer quelque chose avec la réalité augmentée, il ne s'agirait pas tout à fait de créer un jeu, mais peut-être quelque chose de complètement nouveau. Pour l'heure, je n'ai pas de projet dans la réalité augmentée, mais un jour peut-être...

A quel jeu jouez-vous le plus actuellement ?

En fait, je joue au MMORPG Final Fantasy XIV. C'est un jeu connu. Cela fait peut-être un peu plus d'un an que j'y joue tous les jours. J'y joue d'ailleurs plus que je ne travaille, et là mon staff commence à me gronder un peu. J'adore les MMORPG à la base et j'avais demandé à ce qu'à partir de Final Fantasy XI on en fasse un MMO. Et en même temps, je ne voulais pas y jouer, parce que je me suis dit qui si je commençais à jouer, je ne pourrais plus m'arrêter. Sauf qu'un jour, on m'a demandé de faire une conférence avec monsieur Naoki Yoshida, qui est l'un des réalisateurs de Final Fantasy XIV. Et donc je me suis dit «bah si je fais une conférence, il faut quand même que j'étudie le truc sinon ça va pas être sérieux». Donc j'ai commencé à jouer et je n'arrive plus à m'arrêter...

Quels conseils donneriez-vous si vous pouviez vous adresser au Hironobu Sakaguchi de 20 ans ?

Votre question est amusante car il existe au Japon une émission de télé qui consiste à envoyer un message à soi-même lorsqu'on avait 20 ans. Du coup, je me dirais : «Sache que tu vas avoir une fille unique et que le jour de son mariage tu vas être tellement ému que tu vas te péter la gueule !» Effectivement, je commençais à avoir des larmes aux yeux et du coup il y a un genou qui m'a un peu lâché. Mais c'est un souvenir agréable.

Merci à Sahé Cibot de Shibuya Productions pour avoir assuré la traduction simultanée de cet entretien.

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