En direct
A suivre

Thuli Madonsela, la Dame de fer sud-africaine qui ose réclamer des comptes au président

Thuli Madonsela, la médiatrice sud-africaine, engagée dans un implacable bras de fer contre le président jacob Zuma, photographiée à son bureau le 28 aout 2014 à Pretoria [Gianluigi Guercia / AFP] Thuli Madonsela, la médiatrice sud-africaine, engagée dans un implacable bras de fer contre le président jacob Zuma, photographiée à son bureau le 28 aout 2014 à Pretoria [Gianluigi Guercia / AFP]

Seule face à tout l'appareil d'Etat, la médiatrice sud-africaine Thuli Madonsela incarne aux yeux de nombres de ses compatriotes les valeurs de la jeune démocratie fondée par Nelson Mandela, depuis qu'elle a engagé un implacable bras de fer contre le président Jacob Zuma lui-même.

L'affaire qui fait de cette femme de 51 ans une héroïne des journaux libéraux et des réseaux sociaux est la rénovation de la résidence privée du chef de l'Etat, aux frais du contribuable, pour un montant de 24 millions de dollars. Sous couvert de travaux de sécurité, l'architecte a construit une piscine, un amphithéâtre, un enclos pour le bétail et... un poulailler.

Mme Madonsela a non seulement dénoncé le scandale, dans un rapport explosif, mais elle a sommé le chef de l'Etat de rembourser les sommes indûment dépensées. Et elle s'attire désormais les foudres du gouvernement, du parlement et de l'ANC, le tout-puissant parti au pouvoir.

Dotée du titre officiel de "Public Protector", cette mère de deux enfants, au calme et à la détermination impressionnants, dirige les services du médiateur, chargés d'enquêter sur "les plaintes déposées contre les agences ou responsables du gouvernement" en matière de droits de l'homme, de corruption, d'abus de biens sociaux, etc.

Elle n'a pas de pouvoir coercitif et ne peut qu'émettre des recommandations. Mais sa rigueur et son courage font désormais l'admiration au-delà des frontières de l'Afrique du Sud.

"Thuli Madonsela est un exemple et une source d'inspiration pour ce que doivent être les hauts fonctionnaires en Afrique. Sa capacité à dire la vérité au pouvoir et à s'attaquer à la corruption au plus haut niveau est hors du commun", a dit d'elle l'ancien gouverneur de la banque centrale nigériane Lamido Sanusi, lorsque le magazine Times l'a placée cette année dans sa liste des 100 personnalités les plus influentes dans le monde.

- Traînée dans la boue -

Depuis la publication de son rapport, en mars, le président et sa majorité font bloc et rejettent toute accusation d'abus de biens publics.

Le 18 juillet 2014, Thuli Madonsela (g) célébrait le "Mandela day" dans un village de SOS Children à Mamelodi, une banlieue de Pretoria en Afrique du sud [Stefan Heunis / AFP]
Photo
ci-dessus
Le 18 juillet 2014, Thuli Madonsela (g) célébrait le "Mandela day" dans un village de SOS Children à Mamelodi, une banlieue de Pretoria en Afrique du sud

En août, Mme Madonsela a donc saisi le parlement et sommé Zuma d'expliquer publiquement pourquoi il ne devrait pas rembourser. Et le 21 août, un groupe de députés populistes a provoqué un incident à l'Assemblée et l'évacuation de l’hémicycle en criant au président, lors d'une séance de questions: "Rends l'argent, rends l'argent".

Depuis l'ANC s'est déchaîné contre elle, l'accusant d'avoir "en permanence l'intention de discréditer le parti et ses dirigeants".

En pleine tempête, Mme Madonsela a convoqué la presse jeudi: "Même si le parlement n'est pas content, l'hystérie et traîner les gens dans la boue ne sont pas les bonnes méthodes", a-t-elle dit, de son ton posé, porté par une voix d'une étonnante douceur chez cette Dame de fer africaine.

Née dans une famille modeste, dans le township de Soweto, aux portes de Johannesburg, à une époque où les Noirs n'avaient aucun droit dans le pays, formée au droit constitutionnel, elle a modestement mais personnellement participé à l'élaboration de la très libérale Constitution post-apartheid, comme conseiller technique du comité de rédaction.

Aujourd'hui, elle personnifie les valeurs d'honnêteté et de rectitude portées par le premier président noir du pays, Nelson Mandela, à la chute de l'apartheid en 1994.

Le président sud-africain Jacob Zuma à la Maison Blanche à Washington, le 5 aout 2014 [Brendan Smialowski / AFP/Archives]
Photo
ci-dessus
Le président sud-africain Jacob Zuma à la Maison Blanche à Washington, le 5 aout 2014

Beau parcours pour une femme qui avoue avoir terriblement manqué de confiance en elle dans sa jeunesse. Dans une lettre fictive à l'adolescente qu'elle fut à 16 ans, publiée par un magazine en 2012, elle s'écrit à elle-même:

"Je sais que tu es mal à l'aise dans la vie, en proie au sentiment tenace de ne pas être aimée, et laide. Cela vient peut-être du fait d'avoir été moquée pour ton gros nez (...) Avoir deux soeurs toujours admirées pour leur beauté ne t'a pas non plus aidée".

Mais, poursuit-elle: "Tes craintes de ne pas pouvoir être aimée étaient infondées. Tu as été aimée et soutenue au-delà de toute mesure tout au long de ta vie".

Aimée et soutenue, Thuli Madonsela l'est plus que jamais, en tout cas par tous les Sud-Africains qui placent en elle leurs espoirs de voir leur jeune démocratie devenir un solide Etat de droit.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités