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Nouveau départ pour l'Europe, par Jean-Marie Colombani

Jean-Marie Colombani [REAU ALEXIS / SIPA]

Chaque semaine, Jean-Marie-Colombani, cofondateur et directeur de Slate.fr, exprime de manière libre et subjective son point de vue sur les temps forts de l’actualité.

 

 

La France se focalise, à juste titre, au seuil des élections départementales, sur le poids du Front national. Ce phénomène s’inscrit dans un contexte européen de montée des extrémismes prenant ici des formes populistes, là des figures ­directement inspirées du fascisme (en Hongrie) ou du nazisme (Aube dorée en Grèce). Partout, l’extrémisme est présent et sa progression paraît suivre l’ascension du sentiment anti-européen. Dans nombre de pays de l’Union, nous sommes passés de l’euroscepticisme à une forme d’hostilité, notamment si l’on en juge par le comportement du nouveau gouvernement grec. La situation présente devrait au contraire susciter un sentiment proeuropéen : c’est grâce à cette Europe, tant décriée, tant caricaturée, que nous pouvons enfin avoir l’espoir de sortir de la crise. Et ce, principalement grâce à l’action de la seule institution fédérale dont l’Europe est dotée : la Banque centrale européenne.

L’action de celle-ci, guidée d’abord par Jean-Claude Trichet, puis Mario Draghi, avait déjà puissamment contribué à atténuer les effets de la crise financière internationale. Ces efforts avaient permis de franchir l’écueil que représentait le possible éclatement de la zone euro. Puis est apparue une nouvelle menace : celle de la déflation, qui signifierait l’entrée dans une longue période d’appauvrissement et de stagnation. Mario Draghi a mis sur pied une relance monétaire massive sur le modèle de ce qui a été fait par la ­Réserve fédérale américaine. Celle-ci a permis aux Etats-Unis de retrouver une croissance élevée, au point qu’ils sont désormais proches du plein emploi ! Ainsi, en Europe, après les dures années de crise, voici que se met en place un nouveau scénario, qu’apparaissent les prémices d’un cercle vertueux : injection, par la Banque centrale européenne, d’une quantité considérable de monnaie, laquelle fait baisser les taux et monter les Bourses européennes. Pour les gouvernements des pays de la zone euro, cette politique crée un environnement très favorable à la croissance, d’autant qu’elle a aussi pour effet immédiat de faire baisser l’euro, bientôt revenu à ­parité avec le dollar. Hier, un dollar faible favorisait la croissance américaine et nous affaiblissait. Tous les discours politiques, notamment en France et en Italie, dénonçaient l’euro fort. Aujourd’hui, c’est l’inverse. Le niveau de l’euro constitue une aide puissante pour tous ceux qui, en Europe, exportent vers le reste du monde.

La baisse des taux signifie que les entreprises et les particuliers peuvent se financer dans d’excellentes conditions. Elle représente aussi, pour nos Etats, un allègement de la charge de la dette. Ainsi, l’Allemagne emprunte à dix ans au taux de 0,2 % et la France à celui de 0,5 %. Cette situation doit nous conduire à relativiser, comme souvent, les commentaires dominants qui annonçaient, pour la France de François Hollande, une catastrophe financière. Mais le danger est que l’attention des gouvernements ne soit plus focalisée sur le poids de la dette qui reste un handicap. D’ailleurs, les banques centrales allemande et néerlandaise continuent de critiquer la politique de Mario Draghi, considérant que celle-ci allège la pression sur les gouvernements, qui ne seront plus incités à engager les réformes de structures ­nécessaires. A ces actions positives de l’Europe au service d’un retour de la croissance, donc de l’emploi, il faut ajouter un autre événement extérieur : la baisse du prix du pétrole qui, à son niveau actuel, signifie 1 à 1,5 point de croissance de plus pour l’ensemble de l’Union européenne. Pour la première fois, les pré­visions prudentes des gouvernements ont toutes chances d’être démenties par une réalité meilleure. Peut-être est-ce ce chan­gement-là qui pourra entraîner, à terme, le reflux des populismes

Jean-Marie Colombani

 

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