En direct
A suivre

Iran : un désir de changement

Le président Rohani a invité à écouter la population, dans un discours télévisé, le 31 janvier. Le président Rohani a invité à écouter la population, dans un discours télévisé, le 31 janvier.[Handout / Iranian Presidency / AFP]

Le président iranien Hassan Rohani semble prendre au sérieux l’envie de changement de son peuple. Mais il n’a pas toute latitude pour agir.

A l’écoute pour ne pas sombrer. C’est le message qu’a fait passer le président iranien Hassan Rohani, ce mercredi 31 janvier, dans un discours télévisé, assurant que les dirigeants actuels pourraient connaître le destin du chah d’Iran (en 1979) s’ils ignorent le mécontentement de la rue.

«Le régime précédent [...] a tout perdu précisément parce qu’il n’a pas écouté la voix et les critiques de la population», a-t-il affirmé, appelant à prendre en compte «les souhaits du peuple». De fait, les Iraniens ont manifesté plusieurs fois, ces dernières semaines, leur désir de changement. Quitte à subir la répression des Gardiens de la révolution, le corps paramilitaire dépendant du Guide suprême Ali Khamenei.

Colère et lassitude

Libertés individuelles restreintes, difficultés économiques... La contestation a beau s’être essoufflée après la vague d’arrestations parmi les manifestants du Nouvel An, le mécontentement reste intact parmi les Iraniens, alors que seize millions d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.

Pour l’opposant réformateur Mehdi Karoubi, qui a adressé en début de semaine une lettre ouverte au guide suprême Ali Khamenei, cette colère menace de faire tomber la République islamique. «Je vous exhorte, avant qu’il ne soit trop tard, à ouvrir la voie à des réformes structurelles du système», a écrit cet ancien candidat à la présidentielle. Peut-être le président Hassan Rohani avait-il son texte en tête lorsqu’il a appelé, dans son discours télévisé, à écouter «les voix des réformateurs, de l’élite et des gens instruits».

De fait, pour la sociologue Mahnaz Shirali, enseignante-chercheuse à Sciences Po, la contestation n’est pas près de s’arrêter. D’autant qu’au-delà des problèmes économiques, la population manifeste un rejet clair des normes culturelles imposées par les Gardiens de la révolution. «La jeunesse iranienne ne se retrouve pas dans les valeurs et les principes de ce régime», explique la spécialiste. 

En témoigne la contestation menée ces derniers jours contre l’un des symboles de la République islamique : l’obligation du voile. Plusieurs femmes sont ainsi apparues tête nue dans les rues, soulevant une vague d’enthousiasme sur les réseaux sociaux. Leur initiative a reçu un large soutien populaire, y compris de la part de franges conservatrices. Une internaute a par exemple posté une photo d’elle en tchador, avec le message «J'aime le voile islamique, mais je suis contre le voile islamique obligatoire».

Un président aux pouvoirs limités

Ce vent de liberté, regardé avec une relative bienveillance par le président Hassan Rohani, est en revanche minimisé et systématiquement réprimé par les Gardiens de la révolution, qui exécutent les ordres du guide suprême Ali Khamenei. 

Or c’est lui, et non le président, qui dirige le pays, concentrant l’essentiel des prérogratives exécutives. «Hassan Rohani n’a qu’un pouvoir de façade, son rôle est de communiquer avec la communauté internationale», explique Mahnaz Shirali. Le clergé chiite est, au contraire, présent à tous les niveaux de l’État, donnant la primauté au pouvoir religieux sur le politique. 

Dans ce contexte, les espoirs portés par l’arrivée au pouvoir d’Hassan Rohani ont été globalement déçus. Si bien que lors des dernières mobilisations populaires, les manifestants n’appelaient plus à des réformes, mais à un changement de régime.

À suivre aussi

Ailleurs sur le web

Dernières actualités