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Wikipedia est-il misogyne ?

Contenus supprimés, harcèlement, menaces de mort... les femmes sont de moins en moins nombreuses à contribuer à l'encyclopédie collaborative. Contenus supprimés, harcèlement, menaces de mort... les femmes sont de moins en moins nombreuses à contribuer à l'encyclopédie collaborative. [John MACDOUGALL / AFP]

Moins de 10% des contributeurs de la plateforme Wikipedia sont des femmes, bien loin du modèle libre et collaboratif que celle-ci promeut.

Derrière cette marée d'internautes, pianotant bénévolement sur leurs ordinateurs pour que des milliers d'utilisateurs puissent bénéficier d'une encyclopédie gratuite et ouverte à tous, la parité n'est en effet pas vraiment respectée. Selon les chiffres de la fondation Wikimedia, 90% des auteurs du site sont des hommes, contre 9% de femmes et 1% de non binaires. 

Interloquées par ces chiffres, trois chercheuses issues des université de Washington et Syracuse ont voulu creuser le sujet. «Ce qui m’a frappée dans les précédentes études à ce sujet, c’est que les auteurs blâmaient souvent les femmes elles-mêmes, se rappelle Amanda Menking, l’une des autrices de l’étude. Les femmes ne contribuent pas car elles n’aimeraient pas la critique, ni le conflit, elles n’auraient pas les compétences techniques nécessaires pour éditer des contenus… Et cela ne m’a pas paru très fondé».

Au bout de plusieurs années de recherches, et plus d'une vingtaine d'entretiens menés avec des contributrices, les témoignages sont consternants. «Les internautes peuvent en effet être harcelés lors de la modification de contenu dans Wikipedia», constate Wanda Pratt, coauteure de l'étude et professeur à l’Université de Washington.

Harcèlement et menaces de mort

Les contenus rédigés par des femmes sont régulièrement et injustement contestés, certaines ont subi du harcèlement en ligne, d'autres ont vu leurs données personnelles exposées sur la toile - une technique appelée «doxxing». Diane, l'une des contributrices interrogées raconte par exemple que le harcèlement peut se poursuivre sur d’autres plateformes comme Reddit, 4Chan, Twitter et Facebook. « Il existe un énorme groupe de personnes dédié à l’exclusion de "Wikipédiens"», raconte-t-elle. 

De son côté, Helena, une biologiste américaine, a vu son tout premier contenu immédiatement censuré par un autre éditeur, suivi du commentaire : «Tu ne connais rien à rien». Un second auteur a fini par masquer sa page et supprimer l'intégralité de son contenu, en lui laissant une menace de mort. 

En plus de nuire à la santé des utilisatrices, le sentiment d’insécurité finit par décourager les femmes à contribuer à l’encyclopédie collaborative. «Si vous recevez constamment des commentaires négatifs pour faire quelque chose, combien de temps allez-vous continuer à le faire ?», dénonce Wanda Pratt. Une sous-représentation qui nuit au contenu même de la plateforme. 

Pour mettre un terme à cette insécurité grandissante, la fondation Wikimedia prévoit de mettre en place un code de conduite et d'instaurer un moyen plus efficace de signalement des harceleurs. Des groupes de contribution exclusivement féminins se sont également formés pour rassembler les contributrices. 

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