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Trois questions au photojournaliste Reza Deghati : «je pense que l'on est près d'une fin de régime en Iran»

Reza Deghati est exilé depuis le début des années 1980.[©CNEWS]
Par Mis à jour le Publié le

Exilé depuis 1981, le photojournaliste né en Iran Reza Deghati n’a pas d’autre choix que de suivre les manifestations qui secouent son pays depuis l’extérieur. Près de 40 ans plus tard, très critique du régime des mollahs, il reste toujours prompt à dénoncer les agissements de la République islamique.

Pourquoi trouvez-vous que les récentes manifestations sont particulières en Iran ? 

Quelques mois après le début de la république islamique en 1979, les manifestations contre la République ont commencé. Depuis, elles ont toujours existé. Les femmes ont commencé à manifester parce qu’elles ne voulaient pas accepter le voile obligatoire, mais chaque fois le régime a envoyé toute sa force en tirant sur les manifestants, en tuant des milliers de gens et en arrêtant des dizaines de milliers d’autres. Ils n’avaient pas peur de le dire. Ils voulaient que cela fasse peur.

Lors des manifestations de novembre, Qassem Soleimani était à la tête de milices de gardiens qui attaquaient les manifestants. Ils ont tué 1500 selon leurs propres dires. Ils font la même chose avec les manifestants irakiens, qui sont anti-République islamique et régime pro-iranien. Cette histoire se poursuit donc, mais dans les années précédentes il fallait attendre un ou deux ans entre les manifestations, alors que c’est désormais continuel. 

Est-ce que les Américains comme Donald Trump ont raison de croire à une chute du régime iranien ? 

Le régime n’a plus les pieds solides, il manque énormément de finances à cause des sanctions américaines et européennes. Cet argent, en partie, n’était pas pour le peuple iranien, mais pour les forces militaires, les gardiens de la révolution, la police et eux-mêmes. Une grande partie est envoyée au Liban pour le Hezbollah, au Yémen et dans d’autres groupes de milices que l’Iran a formés en Irak en Syrie, en Afghanistan. À partir du moment où ils ont perdu cet argent, ils commencent à ne pas payer les ouvriers ou les fonctionnaires des administrations. Il y a donc de nombreux signes d’un effondrement.

Autre exemple, le régime avait autour de lui un bon groupe d’artistes, des acteurs, des célébrités. Beaucoup de ces gens avaient des millions de followers sur les réseaux sociaux, donc ils s’en servaient beaucoup. Ils utilisaient la peur, ou d’autres moyens pour les attirer. Mais depuis quelques jours, un par un, ils commencent à se désister et à s’excuser sur les réseaux sociaux. Je pense que l'on est proche d’une fin de régime. 

On entend souvent parler de la «résilience» du peuple iranien en temps de guerre ou de conflit. Est-ce que la stratégie de sanction des Américains et des Européens est une bonne stratégie dans ce contexte ? 

Cette résilience existe parce que l’Iran est un pays qui a vécu beaucoup de guerres. Les Iraniens ont résisté, jusqu’à maintenant, à toute forme d’envahisseurs à partir du moment où à leur tête, ils avaient un groupe qu’ils considéraient comme les leurs. Or ce n’est pas le cas aujourd’hui. Le peuple iranien, a plus de 90% s’est tourné contre le régime.

Depuis plusieurs jours, dans le sud-est iranien, il y a des inondations avec deux mètres d’eau qui ont emporté des villages entiers, avec plein de morts… Pas un seul représentant de régime n’est là pour aider ces gens. C’était la même chose pendant le tremblement de terre à Kermanshah en 2017. Ces gens-là, qui avaient tout perdu, vivent toujours sous des tentes. Le régime utilisait alors l’argent qu’il avait de l’autre côté de la frontière pour payer les milices en Irak ou en Syrie. Le peuple sait que ceux qui règnent ne sont plus Iraniens, ou plus considérés comme des Iraniens. Cette séparation existait avant les sanctions, alors avec les nouvelles, c’est encore pire.

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