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Présidentielle américaine : Les «républicains contre Trump» veulent faire basculer le scrutin

Tous les républicains ne seront pas forcément derrière Trump lors de la prochaine convention nationale du parti Tous les républicains ne seront pas forcément derrière Trump lors de la prochaine convention nationale du parti. [JIM WATSON / AFP]

La politique américaine est souvent représentée avec un bloc républicain, un bloc démocrate, tous deux soudés, et un panel d'indécis qui change le cours du scrutin. Et si cela est vrai dans une certaine mesure, la situation est bien entendu plus complexe, avec des votants parfois transfuges d'un camp vers l'autre. C'est notamment le cas du groupe des «électeurs républicains contre Trump».

Cette organisation récente, composée d'électeurs, d'anciens conseillers et de spécialistes politiques conservateurs, met tout en œuvre pour convaincre les derniers indécis de voter Joe Biden, quand bien même cela va à l'encontre de leurs croyances politiques. Leur cible privilégiée ? Les Blancs, éduqués, qui vivent dans les banlieues des grandes villes, explique le New York Times. Selon eux, ce groupe d'électeurs pourrait changer le destin de l'élection, et ils s'exhortent à les convaincre de ne pas réélire Donald Trump. 

Une campagne de publicité télévisée à hauteur de 10 millions de dollars va bientôt être diffusée, sous l'égide du «Lincoln Project». Les spots montreront des conservateurs déçus ou mécontents de l'actuel président américain. Leur volonté de s'opposer à l'ex-homme d'affaires n'est pas nouvelle, puisque ce groupe tire son origine du «Never Trump Movement» («Jamais Trump» en français), né pendant la primaire républicaine de 2016.

Ainsi, en mars 2016, 122 membres du parti, dont des élus, signaient une tribune rejetant la candidature de Donald Trump, affirmant qu'ils ne voteront pas pour lui si son nom était choisi par les électeurs. Cependant, ces nouvelles dépenses montrent «un signe fort de l'engagement du groupe pour faire échouer Trump. Jusqu'ici, le groupe s'était limité à des prises de positions publiques peu susceptibles de convaincre qui que ce soit parmi les indécis», explique Sébastien Mort, maître de conférences en civilisation américaine à l'Université de Lorraine à Metz, et rattaché au Centre de Recherche sur les Médiations. 

Des critiques murmurées

Cela n'aura visiblement pas changé le cours de l'élection, ce qui n'a pas empêché certains d'entre eux de continuer le combat pendant toute la période de la destitution, et aujourd'hui pendant la campagne électorale. «Nous avons manqué en 2016 d'un vrai effort commun pour prendre les voix des vrais gens qui avaient des réticences vis-à-vis de Trump, mais qui s'identifiaient comme républicains, et en faire nos messagers», explique Sarah Longwell, conservatrice depuis toujours et l'une des cadres de ce mouvement. 

Le contexte n'est pas non plus le même. Après la crise du coronavirus, pendant laquelle l'économie s'est effondrée alors que les Etats-Unis ont été le pays le plus touché, et les émeutes liées à la mort de George Floyd, certains anciens proches commencent à se désolidariser du président. James Mattis, ancien secrétaire à la Défense, a en effet publié une tribune largement anti-Trump. Plusieurs sénateurs et représentants au Congrès ont critiqué l'opération de communication de Donald Trump devant l'église Saint John de Washington, quelques minutes après la dispersion des manifestants de la Maison Blanche à l'aide de gaz lacrymogène. 

Susan Collins, élue républicaine au Congrès depuis 1996, a ainsi expliqué qu'il était «difficile de voir des manifestants gazés pour permettre au président de traverser la rue en direction d'une église où il n'est allé qu'une fois selon moi. Je pense que le président est apparu antipathique et insensible». «Chez les sénateurs, la majorité a choisi de soutenir le président», tempère Françoise Coste, historienne et spécialiste de la droite américaine, expliquant que certains craignent des représailles publiques sur les réseaux sociaux pouvant rendre difficile leur réélection. «Un signe de Donald Trump envers son électorat que tel ou tel est un traître à la cause, et celui-ci risque de se voir défier lors de la primaire suivante ou de perdre le soutien des financements des gros donateurs», assure également Sébastien Mort.

Joe Biden prêt à sauter sur l'occasion ?

Résultat, du côté de l'équipe du président sortant, on ne s'inquiète pas. Interrogé par mail par le New York Times sur la question, le porte-parole de campagne de Donald Trump a répondu en un mot pour caractériser les «républicains contre Trump» : «irrelevant» («sans importance» en français). Un sentiment partagé par Françoise Coste. «Ils n'auront aucune influence sur la base de l'électorat républicain, qui a totalement basculé pour Donald Trump. Ils peuvent cependant avoir un impact à Washington, auprès des élites du parti, qui lui n'est pas forcément acquis à 100%», explique-t-elle. 

Sur les indécis en revanche, tout est encore ouvert. D'autant que le choix de Joe Biden face à Bernie Sanders ou Elizabeth Warren pour les démocrates ouvre des portes. «Si Bernie Sanders avait gagné, peu de républicains auraient voté pour lui car il est trop éloigné de leurs idées. Joe Biden est un centriste, et cela ne représenterait pas une trop grande trahison chez les électeurs républicains qui n'approuvent pas les façons de faire de Donald Trump», affirme Françoise Coste.

Il bénéficie également du fait de ne pas être Hillary Clinton, détestée des conservateurs, qui n'avait pas franchi le pas en 2016. Or, selon Sébastien Mort, l'objectif n'est pas de faire du «tout sauf Trump» pour ces potentiels électeurs républicains : «ils se décideront non pas sur la force de frappe de l'opposition à Trump (...) mais sur les propositions de Joe Biden et les réponses qu'il entend apporter à la triple crise économique, sanitaire et ethnoraciale qui frappe actuellement le pays».

Si cela venait à se confirmer, avec une hausse de la participation des Noirs américains, très majoritairement démocrates, Joe Biden pourrait augmenter ses chances. Une théorie à l'heure actuelle, qui devra attendre le 3 novembre prochain pour se confirmer, ou non. 

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