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Bolivie : un rapport mensonger a mené au départ de l'ex-président Evo Morales

Réélu pour un quatrième mandat en octobre, Evo Morales avait été contraint à la démission trois semaines plus tard, après un mouvement de protestation d'ampleur. Réélu pour un quatrième mandat en octobre, Evo Morales avait été contraint à la démission trois semaines plus tard, après un mouvement de protestation d'ampleur. [HO / BOLIVIAN PRESIDENCY / AFP]

Le 10 novembre dernier, le président bolivien Evo Morales annonçait sa démission, après trois semaines de contestation provoquée par sa réélection controversée à la tête du pays. Un départ précipité par un rapport de l'Organisation des Etats américains (OEA) dénonçant des fraudes électorales, mais qui était en réalité mensonger, selon une étude réalisée par des chercheurs indépendants et révélée par le New York Times.

Dans son audit du scrutin, dont les premiers éléments ont été rendus publics peu avant la démission d'Evo Morales - avant que la version finale ne soit publiée le 4 décembre -, l'OEA invoquait des «manipulation du système informatique» et jugeait statistiquement peu probable qu'Evo Morales, un socialiste au pouvoir depuis 2006, ait obtenu la marge de dix points de pourcentage nécessaire pour être élu dès le premier tour de la présidentielle. En conséquence, elle avait réclamé l'annulation du scrutin et la convocation d'une nouvelle élection.

Se basant sur le rapport de 100 pages publié en décembre par l'OEA, l'étude des trois chercheurs indépendants de l'Université de Pennsylvanie et de l'Université Tulane (Louisiane) pointe les graves manquements de cet audit. «Nous avons constaté des problèmes avec leurs méthodes», affirme au New York Times Francisco Rodriguez, économiste spécialiste de l'Amérique latine à l'Université Tulane. «Une fois ces problèmes corrigés, les résultats ne donnent aucune preuve statistique de fraude.»

«Données incorrectes» et «méthode statistique inappropriée»

En particulier, les conclusions des chercheurs contredisent l'affirmation de l'OEA selon laquelle la victoire d'Evo Morales, premier président indigène de Bolivie, a été «seulement rendue possible par un bond massif et inexplicable (de son score) dans le décompte des derniers 5 % des suffrages». Selon l'étude, cette brusque augmentation n'existe pas. Les chercheurs suggèrent que l'OEA a utilisé des «données incorrectes» pour arriver à ce résultat, ainsi qu'une «méthode statistique inappropriée».

Malgré tout, cette «analyse n'établit pas l'absence de fraude dans cette élection», souligne le rapport, publié sur le site de prépublication SSRN. Elle met seulement en lumière les manquements de l'audit réalisé par l'OEA, sur lequel se sont basés, d'un côté l'opposition bolivienne pour justifier les mouvements de protestation, de l'autre les Etats-Unis pour accuser les responsables électoraux boliviens de tenter de «renverser la démocratie».

C'est donc un rapport erroné qui a poussé la Bolivie dans une grave crise politique, dont le pays d'Amérique du Sud n'est toujours pas sorti. Après la démission d'Evo Morales, en exil aujourd'hui en Argentine, une sénatrice de droite, Jeanine Anez, s'est autoproclamée présidente par intérim mi-novembre et a promis une nouvelle élection présidentielle rapidement. Plus de sept mois plus tard, le scrutin n'a toujours pas eu lieu. Il aurait dû se tenir début mai, mais a été reporté au 6 septembre pour cause de pandémie de coronavirus. 

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