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Une ville de Touraine défend ses deux Caravage

Le maire de Loches Jean-Jacques Descamps le 30 avril 2013 dans l'église Saint-Antoine devant deux tableaux du Caravage [Alain Jocard / AFP] Le maire de Loches Jean-Jacques Descamps le 30 avril 2013 dans l'église Saint-Antoine devant deux tableaux du Caravage [Alain Jocard / AFP]

Les deux tableaux de l'église Saint-Antoine de Loches (Indre-et-Loire) sont-ils du célèbre peintre italien Le Caravage (1571-1610)? C'est ce qu'affirme depuis 2006 la municipalité malgré les doutes émis par plusieurs experts réunis en colloque lundi et mardi dans la petite ville de Touraine.

Images à l'appui, les experts ont longuement disserté devant une cinquantaine de passionnés, historiens, professeurs ou élus sur les biens culturels de la région.

Les deux tableaux abrités dans la galerie Antonine, spécialement aménagée dans l'un des ailes de l'église Saint-Antoine, ont été au centre des débats.

"La cène à Emmaüs" (1,41x1,96 m) ressemble beaucoup à celui exposé à la National Gallery de Londres. Seule la tête du Christ n'est pas la même.

Le second tableau, "L'incrédulité de Saint-Thomas" (1,07x1,46 m) montrant Saint-Thomas mettant son doigt dans la plaie du Christ, est une réplique avec néanmoins quelques légères différences par rapport au tableau exposé au musée de Potsdam en Allemagne.

Pour le Britannique Clovis Whitfield, historien de l'art, spécialiste du Caravage, "ces tableaux ne sont pas des Caravage. Ils auraient été peints par Prospero Orsi, compagnon de route du maître".

Un avis partagé par Maria Cristina Terzaghi, professeure à l'université de Rome III, spécialiste du Caravage. "Ce sont des copies qui datent de 1606, mais je ne sais pas à qui les attribuer", a-t-elle dit en italien.

Le maire de Loches Jean-Jacques Descamps le 30 avril 2013 dans l'église Saint-Antoine devant deux tableaux du Caravage [Alain Jocard / AFP]
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Le maire de Loches Jean-Jacques Descamps le 30 avril 2013 dans l'église Saint-Antoine devant deux tableaux du Caravage
 

Mais le maire Jean-Jacques Descamps ne l'entend pas de cette oreille. "Qu'on me prouve une fois pour toute que ce ne sont pas des Caravage !", tempête-t-il.

25.000 visiteurs chaque année

"Le Caravage faisait souvent des répliques en changeant certains personnages du tableau", ajoute l'élu pour qui la présence de ces tableaux représente une aubaine: plus de 25.000 personnes viennent les admirer chaque année.

"Regardez: ils portent, peints en façade et en partie haute le blason de Philippe de Béthune (1566-1649), Cardinal et ambassadeur de France à Rome, l'un des plus grands mécènes privés après le roi, tout de même", dit M. Descamps.

Selon un document conservé aux Archives nationales, Philippe de Béthune avait acheté quatre Caravage dont une "Cène à Emmaüs" et une "Incrédulité de Saint-Thomas". Il indique que ce sont des originaux de l'artiste Michel Ange Merisi (dit Le Caravage) et le prix payé, élevé pour l'époque: 250 livres et 130 livres.

Déposés à Loches après la Révolution, les deux tableaux ont été oubliés sur les murs de l'église et depuis deux siècles y sont restés quasiment invisibles sous la crasse et le vernis.

Redécouverts en 1999, analysés par un laboratoire scientifique, ils ont été classés Monuments Historiques en septembre 2002. En janvier 2006, la municipalité décidait d'annoncer la découverte des deux toiles.

Dans l'église, la galerie Antonine a été créée en 2010 à la demande du ministre de la Culture pour un coût de 300.000 euros, dont la moitié à la charge de la commune de 7.000 habitants.

"La France a classé Monuments Historiques ces tableaux. Le ministère de la Culture exige qu'ils soient présentés au public derrière les mêmes vitrages blindés que ceux utilisés pour la Joconde au Louvre. Des caméras et des systèmes d'alarme veillent nuit et jour. Ce seraient donc les deux croutes les plus protégées de France ?", demande le maire.

De son côté, un autre expert qui n'était pas présent au colloque, José Frèches, historien d'art, reste aussi convaincu qu'il s'agit de Caravage.

"Mon point de vue n'a pas changé", a dit l'expert, interrogé par l'AFP. Selon lui, le fait qu'un des "pontes" du milieu de l'art, Pierre Rosenberg, ancien président du Louvre, soit sceptique "sans pour autant les avoir vus", a "pesé sur ses collègues".

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