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Le point de départ de la pandémie de peste noire identifié sept siècles plus tard

Les deux sites funéraires ont été localisés près du lac d'Issyk Kul au Kirghizistan, dans les montagnes du Tian Shan. [VYACHESLAV OSELEDKO / AFP]

Des siècles après l'épidémie meurtrière de peste noire qui a touché l'Europe au Moyen-Age, une étude a identifié le point de départ de l'expansion de la maladie en Asie centrale.

La peste noire a décimé une grande partie de la population européenne au Moyen-Age et pourtant son origine est restée incertaine... jusqu'à aujourd'hui. Sept siècles plus tard, une étude publiée mercredi 15 juin dans la revue Nature identifie la source de la maladie en Asie centrale, dans l'actuel Kirghizistan.

Historien spécialiste des catastrophes et professeur à l'Université de Stirling, en Ecosse, Phil Slavin s'est engagé dans ce travail de recherche après avoir eu connaissance de l'existence de deux sites funéraires médiévaux près du lac d'Issyk Kul au Kirghizistan.

Sur plus de 400 pierres tombales, une centaine mentionnait une épitaphe lourde de sens, écrite en ancien syriaque : «mort de pestilence». Précisément datées en 1338-1339, ces tombes semblaient indiquer une surmortalité anormale au sein d'une communauté, sept ou huit ans avant que la peste noire ne frappe l'Europe.

En effet, la maladie a atteint le Vieux continent en 1346 par le bassin méditerranéen, via des navires transportant des marchandises depuis la Mer noire. Jusqu'à 60 % de la population d'Europe, du Moyen-Orient et d'Afrique du nord a été tuée par la terrible «mort noire», en seulement huit ans. La maladie a ensuite resurgi par intermittence, durant 500 ans.

Au Kirghizistan, les chercheurs ont donc prélevé l'ADN dentaire de sept squelettes reposant près du lac d'Issyk Kul. «La pulpe dentaire est une source précieuse, car c'est une zone très vascularisée qui donne une forte chance de détecter des pathogènes dans le sang», a expliqué Maria Spyrou, co-auteure de l'étude issue de l'Université de Tübingen en Allemagne.

Vieux de plusieurs siècles, cet ADN était très fragmenté et délicat à exploiter. Les scientifiques sont malgré tout parvenu à le séquencer et l'ont comparé à une base de données contenant le génome de milliers de bactéries. L'équipe a ainsi établi que ces corps avaient bel et bien été infectés par Yersinia pestis, le bacille responsable de la peste noire, transmise à l'homme par les puces des rongeurs.

L'analyse du génome a révélé qu'ils avaient affaire à une souche ancestrale de la bactérie. Celle qui se trouve à la base de «l'arbre génétique» de la peste.

L'apparition de la maladie en Europe est associée à un «Big Bang» génétique au cours duquel les bactéries souches se sont massivement diversifiées. Or, celles déccouvertes au Kirghizistan se trouvent «au noeud de cette diversification massive» survenue vers les années 1330, selon les chercheurs.

Des communautés de commerçants au long cours

Pour Maria Spyrou, c'est bien la preuve que cette région du monde, le Tian Shan, a été le point de départ de l'expansion de la maladie. Sans compter qu'en étudiant les rongeurs vivant aujourd'hui dans le Tian Shan, les scientifiques ont identifié une souche de la bactérie très similaire à celle décelée chez les victimes humaines de 1338-1339. D'après Johannes Krause, l'un des co-auteurs de l'étude, il s'agit même de «la plus proche qu'on ait trouvée dans le monde».

Les objets funéraires trouvés sur ces deux sites funéraires kirghizes laissent penser qu'ils sont ceux de communautés chrétiennes, ethniquement diversifiées (Mongols, Ouïghours...), qui pratiquaient le commerce au long-cours. Des perles du Pacifique, des coraux de Méditerranée et des vêtements de soie ont notamment été retrouvés.

Le signe, selon Phil Salvin, que ces commerçants, «vivant au coeur des routes de la soie, [...] ont dû beaucoup voyager, ce qui a joué un rôle dans l'expansion de l'épidémie via la Mer noire».

La peste n'a jamais été éradiquée de la surface de la Terre et les marmottes des montagnes du Tian Shan sont connues pour constituer le principal réservoir animal de la maladie. Des milliers de personnes continuent d'être infectées chaque année, notamment en Asie centrale, mais une pandémie meurtrière comme celle du Moyen-Age n'est pas à craindre. La bactérie est la même mais les conditions d'hygiène et la médecine, elles, ont bien évolué.

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