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Jul : «Les auteurs de BD sont un peu des mustangs sauvages»

L’auteur de BD Jul a déjeuné avec le Président Macron au Festival d’Angoulême en arborant un t-shirt dénonçant les violences policières L’auteur de BD Jul a déjeuné avec le Président Macron au Festival d’Angoulême en arborant un t-shirt dénonçant les violences policières[© VJanniere]

Jul, auteur entre autres de « Silex and the city » et du récent « Coloc of Duty, génération Greta », a participé au déjeuner avec le Président de la République à Angoulême ce jeudi 30 janvier 2020. En signe de protestation, il lui a offert un t-shirt dénonçant les violences policières.

Vous êtes en colère ?

C’est assez paradoxal, on fête le lancement de l'année de la BD dont je suis l'un des parrains, c’est la première fois qu’un président vient au Festival d’Angoulême, le rapport Racine est sorti, tout le monde en est plutôt satisfait puisque les syndicats d’auteurs attendaient des décisions fortes autour de l'acquisition du statut d’auteur, de la lutte contre la précarisation de la profession.

Quand un président vient et organise un déjeuner, il y a des auteurs qui boycottent le déjeuner, mais il y en a d’autres qui pensent que c’est au contraire le moment de dire les choses qu’on a à dire et moi je suis plutôt de cette école là. Mon credo, c’est de dire que si la BD est aussi riche, aussi intéressante en France, c’est parce qu’elle est une caisse de résonnance de ce qui se passe dans le pays.

Comment est né ce t-shirt ?

Tout a débuté lors de l’annonce de l’évènement « BD2020 » au Ministère de la Culture. J’avais fait cette blague : « 2019, c’était l’année du LBD, espérons que 2020 ne soit que l’année de la BD ». Des auteurs ont alors détourné la mascotte d’Angoulême avec cette blague, qui met en scène quelque chose de dramatique au fond. Le fait qu’il y ait un tel recours à la force disproportionnée et brutale et une apathie des pouvoirs publics par rapport à ça, me blesse.

Que s'est-il passé après qu'il ait vu ce t-shirt ?

Il y a eu une prise de parole assez musclée autour de la table. J'ai parlé de mes préoccupations : l’absence de réaction gouvernementale autour de l’environnement, de la crise climatique, ses reculades sur les questions de biodiversité, d’usage des pesticides, etc. Ces questions que tout le monde devraient prendre en compte sont complètement arbitrées en leur défaveur. Toutes les planètes étaient alignées pour qu'Emmanuel Macron agisse mais il n’a pas fait ce qu’il fallait. 

Vous venez de publier « Coloc of duty, génération Greta » (Dargaud), c'est en lien avec ces préoccupations écologiques justement...

J’aime bien mettre en scène les choses qui m’angoissent. Ce déjeuner était l'occasion de les dire au principal intéressé, ça ne se reproduit peut-être plus. Emmanuel Macron s’attendait peut-être à parler de Boule et Bill et des Schtroumpfs.

Quelle a été sa réaction face à votre petit cadeau ?

Le commissaire de police, me voyant arriver au déjeuner avec le t-shirt me l’a d'abord confisqué. Mais je l’ai récupéré après avoir beaucoup bataillé et je l'ai donné au Président qui s’est marré. Je n’aurais pas pu participer à un tel déjeuner sans mettre un coup de projecteurs sur ces choses qui sont révoltantes.

Finalement, il a été à l’écoute, c'est un peu son travail. Mais les auteurs de BD sont un peu des mustangs sauvages, il n'y en n'a pas beaucoup qui marchent dans le rang, ce sont souvent des personnalités particulières, certaines plus commerciales que d’autres,  plus expérimentales, mais au fond, on est tous en capilarité avec le monde qui nous entoure. Quand on restitue cela dans notre travail ou dans le débat public, ça peut gratter.

Vous avez parlé du statut des auteurs ?

Il était au cœur des discussions. Il y avait Bruno Racine assis au bout de la table, comme un vieux sage, une espèce de Yoda du droit des auteurs et effectivement, tout le monde s’est félicité des préconisations du rapport. Les gens qui étaient un peu à la pointe dans la contestation, dans le militantisme de cette reconnaissance du statut des auteurs et de leur précarisation, sont très heureux de l’essentiel. Mais ce genre de rapport sera-t-il enterré ? Il semble que de la part du Ministère de la Culture, ils veulent mettre en œuvre rapidement les préconisations du rapport. Donc il y a quelque chose de vraiment positif. Mais ça n’occulte pas ce qui se passe en France en ce moment.

Y a-t-il eu des moments de joutes verbales ou était-ce cordial ? Quelle était l’ambiance ?

C’était une réunion de gens bien éduqués. On a pu être assez solide sur ce qu’on avait à dire chacun. Nous sommes assez confiant autour de la prise en compte des préconisations du rapport Racine par le gouvernement. Après, je ne pense pas que j’ai transformé Emmanuel Macron en Dalaï Lama ou en Greta Thunberg par la simple puissance de mon verbe et de mon stylo.

Vous êtes remonté contre le Président ?

Je suis remonté contre cette pusillanimité politique et le fait de rater un rendez-vous avec l’Histoire. C’est un gâchis considérable qui me met en colère, qui m’attriste. Pour les gens qui sont dans le domaine de la satire, qui manient l’humour, c’est souvent bien d’être en colère, désespéré, ça donne du carburant mais je préfèrerais être chez moi tranquillement à planter des fleurs.

On le trouve où ce t-shirt ?

Pour l’instant, il en existe que deux mais vous pouvez l’imprimer si vous voulez !

Le Président l’a-t-il gardé ?

Il est parti avec mais je ne sais pas s’il va s’en servir comme pyjama, il était un peu grand pour lui.

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