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Mort de George Floyd : ces 5 ouvrages célèbres qui traitent de la ségrégation raciale

L'auteure américaine Toni Morrison, décédée en 2019. [© PATRICK KOVARIK / AFP]

Mort par asphyxie par un policier blanc le 25 mai à Minneapolis, George Floyd est devenu une icône malgré lui de la lutte contre le racisme et les violences policières. Nombreux sont les auteurs afro-américains, comme Toni Morrison, à avoir dénoncé dans leurs ouvrages la ségrégation raciale dont ils ont été témoins ou victimes. Voici cinq livres sur ce thème qui méritent d'être (re)lus.

«Black Boy», de Richard Wright (1945)

Il fut l’un des premiers écrivains noirs à oser aborder la question de la ségrégation raciale sur papier. Après avoir publié le roman «Native Son» en 1940, Richard Wright dévoile, cinq ans plus tard, cet ouvrage autobiographique dans lequel il décrit son enfance et son adolescence dans le sud des Etats-Unis, au Mississipi, dans les années 1920. Un Etat où les «nègres», ces «hommes de couleur» sont considérés comme des parias et que les Blancs réprimandent à coups de fouet avec la menace du Ku Klux Klan. Alors que son père a fui, le narrateur tente de tracer sa route auprès de sa mère, malade et incapable de s’en occuper. Il est confronté à l’alcoolisme, erre de foyer en foyer, dégote des petits boulots pour gagner quelques dollars. S’il émet des réserves à rejoindre la communauté religieuse, ce gamin solitaire a une soif d’apprendre malgré une scolarité décousue. Il part au Nord où les conditions de vie semblent moins difficiles et où il publie ses premiers textes, avant de connaître le succès. «Je savais maintenant ce que représentait le fait d'être nègre. J'étais capable de supporter la faim. J'avais appris à vivre dans la haine. Mais de sentir que certains sentiments m'étaient refusés, que l'essence même de la vie était inaccessible, cela me faisait mal, me blessant par-dessus tout. Une faim nouvelle était née en moi», se souvient-il.

«I Know Why the Caged Bird Sings», de Maya Angelou (1969)

Grande figure de la lutte pour les droits civiques aux Etats-Unis, Maya Angelou dévoile une partie de sa vie dans son premier roman, traduit en français par «Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage». Au fil des pages de cette autobiographique bouleversante, elle raconte l’enfance de cette petite fille née en 1928 qui est envoyée avec son frère chez sa grand-mère dans l’Arkansas. Une région où les Noirs sont humiliés et frappés. Tous doivent se battre pour exister et surmonter cette haine qu’ont les Blancs. «Nous étions des femmes et des hommes à tout faire, des servantes ou des lavandières, et aspirer à quoi que ce fût de plus ambitieux était de notre part grotesque et présomptueux», écrit Maya Angelou. Cette activiste connaîtra aussi le sexisme et tombera enceinte à 17 ans, après avoir été violée par son beau-père. Un roman initiatique qui prône la dignité, ainsi que la quête de liberté et d’indépendance.

«If Beale Street could talk», de James Baldwin (1974)

Adapté au cinéma par le réalisateur Barry Jenkins («Moonlight») en 2018, et réédité chez Stock, ce roman qui se déroule à New York dans les années 1970, conte l’histoire d’amour entre Tish, âgée de 19 ans, et Fonny, un jeune sculpteur noir. Alors que la jeune femme tombe enceinte, le couple décide de se marier. Mais Fonny est accusé à tort d’avoir violé une Porto-Ricaine, et se retrouve incarcéré. Les familles des deux amants tentent tout pour le faire innocenter, et se lancent dans une incroyable bataille. Plus qu’une simple romance pour adolescents, «If Beale Street could talk» dénonce l’injustice qui sévit aux Etats-Unis et dont les Afro-Américains sont souvent la cible. Mort à Saint-Paul-de-Vence en 1987 après avoir quitté les Etats-Unis, James Baldwin, noir et homosexuel, s’est battu contre les discriminations, et ses mots résonnent encore aujourd’hui alors que le mouvement «Black Lives Matter» prend de l’ampleur. «Etre un noir américain, ce n’est pas la même chose qu’être un autre n’importe où dans le monde. La première chose quand on naît c’est qu’on ne se rend pas compte qu’on est noir. Il faut que quelqu’un vous explique ça un jour, on t’appelle « nègre » quand tu as 4, 5, 7 ans, expliquait-il en 1972. (…) On commence à se demander si on ne mérite pas cette condamnation. Et c’est là où le drame commence. Quand on commence à se mépriser soi-même».

«Home», de Toni Morrison (2012)

Seule Afro-Américaine à avoir reçu le prix Nobel de littérature en 1993, Toni Morrison, qui fut également honorée par l’ancien président des Etats-Unis, Barack Obama, de la Médaille présidentielle de la Liberté, n’a cessé de dénoncer les conditions de vie parfois inacceptables de la minorité noire aux Etats-Unis. Dans son dixième roman, «Home», la romancière disparue en 2019, à l’âge de 88 ans, brosse encore une fois le portrait d’une Amérique ségrégationniste. On y suit le parcours de Frank Money, un Noir originaire de Géorgie, qui vit au sein d'une famille pauvre a souffert des atrocités des extrémistes blancs. Si elle apparaît comme une formidable porte de sortie, la guerre de Corée devient un horrible cauchemar pour le jeune homme qui rentre traumatisé. Franck part alors à la recherche de sa sœur, victime d'un médecin eugéniste, et traverse les Etats-Unis. Un voyage au cours duquel il constate que le racisme est devenu plus diffus, mais surtout ordinaire. Le duo reformé, leur retour à la ville natale se transforme en quête du passé, de l'histoire familiale, sous forme d'exorcisme et de rédemption, pour mener à une paix intérieure. Le tout en dix-sept chapitres.

«Between the World and Me», de Ta-Nehisi Coates (2015)

Paru en français sous le titre «Une colère noire. Lettre à mon fils», cet ouvrage a remporté un franc succès et décroché le prestigieux National Book Award outre-Atlantique. L’écrivain et journaliste américain Ta-Nehisi Coates, né en 1975 à Baltimore, s’adresse à son fils Samori, alors âgé de 15 ans, pour lui expliquer que le racisme aux Etats-Unis n’est pas un lointain souvenir et qu'il continue de diviser le pays. La mort récente de George Floyd en est un parfait exemple. «Voilà ce qu'il faut que tu saches : en Amérique, la destruction du corps noir est une tradition - un héritage. Je ne voudrais pas que tu te couches dans un rêve. Je voudrais que tu sois un citoyen de ce monde beau et terrible à la fois, un citoyen conscient. J'ai décidé de ne rien te cacher. (…) N’oublie jamais que nous avons été esclaves dans ce pays plus longtemps que nous n’avons été libres», lui rappelle-t-il, sur un ton grave. Ta-Nehisi Coates témoigne de sa profonde tristesse après les décès de Michael Brown, Eric Garner, Tamir Rice ou Walter Scott à cause de la «folie» de certains policiers blancs. Et il ne peut s’empêcher de penser à Prince Jones, son copain d’université également tué par un flic en 2000, alors qu’il n’était pourtant pas armé. Celui qui a participé à l’écriture du scénario de la série de comics «Black Panther» rappelle, en s'appuyant sur des faits historiques, que le combat pour les droits civiques et contre le racisme remonte à des décennies, et qu’il est loin d’être gagné.

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