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Pourquoi Mayotte va mal

Les Mahorais, comme beaucoup de territoires ultra-marins, s'estiment abandonnés par la métropole. [AFP]

Une île sous tension. Même si une levée des barrages routiers pourrait intervenir mercredi, Mayotte tourne toujours au ralenti. Les habitants du 101e département français, situé en plein océan Indien, sont en effet «en grève générale».

Depuis un mois, les mani­festations se succèdent. Mardi encore, ils étaient plusieurs milliers à défiler à ­Mamoudzou, la ville principale.

Une ­situation des plus préoccupantes qui a poussé la ministre des Outre-mer, ­Annick Girardin, à se rendre sur place depuis lundi. Malgré les promesses de l’Etat, le dialogue est longtemps resté dans l’impasse, jusqu'à ce que mardi soir, au bout de cinq heures de négociations, Fatihou Ibrahime, l'un des porte-parole du mouvement social, rapporte que la levée des barrages routiers allait être proposée mercredi à la population. «On a des avancées réelles, le plan de lutte contre l'insécurité est réelle», a-t-il dit.

Le fléau de la violence

Il faut dire que la ­délinquance endémique qui gangrène le département, empire. D’après la préfecture, l’année dernière, les violences, en partie liée «aux rixes entre jeunes en milieu scolaire», ont ainsi augmenté de 4,7 %. Ce sont d’ailleurs des affrontements opposant une centaine de jeunes armés de pierres et de barres de fer dans un lycée, le 19 janvier, qui avaient achevé de mettre le feu aux poudres.

Cette insécurité chronique est à mettre en parallèle d’un problème spécifique à Mayotte, l’immigration, «en provenance, surtout, de l’archipel voisin des Comores», explique Olivier Sudrie, économiste spécialiste de l’Outre-mer. Car si Mayotte reste pauvre, «on y est quand même dix fois plus riche qu’aux Comores», analyse-t-il.

L’île, devenue française seulement en 2011, est encore loin d’avoir les infrastructures nécessaires pour ­absorber des flux de population toujours plus nombreux. A commencer par les maternités et les établissements scolaires. Nombre de Comoriennes viennent en effet accoucher à Mayotte, parfois au péril de leur vie, le droit du sol permettant à leur enfant de devenir Français à leur majorité. «Beaucoup d’entre elles sont expulsées, mais pas leurs enfants», poursuit Olivier Sudrie.

Et si certains sont pris en charge par des membres de leur famille déjà présents à Mayotte, d’autres, au contraire, sont livrés à eux-mêmes dans les rues, avant de basculer définitivement dans la ­délinquance. Un fléau qui s’inscrit dans un contexte de précarité, notamment à cause du chômage, qui touche près d’un Mahorais sur deux. Et ce, dans un ­département où 84 % des habitants ­vivent sous le seuil de pauvreté, contre 7 % en Métropole.

Un «syndrome guyanais» ?

La crise actuelle à Mayotte semble ­s’inscrire dans un malaise commun à ­plusieurs territoires d’Outre-mer. Elle partage en effet de nombreux points communs avec celle qu’avait connue la Guyane, il y a un an. Dans le département français d’Amérique, l’insécurité et l’immigration clandestine en provenance du Brésil et du Suriname voisins avaient également été à l’origine de la crise.

Dans des proportions moins ­importantes, la Guadeloupe et la Martinique, sont, elles, confrontées à une immigration clandestine haïtienne. Autant de territoires qui partagent un fort sentiment d’abandon de l’Etat français. Une impression que la réaction jugée tardive du gouvernement, que ce soit via Ericka Bareigts dans le dossier guyanais, ou Annick Girardin dans la crise mahoraise, n’a fait que renforcer. 

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